"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

vendredi 24 février 2012

La Recherche : Appel de l’Enseignement supérieur et de la Recherche aux candidats à l’élection présidentielle et aux citoyens

L’actuel gouvernement présente la réforme de l’Université comme l’une des grandes réussites du quinquennat. Il prétend avoir donné aux universités leur autonomie, avoir fait, en faveur de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, « des efforts financiers sans précédent », avoir engagé une politique de l’excellence qui commencerait à porter ses fruits au niveau international et avoir réformé la formation des maîtres pour parvenir à une « meilleure formation des enseignants ».

Tout cela est faux !

Vous avez dit « autonomie » ?

- Les universités subissent une tutelle du Ministère toujours plus tatillonne et dépendent de plus en plus de financements privés et d’impératifs de rentabilité immédiate. L’attribution des crédits récurrents de l’État est toujours aussi parcimonieuse et opaque. Et les « Responsabilités et Compétences Élargies » imposées aux universités ne contribuent en rien à leur autonomie puisque l’État leur délègue de nouvelles charges financières sans les compenser.

- Alors que le gouvernement affiche l’Enseignement comme secteur prioritaire, aucun poste d’enseignant n’a été créé dans le supérieur depuis 2008. Le budget des universités, hors inflation, est en baisse d’environ 1 %. La liste des universités en déficit structurel ne cesse de s’allonger, imposant à l’État une mise sous tutelle contraire à l’autonomie qu’il prétend donner. Partout le développement des emplois précaires sert de variable d’ajustement à des budgets très contraints.

- L’indépendance scientifique et les libertés académiques des universités, des enseignants-chercheurs et des chercheurs ne sont plus respectées.

Vous avez dit « excellence » ?

- Le culte de l’excellence – mot magique jamais défini – ne peut faire oublier comment la recherche est malmenée dans notre pays : diminution des financements récurrents des universités et des organismes de recherche (jusqu’à – 90 % dans certains laboratoires), suppression de 10 % des emplois administratifs du CNRS, sans lesquels les chercheurs ne peuvent travailler.

- L’application de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) ravale des établissements de recherche comme le CNRS ou l’INSERM, que le monde entier nous envie, au rang de simples « agences de moyens ».

- Pour faire remonter les universités dans des classements internationaux aux critères très discutables, le gouvernement a poussé aux regroupements en tous genres. Cette course au gigantisme a fait naître un système à plusieurs vitesses. Les disparités entre universités se creusent et menacent les équilibres inter et intra-régionaux, obligeant les étudiants à une mobilité qui pénalise les moins favorisés.

- Une concurrence généralisée s’est instaurée, entretenue par deux agences de pilotage et d’évaluation très coûteuses, au fonctionnement opaque : l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES). Les universitaires et les chercheurs gaspillent désormais une part considérable de leur temps à rédiger rapports d’activité, dossiers de demande de financement et appels à projets, au détriment de leurs missions fondamentales de recherche et d’enseignement.

Vous avez dit « une meilleure formation des enseignants » ?

- Des rapports de l’Assemblée nationale et de la Cour des comptes l’ont désormais établi : la réforme de la formation des enseignants des premier et second degrés est un échec flagrant.

- Elle aura finalement provoqué la chute du nombre de candidats aux concours, le démantèlement ou l’affaiblissement des IUFM et la désorganisation des UFR, l’augmentation du nombre d’enseignants précaires, et conduit de jeunes professeurs à exercer à temps plein sans formation professionnelle suffisante.


Nos concitoyens doivent savoir que le monde de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche
est au bord de l’asphyxie.


C’est pourquoi nous, enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs, bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé, étudiants, lançons un appel solennel pour que soit mis un terme à toutes ces réformes, dont les effets sont dévastateurs.


Nous demandons une nouvelle politique pour l’Enseignement supérieur et la Recherche, en rupture avec les réformes destructrices que nous subissons depuis des années. Celle-ci devrait reposer sur les dix principes et objectifs suivants :

  1. Remplacer la loi LRU
  2. Abroger le décret du 23 avril 2009 modifiant le statut des enseignants-chercheurs.
  3. Rouvrir en urgence le dossier de la formation des maîtres
  4. Élaborer un plan pluriannuel de création de postes et un programme de résorption de la précarité pour les universités et les organismes de recherche
  5. Garantir à tous nos organismes de recherche les moyens humains et financiers nécessaires
  6. Revenir à un traitement équitable entre universités
  7. Doter tous les établissements d’Enseignement supérieur et de Recherche de conseils décisionnaires où les élus des personnels et des étudiants soient largement majoritaires et limiter l’empilement des structures
  8. Redonner confiance à tous les personnels en mettant fin aux dispositifs qui créent des discriminations et un climat de concurrence permanente
  9. Améliorer les conditions de vie des étudiants
  10. Abroger le décret Guéant du 31 mai 2011

Signez la pétition ICI

Les marchants de doutes

L’Heartland Institute, la machine à plomber le climat

La publication de documents internes du think-tank américain révèle sa stratégie pour contrer la réalité scientifique du changement climatique. Au menu : modification des programmes scolaires, salaires versés aux climato-sceptiques, influence sur les médias...

Aux Etats-Unis, c’est bien connu, on aime faire les choses en grand. Après les 111,3 millions d’accros au football américain du Super Bowl, les 45 millions de dindes dévorées pour Thanksgiving, voici une autre nouvelle « super machine » : celle à démonter la réalité scientifique du changement climatique anthropique. Le nom de cet exterminateur ? Le Heartland Institute. Les documents internes récemment révélés par le blog DeSmogBlog et par Think Progress étalent sans scrupules les stratégies mises en place par ce think-tank pour que le droit à polluer soit remis au goût du jour. En cinq points, Terra eco vous explique comment ce groupe s’y prend pour casser la baraque climatique.

- Aux écoliers, tu diras que le changement climatique est un canular.

« Beaucoup de personnes déplorent l’absence de matériels éducatifs, qui ne soit ni alarmistes ni surpolitisés, sur le changement climatique pour les écoliers du 12ème grade (l’équivalent de la classe de terminale, en France, ndlr). Heartland a essayé de rendre ce matériel disponible, mais n’a eu qu’un succès limité », peut-on lire dans le paragraphe consacré à l’éducation. Heureusement, le think-tank a une solution : le Dr. David Wojick. Ce sauveur n’est autre qu’un des consultants, issus de l’industrie du charbon, du bureau de l’information scientifique et technique du Département de l’Energie américain, pour lequel il a notamment planché sur la question de l’éducation des sciences et de l’environnement. Questions stratégies et contacts dans le milieu, c’est donc peu dire qu’il en connaît un rayon. Son plan ? Un programme scolaire destiné à démonter la bien-pensance climatique qui devrait avoir « un grand succès », comme l’espère Heartland.

Le Dr. Wojick a en effet imaginé quels concepts les enseignants devraient aborder, grades après grades, pour avoir le plus d’impacts. Les 17-18 ans se verront enseigner des modules comme « l’activité humaine change le climat est une controverse scientifique majeure » ou « le CO2 est un polluant controversé ». Les enfants de 12 à 15 ans devront apprendre que « les impacts sur l’environnement sont souvent difficiles à déterminer. Par exemple, il y a une importante controverse sur le fait que les humains changent ou non le climat ». Un « donneur anonyme » tel que le nomme le think-tank, semble emballé par ce projet : il lui a donné 100 000 dollars (75 516 euros), en partie reversés au Dr. Wojick, rémunéré à hauteur de 5 000 dollars (3 775 euros) pour chaque module proposé.

- Aux « anti-climat », tu donneras beaucoup d’argent

Grâce à Heartland, Anthony Watts se remplit aussi les poches. Cet ancien présentateur météo tient un des blogs les plus connus parmi les « anti-climat », Watts up with that ?. « Hearland s’est engagé à aider Anthony à lever 88 000 dollars (66 457 euros) en 2011 », atteste en effet un document, et ce afin de créer un nouveau site dédié au suivi des températures de surface. Pour Watts, les températures enregistrées depuis des décennies ne pourraient en effet pas être prises au sérieux, car parasitées par les micro-conditions régnant autour des thermomètres, à cause des radiations issues des bâtiments, des machines, des routes (révélant qu’il méconnaît de fait que les modélisations réalisées par les scientifiques sont pensées pour éliminer ces données parasites).

D’autres « anti » sont généreusement arrosés par Heartland, afin qu’ils continuent à répandre leurs messages climato-sceptiques, d’après cet autre mémo, résumant la stratégie du think-tank pour 2012. C’est le cas de Craig Idso, fondateur du Centre pour l’étude du CO2 et du changement climatique, payé 11 600 dollars par mois, soit 8 760 euros, par Heartland. Ou encore de Fred Singer, professeur émérite de sciences environnementales à l’Université de Virginie (5 000 dollars par mois, soit 3 775 euros), de Robert Carter, chercheur à la James Cook University, en Australie (1 667 dollars par mois, soit 1 258 euros). Le trio a déjà publié un ouvrage, Climage Change Reconsidered, disponible en ligne et coproduit par le Heartland Institute. Au total, le groupe dépenserait quelques 300 000 dollars (226 539 euros) en salaires pour payer des experts, rassemblés dans ce qu’ils nomment le « Nongouvernemental panel on climate change », afin de démonter les conclusions de l’Intergovernemental Panel on Climate Change (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), établi par le Programme pour l’environnement des Nations Unies et l’Organisation météorologique mondiale.

- Des conférences anti-climatiques, tu organiseras

C’est le point d’orgue des actions menées par le think-tank : organiser de grandioses contre-conférences allant à l’encontre des annuelles et officielles « Conferences of the parties »mises en place par l’IPCC. La quatrième conférence s’est tenue à Chicago, dans l’Illinois. En 2009, Suzanne Goldenberg, du Guardian, s’était aventurée dans les couloirs de l’une de ses réunions à New York, où se tenaient des sessions aux intitulés aussi improbables que « changement climatique et événements extrêmes : mensonges et statistiques », (voir la vidéo ici).

- Les grands médias, tu mettras dans ta poche

Certains médias ont été des alliés efficaces pour relayer les propos climato-sceptiques. Mais certains, à l’instar de Forbes, semblent avoir cassé le pacte. « Les efforts auprès de médias tels que Forbes sont particulièrement importants maintenant qu’ils ont commencé à permettre à des scientifiques très en vue, comme Peter H.Gleick, (un spécialiste des liens entre environnement, développement économique et sécurité internationale au Pacific institute d’Oakland, en Californie, ndlr) de publier des essais sur la science du changement climatique qui contrent les nôtres. Cette audience très suivie était anti-climat et il est important de continuer à y garder nos voix adverses », mentionne ce document sur la stratégie climatique pour 2012 (ici). Heartland envisage aussi d’approcher le journaliste Andrew C. Revkin, qui tient le blog DotEarth, en utilisant l’antipathie que celui-ci exprime vis-à-vis des plus extrêmes défenseurs du changement climatique anthropique.

- Des fonds des grands industriels, tu récolteras

En 2012, Heartland compte bien récolter 7, 7 millions de dollars (5,8 millions d’euros), soit 170% de budget en plus, auprès de ses donateurs, décrit le document dédié à la récolte de fonds. Parmi eux, un très secret (et très riche !) « anonymous donor » a promis 1,2 millions de dollars (900 000 euros). Pour boucler son budget, Heartland table sur de grandes compagnies, déjà partenaires, pour renouveler leurs dons. C’est le cas des géants du tabac Altria et Reynolds America, ou des « Big Pharma » que sont GlaxoSmithKline, Pfizer et Eli Lilley. Plus surprenant, des entreprises s’engageant pourtant publiquement en faveur de la lutte contre le changement climatique... versent aussi de l’argent à Heartland, à l’instar de Microsoft. Contribution au think-tank en 2009 : près de 60 000 dollars (45 300 euros). Réponse des intéressés : la société de micro-électronique aurait fait cette donation dans le cadre d’un autre programme mené par Heartland, qui donne l’accès à des logiciels à des organisations à but non lucratifs. « Notre position sur le climat demeure inchangée », a affirmé au Guardian une porte-parole de l’entreprise.

Après la publication de ces documents internes, la réponse du Heartland Institute n’a pas traîné : dans un communiqué de presse, le think-tank a promis de s’attaquer aux blogs et aux sites qui avaient repris ces documents avant qu’ils n’aient pu répondre. Car Heartland ne dément pas vraiment : à ses yeux, seul un des documents serait un « faux », titré « Confidential memo : 2012 Heartland climate strategy » (Note confidentielle : Heartland, la stratégie 2012 pour le climat).

Alice Bomboy - terraeco.net

mardi 21 février 2012

L'Environnement perd son ministère

Le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait commencé avec la création d'un superministère de l'Environnement, engagement de campagne. Il va se terminer sans ministère de l'Environnement… La nomination de Nathalie Kosciusko-Morizet au porte-parolat du président-candidat le 18 février va en effet entraîner la disparition de cette entité. Les portefeuilles du ministère de l'Environnement seront bientôt rattachés au Premier ministre, a indiqué le chef de l'Etat. La démission de NKM est l'affaire de "quelques jours" : "J'ai quelques dossiers à finir, notamment la clause de sauvegarde sur les OGM. (…) Après je m'occuperai à plein temps de la campagne", a-t-elle expliqué.

"La disparition du poste de ministre de l'Ecologie illustre jusqu'à la caricature la phrase prononcée par Nicolas Sarkozy en 2010 : « l'environnement, ça commence à bien faire »", a commenté Philippe Martin, secrétaire national adjoint à l'environnement au Parti socialiste, ajoutant : "Quant à confier le sort de l'écologie au Premier ministre François Fillon, c'est aussi enthousiasmant que de confier la lutte contre le réchauffement climatique à Claude Allègre".

Pour Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'environnement, "il y a des symboles qui en disent parfois autant que les petites phrases du chef de l'Etat qui estimait que « l'environnement, ça commence à bien faire ». La réalité institutionnelle a été mise en adéquation avec l'orientation politique du président-candidat". Stéphen Kerckhove estime qu'il "est grand temps de réinsuffler une dynamique à la politique environnementale française en lui donnant une constance et une orientation qu'elle n'a pas eues durant cinq longues années".  

Un portefeuille déjà allégé en 2010

Le ministère de l'Environnement avait déjà été affaibli en novembre 2010, lors de la passation de pouvoir entre Jean-Louis Borloo et NKM. Le ministre d'Etat, numéro 2 du gouvernement, laissait sa place à une "simple" ministre, qui reculait de deux places dans le gouvernement (numéro 4). Le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat était alors devenu le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement (MEDDTL), perdant en route le portefeuille de l'Energie (rattaché à l'Economie) et l'Aménagement du territoire (rattaché à l'Agriculture).

Sophie Fabrégat. Actu-Environnement.com

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Et après cela on me dit que l'écologie n'est ni de droite ni de Gauche. Foutaise que ces rhétoriques à la con ! la droite prouve, aujourd'hui, qu'elle n'a pas pris les défis environnementaux au sérieux et que nous avons bien raisons, nous les écolos, de nous situer à la Gauche de l'échiquier politique.

 Là est notre vraie famille.

Bruno

jeudi 16 février 2012

En 2012, un grenelle de la Recherche

La recherche à reconstruire après les années Sarkozy

Par Alain Trautmann, le 4 janvier 2012 - Mediapart

Fin novembre 2011, on a appris que, sur décision du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) avait annulé son programme 2012 de financement sur les contaminants de l’environnement et leurs effets, programme qui avait été lancé à peine un an plus tôt... On sait que les cancers liés à l’environnement sont en forte croissance, et que l’étude de l’impact des contaminants environnementaux sur les écosystèmes, les organismes et la santé humaine sont des sujets de recherche d’une grande importance sociétale. La décision ministérielle appliquée par l’ANR indique l’importance réelle qu’accorde notre gouvernement à ces questions. Pour protester contre cette irresponsabilité, des chercheurs viennent de lancer une pétition demandant le rétablissement immédiat de ce programme de l’ANR.

Mais il ne faut pas se contenter de cela et, à partir de la question de la recherche sur les contaminants de l’environnement, poussons un peu plus loin l’analyse de l’organisation actuelle de la recherche et de la pérennité de son financement. Dans le contexte électoral actuel, un tel approfondissement de l’analyse peut avoir quelque utilité.

L’ANR est une agence de financement dont on voit une fois de plus qu’elle constitue une structure grâce à laquelle le gouvernement peut décider seul des sujets de recherche qui lui paraissent conjoncturellement importants, en se passant de l’avis des scientifiques et des parlementaires. Son horizon est politique, ce sont les prochaines élections, et non pas le développement à long terme de la recherche. Or les questions de toxicité environnementale ne sont évidemment pas des questions conjoncturelles, susceptibles d’être réglées avec des programmes de 3 ans -en imaginant même qu’ils ne soient pas annulés au bout d’un an-. De telles questions de long terme devraient être prises en charge et financées par des structures sachant fonctionner sur cette durée : les organismes de recherche (CNRS, INSERM, INRA) et les universités. Pour les étudier, il faut créer des postes, car le développement d’un secteur de recherche ne peut se faire sans investissement humain. Et d’ailleurs, parmi les promesses du Grenelle de l’environnement, figuraient la création de postes d’enseignants-chercheurs. Ces postes n’ont existé que sous forme d’annonce, puis ils ont été oubliés. Lorsqu’il s’adresse aux médias, le souriant ministre de la recherche, Laurent Wauquiez, est un ardent défenseur du Grenelle de l’environnement. Puis il décide de faire le contraire de ce qu’il a annoncé, pour des raisons sur lesquelles on peut s’interroger. Volonté de faire des économies tous azimuts ? Volonté de satisfaire des lobbies de l’industrie chimique qui n’aiment pas que l’on examine de trop près les risques liés à leurs produits, que l’on développe une expertise indépendante sur ces sujets qu’ils aimeraient contrôler ?

Les citoyens-électeurs doivent savoir que, concernant les recherches portant sur les risques environnementaux, comme pour toutes les recherches, y compris fondamentales, dont on ignore l’utilité immédiate mais dont notre pays a également besoin, nous disposons d’universités et d’organismes de recherche dont certains, en particulier le CNRS, attirent des chercheurs du monde entier. C’est à ces structures que des moyens importants doivent être attribués. Y compris en période de crise, la recherche a besoin d’investissements soutenus. La solution ne saurait être de multiplier les nouvelles structures du type ANR (agence de financement) ou AERES (agence d’évaluation de la recherche), ou LABEX et IDEX (outils de restructuration de la recherche et de l’enseignement supérieur qui, dans les faits, retirent aux organismes de recherche la possibilité de mener une politique scientifique). Il faudrait au contraire renforcer les structures de recherche conçues pour travailler sur le long terme. La politique actuelle, en tournant complètement le dos à ces principes, nous mène droit dans le mur, vers une recherche désarticulée, hoquetant au rythme de la conjoncture politique immédiate. Nicolas Sarkozy a amplement démontré son savoir-faire en matière d’annonces non suivies d’effets, son ignorance abyssale des principes de fonctionnement de la recherche. S’il est réélu, l’avenir de ce secteur d’activité sera extrêmement sombre.

Dans le contexte actuel, les petits ajustements et autre demi-mesures ne sauraient suffire. Pour pouvoir développer la recherche dans notre pays, dans sa dimension fondamentale comme dans les aspects plus appliqués (comme l’étude des risques environnementaux), il faut rompre avec les structures d’organisation de la recherche mises en place au cours des années Sarkozy, il faut donner aux organismes de recherche et aux universités les moyens de mener une politique scientifique au long terme. Cette analyse a été abondamment développée par les professionnels de la recherche et de l’enseignement supérieur. On pourrait espérer que le candidat du Parti Socialiste s’engage clairement dans cette remise à plat radicale, puis dans l’annonce d’un programme précis, chiffré. Hélas, pour l’instant on n’a rien entendu de tel dans la bouche d’un François Hollande, indécis et flou en la matière. S’il ne s’engageait pas franchement sur ces questions, son élection ne changerait pas fondamentalement la donne pour l’avenir de la recherche et de l’enseignement supérieur.

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Les investissements d'avenir : une politique absurde, dirigiste et anti-démocratique

Toulouse vient d'obtenir son IDEX (initiatives d'excellence), avec une gouvernance qui sera une université unique ayant statut de grand établissement. Les universités actuelles se transformeront en collège. L'Université de Toulouse sera ainsi dirigée par un directeur exécutif qui ne rendra compte que devant un conseil de surveillance de 12 membres dont 3 seulement seront élus ( 1 Enseignant, 1 ATOS, 1 étudiant). Pour rendre le processus irrévocable, il est prévu de faire signer un pacte dès 2012 à toutes les universités et écoles de Midi Pyrénées.

En clair, la grande place donnée à des élus dans les systèmes de gouvernance universitaire ou les comités d'évaluation hérissent les libéraux. Il s'agit donc de profiter de la disparition des structures universitaires existantes au profit des nouveaux IDEX, des ensembles géants susceptibles d'être shangaïsés en 1ère colonne, pour mettre en place des Directions Générales Exécutives nommées, avec un Conseil d'Administration où on laisse un minimum d'élus juste pour faire joli. A côté de cela, ce qui est proposé à Toulouse c'est qu'il puisse y avoir des sanctions quasi-automatiques à l'encontre des Directions des composantes de l'IDEX qui n'appliqueraient pas la politique de la Direction Exécutive : il faudrait qu'il y ait unanimité d'un "panel composé d’une majorité de membres indépendants réuni pour évaluer les dérives et proposer un recours ou des sanctions adaptées" contre les sanctions pour qu'elles ne soient pas appliquées ! N'est-ce pas merveilleux ?

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L'autonomie des Universités : une duperie dangereuse

Extrait de la lettre d'Anne Fraisse, présidente de l'Université Montpellier 3 à François Hollande - 7 Février 2012.

"comment voulez-vous que je préfère une université sous tutelle à une université autonome ?" déclarait Axel Kahn en mai 2009. C'est tout le danger de la "com" que d'enfermer les esprits savants dans une dialectique perverse. Mais comment peut-on croire que les universités sont autonomes quand elles doivent maintenant obtenir l'accord préalable de l'Etat pour voter leur budget alors que ce contrôle était exercé a posteriori lorsqu'elles n'étaient pas autonomes ? comment croire un instant que les universités sont autonomes lorsque les crédits de fonctionnement sont supprimés au profit de financements "sur projet" qui font d'elles les prestataires de service d'une politique définie par d'autres ?

Même les plus favorables à l'autonomie dénoncent aujourd'hui l'investissement financier insuffisant qui oblige les universités à geler des postes, fermer des formations, réduire les heures de cours aux étudiants ou stopper leurs investissements ... Les universités sont victimes, comme en leur temps les collectivités territoriales, d'un transfert de charges sans transfert de moyens.

lundi 13 février 2012

En Haute Savoie les citoyens ne veulent pas des gaz de schiste


Puisque les médias de masse ne parlent plus des menaces qui pèsent sur notre humanité, comme si les défis environnementaux n’avaient jamais existé, puisque l’on entends plus parler de réchauffement climatique, de pollutions industrielles, de crise énergétique, Puisque que les médias n’ont pas mentionnés, une seule fois le meeting d’Eva Joly à Roubaix ce samedi et bien, avec mes petits moyens, je relayerai, pour ne pas laisser passer sous silence, la manifestation qui a eu lieu samedi 11 Février, à Saint Julien en Genevois, où 2500 personnes se sont rassemblées par des températures glaciales afin d’exprimer leur opposition à l’exploration et l’exploitation des Gaz et huiles de roche mère en Haute Savoie.

Très forte mobilisation citoyenne ce 11 février 2012 à Saint Julien en Genevois, petite ville de 11000 habitants directement concernée par les “pétrole et gaz de schiste” (ou hydrocarbures de roche mère) avec le permis de Gex. Ce permis accordé depuis juin 2009 pour une durée de 5 ans à un consortium de compagnies pétrolières anglaises (eCorp, Eagle Energy limited et Nautical Petroleum PLC) couvre une surface de 932km² sur les territoires de l’Ain de la Haute Savoie et du Jura.

600 personnes ont tout d’abord participé à un meeting en début de journée auquel se sont succédés plusieurs orateurs de différents collectifs, avant tout de Haute Savoie mais aussi d’ailleurs en Rhône-Alpes ainsi que des élus. Après une rapide introduction par le Maire de la ville, c’est Jacques Cambon, hydrologue qui a pris la parole en rappelant qu’aujourd’hui, la seule technique possible pour l’extraction du gaz est la fracturation. Malgré l’interdiction de la fracturation hydraulique (par la loi du 13 juillet 2011), les compagnies pétrolières et de forages envisagent déjà de contourner ces lois, sans que le gouvernement ne s’en offusque, comme lors du colloque du 17 Janvier à Paris organisé par le club « énergie et développement » réunissant ministres et multinationales de cette industrie.

Le meeting s’est poursuivi par l’intervention d’Elisabelle Bourgues, No Fracking France, d’Anne Marher, député du canton de Genève qui a fait un point sur la situation de son Pays, Alain Chabrol, vice-président du conseil général de Rhône-Alpes qui a rappelé le besoin d’un débat sur l’avenir énergétique ainsi que la refonte du code minier.

Le dernier intervenant aura été Jean Louis Chopy, porte-parole du collectif Stop Gaz de Schiste Ardèche, qui a parlé de l’avenir du mouvement et a appelé au blocage des sites pétroliers sur les territoires. En effet ce sont déjà deux permis qui ont été accordés sur le Nord de la région tandis que quatre autres sont en cours d’instruction pour attribution imminente. Ces derniers concernent exclusivement la région Rhône-Alpes avec les permis de Blyes( 01), Gex Sud ( 74-01), Lyon Annecy( 68-38-73-74) et montfalcon ( 38-69-26-07)En tout, ce ne sont pas moins de 10 000 km² des territoires en qui seront impactés par cette industrie polluante et dévastatrice. Et dans le reste de la France c’est après les 73 permis déjà accordés sur tout le territoire et 71 autres encore en attente de validation qu’il va falloir se battre.

Seul le Préfet de région compétent ?

C’est ensuite 2500 personnes qui ont défilé avec détermination et bonne humeur dans les rues de la ville (malgré une température de moins dix degrés) et qui ont rejoint la sous-préfecture. Cette mobilisation impressionne ceux-là même qui y participent. Des slogans, des refrains offensifs et drôles, des plaideurs qui donnent de la voix pour défendre le développement des énergies renouvelables. Les opposants à l’exploitation du gaz de schiste sont venus de toute la France. Une délégation citoyenne a été reçue par le sous-préfet lequel s’est déclaré incompétent pour fournir une réponse claire sur le sujet. Il a indiqué que seul le Préfet de Région était compétent. Les collectifs ne manqueront pas d’approcher M. Jean-François Carenco qui connait en effet bien le dossier puisqu’il était directeur de cabinet du Ministre Borloo au moment de l’attribution des trois permis récemment abrogés (Permis de Nant, de Montélimar et de Villeneuve de Berg).

Un gouvernement inconscient

Ainsi donc le gouvernement a demandé, sans qu’aucun médias ne le relève, la semaine dernière l'accélération de l'instruction des demandes de permis de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux de Blyes, Gex Sud, Montfalcon et Lyon – Annecy. Par ailleurs, fin janvier, douze nouveaux permis ont été accordés en France : Dix en Île-de-France, deux autres en Lorraine et en Aquitaine. Certains imaginaient que la hache serait au moins enterrée jusqu'à l'élection présidentielle. Aujourd'hui, les avis ont légèrement changé. Et l'idée que le gouvernement serait au contraire en train de tout ficeler avant le passage aux urnes commence à germer. Les permis qui avaient été interrompus suite à une forte mobilisation citoyenne sont donc en passe d'être finalement accordé à des compagnies pétrolières qui ne cachent plus leur intention d'utiliser la fracturation hydraulique dans le cadre de « recherches scientifiques ».

La lutte continue, la guerre pour une alternative énergétique, sobre en carbone, n’est pas gagnée.

mercredi 8 février 2012

Nicolas Hulot : aller à l'essentiel


N.H. : Il faut en finir avec les petites corrections à la marge, avec les petits gadgets qui "verdissent" les discours, et aller à l'essentiel.

Le monde : Qu'est-ce que l'essentiel ?

"L'essentiel, c'est d'acter que la crise que nous vivons est systémique. Les crises se répètent, se combinent, s'amplifient, et la crise écologique aggrave la crise sociale. Pour répondre à ces chocs répétés, à ce modèle en bout de course, qui nous imposent un changement de logique radical, les politiques ont besoin de marge de manœuvre. Ils n'ont pourtant pas un sou pour se lancer dans les investissements nécessaires. Et tout le monde sait pourquoi, et presque personne ne le dit.

Je crois que si on ne nomme pas les choses, on reste indéfiniment à côté de la plaque. Alors, je vais les nommer. Il n'est plus acceptable d'admettre que toute une partie de notre société se soit organisée pour échapper à la solidarité, c'est à dire à l'impôt. J'entends souvent cette phrase stupide qui dit que l'écologie est une préoccupation de riches. A ceux qui disent cela, je réponds que c'est un devoir de riches

La contrainte écologique et sociale ne nous permet plus de nous accommoder que la majorité de l'argent qui circule dans le monde ne participe pas à l'économie réelle. Il n'est pas acceptable que des grandes entreprises paient à prix d'or des cabinets d'avocats pour ne pas participer à la solidarité nationale et satisfaire ainsi la seule gourmandise des actionnaires, alors que les PME trouvent normal de le faire. Il n'est pas acceptable que les banques renflouées par l'Etat spéculent sur la faillite des Etats une fois rétablies et se servent des bénéfices colossaux.

Les politiques auxquels j'en parle se mettent la tête dans les mains, me disent "mais qu'est-ce que tu veux que je fasse ?" On sait ce qu'il faut faire : agir, au niveau européen, pour réformer les excès du capitalisme, mettre fin aux spéculations sur les matières premières, empêcher les banques de spéculer avec l'épargne des Français.

Par ailleurs pour que l'Etat retrouve des marges de manœuvre et ait d'autres alternatives que l'austérité, ma Fondation propose entre autre que la Banque centrale européenne lui prête à taux nul ou très faible pour financer un grand plan d'investissement écologique et social. Tout le monde trouve normal qu'on le fasse pour sauver les banques, pourquoi ne pas le faire pour construire l'avenir ?

Malheureusement, je comprends l'autorefoulement. C'est parfois si déstabilisant de regarder la complexité des choses. En période électorale, tout le monde à intérêt à la mystification. C'est si difficile, si lourd, d'aller devant les électeurs pour leur expliquer qu'un monde d'insouciance et de gabegie est derrière nous, et qu'il va falloir gérer la rareté désormais. Il n'y a aucune voix à gagner en portant un discours pareil, et c'est pourtant la vérité.

Comme par enchantement, les changements climatiques ont disparu des écrans radars ! Les politiques n'ont pourtant pas intérêt à rester scotchés dans leur conformisme, dans leur impuissance autoproclamée, car si la politique ne peut plus rien faire, à quoi bon voter ? Je crains fort que tout cela ne finisse dans la rue. Il va falloir faire preuve de courage, et vite, car le pouvoir excessif de la finance met en danger la démocratie .

J'ai déjà acté que les engagements pris lors de la signature du pacte écologique ont été un temps tenus par Nicolas Sarkozy. Mais il n'échappe à personne qu'il y a eu une volte-face spectaculaire de la majorité actuelle, sur ces sujets.

D'un autre coté les socialistes occultent, comme les autres, les enjeux centraux. Je m'étonne néanmoins que des gens aussi sincèrement préoccupés par les inégalités ne comprennent pas que la crise écologique majeure que nous traversons pèsera et pèse d'abord sur les plus pauvres d'entre nous."

Anne-Sophie Mercier
LEMONDE.FR | 08.02.12
Photo : AFP / Denis Charlet

mardi 7 février 2012

Changements climatiques : "Bien mais peut encore faire mieux" pour le CG91

Le Conseil Général de l’Essonne communique aujourd'hui, sur ses résultats en matière de lutte contre les changements climatiques.

Dans un premier temps je ne peux qu’adresser mes félicitations au Conseil Général de l’Essonne pour ses efforts que je prends comme une reconnaissance du sérieux des alertes lancées par les écologistes depuis de très nombreuses années. Comme quoi les idées écologistes ne sont pas si utopiques ... et qu’électoralement elles peuvent servir.

Cependant, d’un naturel insatisfait, je pense qu’il est possible d’aller encore plus loin en matière de logements afin de limiter les GES (Gaz à Effet de Serre) notamment en imposant des contraintes environnementales plus fortes qui doivent devenir des normes essonniennes. Normes de constructions qui ne sont toujours pas, malheureusement, entré dans les mœurs. Nous devons systématiser la construction bois pour le stockage de carbone, utiliser des matériaux recyclés au bilan carbone© bien meilleur que l’extraction minière, favoriser l’isolation en matériaux naturels (moins de GES), ne plus penser qu’en bioclimatique afin de se passer de chauffage à base d’énergies fossiles et donc de lutter contre la précarité énergétique, préférer les matériaux locaux pour limiter les transports carbonés, puis lutter contre l’étalement urbain afin préserver les espaces boisés - puits de carbone - les terres agricoles, en vue d’une agriculture de proximité et durable et lutter contre les déplacements travail-domicile.

Je pense que l’on peut, également, aller plus loin en matière de locomotion et favoriser, comme cela se fait ailleurs, et pour certaines activités (ramassage scolaire, encombrants, déchets verts …) à l’hypomobilité.

Je pense enfin, qu’il est possible d’aller plus loin en matière d’aménagement du plateau de Saclay afin d’y créer une zone d’activité qui soit zéro énergie, écologiquement exemplaire qui ne se contenterait pas du HQE ou du BBC, qui serait en relation avec les défis à venir (crise énergétique, crise climatique, crise alimentaire, économie de la décroissance …) et lancer, en parallèle, la reconversion écologique de Courtaboeuf, le plus grand parc d’activités de l’Essonne.

Mais au final l’action du conseil Général va dans le bon sens même si le chemin pour arriver à une société enfin durable est encore long. Le défis de la ville des Ulis sera donc de relever celui du Conseil Général afin de montrer que le Développement Durable n’est pas un affichage bobo mais bel et bien un mode de pensée en faveur de tous … les écologistes de la ville y veilleront.

Bruno BOMBLED

vendredi 3 février 2012

Paris ne veut plus pénaliser les sables bitumineux

Le monde.fr
30 janvier 2012
M. Auzanneau

La France a mis fin à son soutien à une directive européenne qui vise à désigner les sables bitumineux canadiens comme la forme de pétrole de loin la plus néfaste pour le climat, a-t-on appris auprès de diverses sources proches du dossier.

Adoptée en avril 2009, cette directive sur la qualité des carburants « tarde depuis à être mise en œuvre » (comme il est pudiquement écrit dans les dépêches des agences de presse). La plupart des pays européens soutiennent ce texte, qui doit aider à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Parmi ses adversaires figurent notamment la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l'Italie et, désormais, la France.

Quelles sont les compagnies pétrolières européennes qui ont le plus investi dans la destruction d'une partie de la forêt boréale canadienne ? La compagnie britannique BP, la compagnie néerlando-britannique Shell et la compagnie française Total. Comment ça, vous n'êtes pas surpris ?

Les Amis de la Terre et Greenpeace France, qui suivent de près le dossier, affirment avoir eu vent d'un lobbying intense (et manifestement efficace) mené par Total auprès du ministre de l'industrie et de l'énergie, Eric Besson.



jeudi 2 février 2012

les chasseurs sont avant tout des scientifiques

Oies, baleines, même combat. Nicolas Sarkozy décide de prolonger la chasse à l'oie à des fins d'études scientifiques.



Chacun sait que la meilleure façon d'étudier scientifiquement un animal, c'est de le tuer. Et que sa mise à mort, tâche très délicate, ne peut être confiée qu'à un chasseur. Heureusement, notre président Nicolas Sarkozy s'en est soudainement rappelé, hier, lorsqu'il a demandé en toute urgence à la ministre de l'Environnement Nathalie Kosciusko-Morizet de prendre un arrêté autorisant la chasse des oies "aux fins d'études scientifiques" du 1er au 10 février 2012.

Il était temps. La science française a failli passer à côté de grandes découvertes biologiques par la faute d'un Conseil d'État qui avait demandé au gouvernement de fixer la fermeture de la chasse aux oies au 31 janvier. Mais comment ose-t-on ainsi vouloir obstruer l'avancement de la science française ? Il y a pourtant l'exemple japonais qui crève les yeux. Voilà de nombreuses années que la science des baleines avance à pas de géant grâce à leur chasse scientifique qui sacrifie un millier de cétacés chaque année. Enfin... qui devrait, car cet arriéré de Capitaine Paul Watson de Sea Shepherd s'entête à leur couper la vague sous le pied.

Sciences électorales

Ce n'est pas tout, le gouvernement français vient également de décider l'abrogation des moratoires sur la chasse au courlis cendré et à l'eider à duvet, deux espèces en si mauvais état de conservation qu'elles sont classées sur la liste rouge de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Sans doute que, là encore, le sacrifice de ces oiseaux est rendu nécessaire par la curiosité scientifique. Et sans doute encore y avait-il urgence puisque l'État n'a même pas pris le temps de demander une évaluation scientifique au GEOC (Groupe d'experts sur les oiseaux et leur chasse), créé à la suite de la table ronde sur la chasse en 2008. Enfin, à la suite d'une récente rencontre avec les chasseurs à L'Élysée, Nicolas Sarkozy s'est engagé à rouvrir prochainement la chasse au grand tétras. Décidément, la France vise le prix Nobel en matière de recherche ornithologique. Ou en sciences électorales...

Mais pourquoi se limiter à la chasse aux oiseaux ? La France possède une biodiversité formidable qui pourrait faire progresser la science comme jamais. Modestement, voici ma proposition de nouvelles chasses scientifiques qui pourraient, par le plus grand des hasards, arranger chasseurs et éleveurs. Les chasses au loup et à l'ours pour étudier la digestion carnée. La chasse aux oiseaux de proie pour étudier le vol plané. Mais aussi la pêche scientifique à l'anguille pour comprendre la mentalité d'une migrante. Il paraît que le Collège de France se tâterait pour créer une chaire de chasse scientifique...

Frédéric Lewino
Le point.fr
Photo : Caters / Sipa