"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

vendredi 22 décembre 2017

« Évacuer la Zad » ? Et si on se calmait, plutôt ?

À peine les médiateurs avaient-ils remis leur rapport sur le projet de Notre-Dame-des-Landes que les médias s’obsédaient de l’« évacuation de la Zad », explique, Françoise Verchère, l’auteure de cette tribune, qui juge cette prise de position malhonnête et simpliste. D’autant qu’une évacuation immédiate serait, selon elle, illégale. Comme à son habitude, Françoise Verchère exprime, avec passion, lucidité et justesse, dans cette tribune publiée dans Reporterre, ce qui n'est que sagesse ... « Évacuer la Zad » ? Et si on se calmait, plutôt ?

Par Françoise Verchère, membre du Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CéDpa).

« Évacuer la Zad » : trois petits mots répétés sur tous les tons pour ajouter à la confusion et empêcher une sortie non violente de l’impasse de Notre-Dame-des-Landes. À peine le rapport des médiateurs sur le projet de nouvel aéroport était-il rendu et analysé — et parfois déformé — que beaucoup de médias sont passés au seul sujet qui leur semble d’importance : l’évacuation de la Zad, quel que soit le choix du gouvernement.

Balayé le fond même du dossier, c’est-à-dire la preuve enfin faite que le processus de décision a été pipé dès 2003. Que l’on n’avait pas étudié l’alternative de l’optimisation de Nantes-Atlantique, et que des mensonges (pardon, des « constats erronés », page 19 du rapport des médiateurs), sont à la base de la déclaration d’utilité publique.

Oubliée aussi la proposition des médiateurs de donner du temps à la négociation pour permettre que se continuent les expériences les plus intéressantes sur un territoire qui serait rendu à sa vocation agricole et naturelle. Sujet trop technique ? Ou trop politique, qui obligerait à s’interroger enfin sur le pouvoir qui décide pour les citoyens mais enrobe ses décisions du voile de la merveilleuse « démocratie participative », avec force débat public, enquêtes publiques et autres garants et commissaires ? Sujet pas assez croustillant, en tout cas. Car, ce qui ferait de belles photos, de beaux reportages à l’heure du JT, et de beaux discours sur l’ordre et l’État de droit, ce serait l’affrontement entre les forces de l’ordre et les gueux, les voyous, les ultraviolents, les ZADISTES.

En France, il y a partout des zones de non-droit

On parle donc d’« évacuation, quelle que soit la décision prise sur l’aéroport ». Comme on a parlé de « référendum » en juin 2016 alors qu’il s’agissait d’une « consultation pour avis », on utilise le même mot pour deux cas de figure différents, ajoutant ainsi au malheur du monde en nommant mal les choses.

Il y aurait bien évacuation si le gouvernement décidait malgré tout de construire le nouvel aéroport, évacuation de tous, agriculteurs, habitants anciens et nouveaux, vaches et tritons sans compter les milliers de soutiens qui viendront avec d’autant plus d’incompréhension et de colère qu’aujourd’hui on sait inutile la destruction de ce bocage si précieux. Évacuation, donc, avec un lourd tribut à payer, destruction de toutes les habitations et bétonnage.

Mais, si le gouvernement décide d’arrêter ce mauvais projet, la Zone à défendre change immédiatement de statut. Plus besoin de défendre 1.600 ha de la destruction. Plus besoin de barrages. Les chemins sont déjà ouverts à tous, la seule route qui ne le soit pas à ce jour, vestige de l’épisode « opération César », s’ouvrira de nouveau, car c’est la logique. La libre circulation fait partie des droits de tous, zadistes ou pas. Mais les cabanes illégales, les voyous qui occupent illégalement des terrains qui ne leur appartiennent pas, diront les tenants de l’ordre ?

Eh bien, oui, ils sont de fait dans l’illégalité, comme tant d’autres en France et en Navarre. Quel maire — je l’ai été — n’a pas à faire face à ces difficultés de stationnement et/ou de constructions illégales ? Le bocage serait-il la seule zone de non-droit ? Le seul où il faille intervenir ? Vaste programme que de rétablir l’ordre et la loi partout… Chacun s’accordera, je l’espère, pour admettre d’abord que, dans un État de droit, seule la justice peut autoriser une intervention.

Il n’est donc pas possible en janvier, toutes affaires cessantes, d’envoyer la troupe nettoyer la Zad parce que ce ne serait pas légal. Pour admettre ensuite que la même sévérité doit valoir pour tous les squatteurs, et toutes les infractions, caravanes et autres yourtes sans autorisation, belles résidences agrandies sans permis, propriétaires des bords de l’Erdre — la plus belle rivière de France coulant à Nantes — qui refusent, malgré la loi, le droit de passage sur leurs terrains (mais il faut dire que ceux-là sont des gens bien, qui peuvent payer les astreintes de la justice qui les a condamnés…).

Ces expériences ont leur place dans un futur apaisé

Ancienne élue, je sais la difficulté de l’équilibre à respecter pour vivre ensemble, j’ai passé des décennies à expliquer la nécessité des règles et à faire face « en même temps », comme on dit aujourd’hui, à la réalité qui oblige à trouver des solutions acceptables. La Zad est née de la volonté de défendre un territoire face aux mensonges et à l’obstination coupable des partisans du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ; elle a vu naître et croître de belles expériences, n’en déplaise à ceux qui en parlent sans rien connaître réellement de cet espace de vie. Ces expériences-là, de production, de solidarité, de rapports différents à la nature et aux autres ont leur place dans un futur apaisé.

Parce que je ne suis ni naïve ni angélique, je dis aussi qu’il y a sur la Zad des gens avec qui je ne passerais pas une journée ni même une heure, de même que je ne passerais pas une heure avec des tas de gens apparemment bien sous tous rapports (je ne donnerai pas de noms…), mais je dis qu’il y a aussi d’autres habitants, beaucoup d’autres dont je serais fière qu’ils soient mes enfants pour les plus jeunes, parce que je suis admirative de leur créativité et de leurs valeurs. Je constate aussi que chaque jour nous apporte son lot de faits divers, parfois très glauques, sur Nantes et l’agglomération, que je vois dans les rues toujours plus de mendiants, de gens visiblement malades, de pauvres. Dans une indifférence générale. Notre vie collective me semble pourtant plus menacée par cette réalité et notre impuissance collective que par ce qui se passe sur la Zad.

Le verbe est créateur : à force de parler des « armes de destruction massive » que l’Irak était censé avoir (on le savait, on le répétait de source sûre, on y croyait, donc c’était vrai, n’est-ce pas ?), on a eu la guerre. La vérité a fini par être révélée, il n’y avait pas d’armes de destruction massive. Ceux qui présentent la Zad comme un repaire de quasi-terroristes, ne devraient-ils pas s’en souvenir ?

Avec un peu d’avance sur le calendrier, je forme le vœu que le gouvernement abandonne ce projet destructeur et inutile, et qu’il fasse preuve de lucidité et de réalisme en donnant du temps au temps pour trouver les meilleures solutions locales. Qui peut honnêtement penser que cela mettrait en péril la République, à part des fous, des pyromanes ou des journaux comme Le Journal du dimanche et Valeurs actuelles ?

Photos : chapô : Une des voies d’accès de la Zad de Notre-Dame-des-Landes.

samedi 16 décembre 2017

Notre-Dame-des-Landes : et maintenant, gagner la bataille de la paix

Avec ou sans projet inutile et imposé à Notre Dame des Landes, la ZAD reste une belle expérience alternative, écologique et pacifiste qui montre ce qu'est l'essentiel dans la vie et je comprends combien ce doigt, pointé sur notre consumérisme, bouscule notre tranquillité, notre chacun pour soi, notre compétitivité, notre monde artificialisé et monétarisé, nos certitudes technologiques et modernistes, notre haine pour la nature sauvage et qu'ainsi elle devienne la priorité à abattre. Longue vie à la ZAD !!!

Bruno Bombled

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La remise du rapport de médiation sur Notre-Dame-des-Landes, mercredi 13 décembre, marque un tournant majeur dans une longue et passionnante histoire. Les trois médiateurs concluent - conclusion avalisée par le Premier ministre Edouard Philippe - que l’aménagement de l’aéroport nantais existant est réaliste, possible, et moins coûteux que la construction d’un nouvel aéroport dans le bocage.

C’est la confirmation de ce que suggéraient les opposants depuis de longues années. Un rapport gouvernemental vient enfin donner raison à ce que les citoyens proposaient bien antérieurement. Que de temps et d’énergie perdus !

À mots couverts - « constats erronés » -, la mission de médiation constate aussi les erreurs commises, pour ne pas dire les mensonges, par la Direction générale de l’aviation civile, et dont Reporterre avait établi plusieurs exemples, dont une ahurissante manipulation des chiffres.

Les médiateurs éclaircissent aussi la question des nuisances sonores et innovent en soulignant les enjeux d’étalement urbain qu’impliquerait la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

En revanche, ils ne remettent pas en question les perspectives de trafic aérien, et continuent à tabler sur 9 millions de passagers en 2050 - comme si les émissions de gaz à effet de serre du trafic aérien pouvaient être négligées, et comme si les prévisions passées n’incitaient pas à la prudence : en 1973, une étude prédisait pour l’an 2000 six millions de passagers à Nantes [1] - un chiffre qui n’a toujours pas été atteint en 2017 (5,7 millions de passagers)...

En tout cas, le gouvernement a en main les éléments lui permettant de prendre la décision rationnelle qui s’impose : abandonner enfin ce projet de Notre-Dame-des-Landes.

L’ordre public, c’est la paix, pas les gaz lacrymogènes

On ne peut affirmer qu’il le fera. Mais il est légitime d’en faire l’hypothèse. C’est alors un autre problème qui se pose : celui du destin des 1.650 hectares de terres disputés, et que l’on appelle la « Zone à défendre », la Zad.

Des pro-aéroport, des députés, des "sources" au ministère de l’Intérieur multiplient les déclarations sur le terrible danger que représenteraient les zadistes et appellent à l’évacuation, comme si le sort de la République était en jeu. Un article délirant de Valeurs actuelles assure même que des zadistes « menacent de se jeter du haut d’un arbre pour se tuer sur un gendarme ».

Il ne fait pas de doute que le gouvernement soupèse la possibilité de tenter une « évacuation » de la Zad, avec force gendarmes, CRS, drones, et autres engins et armes de toutes sortes. Mais si M. Macron avait assuré en février qu’il se « préoccupait de l’ordre public », il assurait : « Je ne veux pas d’évacuation, il n’y aura pas de brutalité ».

Mercredi, M. Philippe a parlé d’ordre public : la décision du gouvernement permettra « de garantir un retour à la normale, notamment s’agissant des questions relatives à l’ordre public ». Mais l’ordre ne signifie pas mécaniquement la présence de soldats et de policiers ; il désigne une situation calme, où l’on vaque à ses activités dans le respect des règles collectives et d’autrui.

Voici la porte qui s’ouvre : les paysans et les habitants de ce qu’on appelle encore la Zad veulent simplement vivre là, dans un coin de bocage qui reste un milieu écologique riche et divers. Un lieu où s’est élaborée en quelques années une façon d’être ensemble différente de la société de consommation, mais originale et prometteuse, où se vit la sobriété matérielle qui est une voie d’avenir pour éviter le chaos climatique et la dégradation accélérée de l’environnement. Des naturalistes, des paysans observent qu’il est possible de mettre en œuvre, ici, une agriculture fructueuse mais respectant le milieu. Et les médiateurs proposent que la Zad devienne « un terrain d’expérimentation de pratiques agroenvironnementales rénovées, sous le pilotage des acteurs locaux. »

Il est temps de transformer la Zad en Zaï : Zone à imaginer. De la concevoir comme un bien commun, un terrain d’expérimentation, une zone où le collectif de celles et ceux qui y vivent pourrait élaborer les formes écologiques et sociales d’une communauté écologique exemplaire. Il faut du courage imaginatif des deux côtés : du côté du gouvernement, pour ne pas céder aux sirènes hystériques qui l’appellent à la guerre civile ; du côté des opposants - zadistes, paysans, associatifs, naturalistes, habitants, élus - pour accepter de la rendre possible cette évolution, en négociant avec l’Etat. Il s’agit au fond d’imaginer la paix, qui est l’ordre librement consenti par tous.

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Notre-Dame-des-Landes. Des consultations défaillantes ?

Dans leur rapport sur le projet du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les médiateurs abordent, pour le balayer, l’argument du non-respect du choix démocratique.

Les supporteurs du transfert, au premier rang desquels l’ancien Premier ministre et maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, crient à l’avance au « déni de démocratie » si le projet était abandonné.

Dans leur rapport, les médiateurs commencent par fustiger le processus de consultation du débat public de 2002. Puis ils poursuivent leur raisonnement jusqu’à celle de 2016, au terme de laquelle les électeurs de Loire-Atlantique s’étaient prononcés en faveur du transfert (55,17 %).

Ils parlent de « défaillances de fond dans le déroulement du processus » . Selon eux, le public était dans « l’impossibilité d’appréhender globalement les différents enjeux et impacts du projet » . Ils remontent pour cela au débat public de 2002-2003 mené « sans vision globale » , notamment sur les dessertes en transports collectifs ou sur les impacts environnementaux. « Des questions qui sont pourtant apparues ensuite essentielles » .

État de malaise

Ils évoquent, il y a quinze ans déjà, un « état de malaise et de suspicion manifeste dès le démarrage des procédures » .

Les médiateurs estiment que « la question de l’opportunité du transfert n’a jamais été tranchée aux différentes étapes de la procédure consultative » . Et le nombre des décisions de justice (178) en faveur du transfert ne constitue pas, à leurs yeux, un argument solide. C’est au contraire un « révélateur du dysfonctionnement du processus de construction de la décision publique » .

Pour eux, la « défaillance » se poursuit jusqu’à la consultation demandée par François Hollande, alors président de la République, en 2016. « Elle n’a fait que cristalliser la situation » en raison de son périmètre (La Loire-Atlantique), de la question posée et du contenu du dossier d’information.

samedi 9 décembre 2017

Non et toujours non à l'Exposition Universelle sur le plateau de Saclay


Pour l’Exposition Universelle de 2025, sur le plateau de Saclay, il n’y aura pas besoin d'enquête publique, pas besoin de demander aux gens s'ils désirent, ou non, que l'on bétonne les terres cultivées. Les élus la veulent cette exposition, pour leur plus grande gloire, et il n’est pas question de demander au gueux leur avis. Pi, il le sait pas encore, le peuple, mais il sera heureux, le peuple, avec cette exposition à 50 euros l’entrée. On le fera rêver, le peuple, il en a besoin en ce moment, le peuple. Mais comment ne pas « douter que l’exposition universelle ne sera qu’une fête populaire appuyée sur un modèle écologique vertueux ? S’interroge mon amie, Anne Launay, conseillère départementale EELV de l’Essonne. Comment imaginer que le quotidien des habitants du bassin de vie du plateau de Saclay ne sera pas impacté avec la visite d’au moins 270 000 personnes par jour, et ce pendant 6 mois ? »

Pas besoin, également, que les élus du département connaissent les budgets alloués, on ne leur demande juste que de voter, comme un seul homme, "OUI". Anne Launay, me rappelait que lors du vote du budget elle avait demandé à avoir accès au dossier, à avoir les chiffres mais on lui a répondu que c’était « top secret », plus secret encore que le secret défense, car il ne faudrait pas que les japonais, également en lisse pour une expo en 2025, tombent sur ces infos. Ainsi, à part Anne Launay et Hélène Dian-Leloup, deux élues (EELV) du groupe d’opposition RGE (rassemblement de la gauche et des écologistes) au conseil départemental, tous les autres élus ont voté cet engagement financier fantôme (avec prise en charge par les collectivités de l'éventuel déficit de l'expo*). Les JO de 2024 ne vous ayant pas assez ruiné, les mégalos productivistes, qui veulent absolument leur exposition universelle, vous sonneront l'hallali. En clair que nous dit-on là ? Pour combattre la misère ou bien pour financer la recherche ou les hôpitaux publics, on nous affirme qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses de l'état et qu'il faut arrêter de rêver mais, qu'en revanche, pour organiser des JO ou une écocide Exposition Universelle, totalement mégalo, consumériste et détruire, par la même occasion, des terres nourricières, on trouve, comme par miracle, les budgets, sans aucun problème, que l’on fait voter par une assemblée d'élus godillots, tous drapés des vêtements des gens sérieux et réalistes, qui savent mieux que nous, pauvre chair à produire, puisqu'ils sont élus, ce qui est bon pour la croissance, ce qui est bon pour notre futur.

Et qu'importe, enfin, que l'on soit obligé d'accepter la charte des expositions internationales qui demande, aux états organisateurs, le cas échéant, de déroger aux lois d'urbanisme et environnementales, car une seule chose compte ... en mettre plein les yeux au monde entier, il faut que ces 6 mois de fête consumériste soient de l'extase à l'état pur, loin de ces pisse-froids d'écolos et qu'importe l'appel des 15000 scientifiques qui alertent sur l'état de notre environnement et qui nous conjurent de penser autrement et de cesser de détruire.

Sur le plateau de Saclay «une zone de protection naturelle de 2300 ha de terres agricole et forestière a bien été créée mais c’est une coquille vide. Elle n’est pas soumise à un règlement comme peut l’être un parc naturel régional et ces intérêts ne peuvent être défendus devant un tribunal en cas d’abus. Par ailleurs, son comité de pilotage n’est composé que d’élus. Il ne comprend ni associations locales ni agriculteurs », nous rappelle Anne Launay. « Comment va-t-on se déplacer sur le plateau durant les six mois de l’exposition ? - poursuit l’élue écologiste - on attend 50 millions de visiteurs soit 270 000 personnes chaque jour. La N 118 est déjà saturée. L’aéroport d’Orly a atteint ses rotations maximales et la future ligne 18 est conçue pour 100 000 voyageurs par jour.» Il n’y a pas de réponse à ces questions mais une chose est sûr, la ligne de métro 18, puisqu’il faut en parler, sera, à n’en pas douter, la fossoyeuse des terres nourricières du plateau. Cette ligne insuffisante pour l’exposition universelle et surdimensionnée pour l’après expo, appellera à poursuivre l’urbanisation du plateau afin de la justifier. La fragile protection des terres agricoles ne tiendra pas longtemps devant la nécessité de construire une ville nouvelle. De cela les élus bétonneurs et saccageurs en sont très conscients. On les voit déjà se lécher les babines devant des promesses en béton. Une réponse, via un tram sur le tracé de l'actuel TCSP, serait bien plus pertinente en associant légèreté, sobriété en carbone, avantages des bus et des métros sans leurs inconvénients et une modularité plus grande, mais cette solution, plus sobre et moins tape-à-l’œil, a de suite été rejetée par les élus locaux qui veulent leur métro lourd, dans une sorte de course à la plus grande ...

Ainsi donc cet événement, dont le thème est « la connaissance à partager, la planète à protéger », va commencer, pour être organisé, par détruire et pour toujours des terres cultivables et des terres forestières. Quelle absurdité sans nom. Quel révélateur de la duplicité, de la mauvaise foi, de l’hypocrisie, de la sournoiserie de nos élus qui s’affichent tous, pourtant, comme totalement convaincu de l’urgence écologique. A l'instar de Myriam Cau, Élue EELV dans le Nord, je dis qu'il est maintenant avéré que notre pays, la France, qui multiplie les discours de la Cop21 au MakeThePlanetGreatAgain ne fait rien pour atteindre ses propres objectifs et cela est très grave pour notre avenir.

La transition écologique attendra. La prise de conscience et les actions seront pour plus tard ... La croissance d'abord, la fuite en avant toujours, l'aveuglement comme étendard.

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*Dans sa délibération, la CPS (communauté du Plateau de Saclay) a refusé cette prise en charge, ce qui ne veut d'ailleurs pas dire que les villes, qui la composent, ne seraient pas obliger de le faire. La délibération de l'Essonne mentionne que la CPS ne garantie pas le déficit, mais ne dit rien sur ce que fera le Conseil départemental de l'Essonne en cas de déficit de l'expo (comme quoi malgré toutes les promesses nos élus et autres promoteurs ne sont pas si sûr que cela du succès) ... dans tous les cas si déficit il y a, se sont les contribuables qui paieront.

dimanche 19 novembre 2017

Tout va bien, je vais bien !

Le 22 novembre 2017, Nicolas Sarkozy va rencontrer le bébé panda du zoo de Beauval, nous informent les journaux. C'est tellement mignon cette info. D'un autre côté ce n’est pas comme si l'on vendait des hommes en Libye ou que 15000 scientifiques alertaient sur notre durabilité.

Dès lors je dois avouer que je me sens narquois quand je vois les maires venir pleurer, à la télé, la désertification de leurs centre-villes conséquence des zones commerciales qu'ils ont eux-mêmes autorisé. Leur désarroi ne m'émeut pas. Je ne m’émeus pas devant les gens qui font des conneries en pleine connaissance de cause et qui, ensuite, demandent de l'aide. Ainsi je ne pleure pas devant les agriculteurs, de droite, victimes du libéralisme et des pesticides, qu'ils prônent par leurs votes et leur soutien à la FNSEA, et qui meurent de leur choix et qui, ensuite, appellent l'état - que par ailleurs ils détestent - au secours. De même, le jour de l'effondrement je ne pleurerai pas sur mes concitoyens souffrants car ils auront été largement prévenus mais n'auront jamais voulu changer pour nous sauver, quand il en était encore temps, de périls connus et qui diront, dans un ultime et inutile sanglot "ha si seulement on avait su !". Mort aux vaches !!!!

Franchement avons-nous vraiment besoin que l'on nous prenne par la main, avons nous besoin de décisions politiques pour commencer la décroissance et user de notre pouvoir de non-achat, afin d'engager la transition écologique ? car quand il est dit que c'est de la responsabilité des décideurs de mettre en place des politiques écologiquement responsables cela ne sous entend-t-il pas que les citoyens ne sont responsables de rien ? Qu'ils n'ont pas de rôles à jouer ? Pourtant il est bien clair que les politiques ne mettront en place que des actions portées par les citoyens. Ainsi, si personne ne vote pour la transition écologique, si tout le monde continue à consommer comme si de rien était, les messages ne seront jamais envoyés et le dogme de la croissance aura encore de beaux jours devant lui. Nous avons tous, dans cette affaire, une responsabilité personnelle qui ne peut se cacher derrière celles des politiques ou des multinationales. Nos achats sont des actes politiques ! D'ailleurs l'appel des 15000 est également adressé aux citoyens de ce monde. À nous tous de montrer ce que nous souhaitons ... durer ou nous effondrer ? Pour le moment, ce qui est montré, c'est que, collectivement, nous souhaitons la poursuite de la fuite en avant en niant les problèmes.

Ainsi donc, ces temps-ci la planète aura connu quatre grands événements : L'animal à peau fine, venant d'Afrique subsaharienne, se négociait aux alentours de 300 balles en Libye et dans le même temps il y aura eu un gros plouc, pété de tunes, qui se sera payé une toile de Léonard de Vinci pour la modique somme de, à peu près, un million d'esclaves. De même, pendant que 15000 scientifiques lancaient un cri d'alarme écologique, sans que cela ne provoque d'électrochoc massif chez les citoyens, Airbus réalisait une vente record, saluée comme une belle et grande victoire de l'Europe. La transition écologique attendra, c'est à pleurer. C'est un monde de merde, sans réserve.

Mais pourquoi ne suis-je donc pas comme la majorité de mes contemporains ? Pourquoi je n'arrive pas en m'en foutre de tout et jouir de ce que m'offre notre monde, la conscience au repos ? Pourquoi j'ai toujours cette petite voix qui dit non ? Pourquoi la gamine qui se fait violer cela me touche et me révolte ? Pourquoi tous ces bidonvilles me retournent ? Pourquoi le sort des réfugiés me questionne ? Pourquoi le sort de ces orangs outans victimes de l'huile de palme m'interpelle ? Pourquoi je me soucie des oiseaux, des arbres, des loups ? Pourquoi le sort des populations exploitées, spoliées, empoisonnées, à l'environnement détruit me soucient ? Pourquoi je pleure devant ces plastiques en mer, devant cet avion qui décolle, devant cette extension de marina, devant cette abondance de bouffe, devant tant d'inégalités, devant la victime, .... ? Pourquoi je souffre pour les animaux torturés pour la science, pour la mode, pour la mal-bouffe ou pour des traditions taurines antiques ? Pourquoi ? Mais putain Pourquoi ? Pourquoi cela me fait-il autant de mal ? Pourquoi toutes ces idées rebelles ? Mes chers parents, qu'avez-vous mis dans ma tête ?

Pour conclure sur un petit non-événement qui vient de m’arriver ce soir, je vous dirais que quand votre voisine vous dit, comme pour vous rassurer, "non mais pour moi votre femme n'est pas noire (#couplemixte), pour moi elle est française" vous sentez alors une grande lassitude vous envahir et vous vous dites que, vraiment, il y a encore du boulot. Alors vous lui donnez sa première leçon de citoyenneté en lui demandant de copier 50 fois "Français n'est pas une couleur ni une religion". Pfff !!!

mardi 14 novembre 2017

Thomas Legrand et l'appel des 15 000

15.000 scientifiques du monde entier alertent sur la dégradation rapide de l’environnement…

Leur texte très alarmant représente –disent-ils- un « avertissement à l’humanité » parce que « le temps presse ». En les lisant, on est pris de vertige. Pourquoi, alors que l’évidence scientifique est établie depuis des années, pourquoi notre débat public n’a pas pris la mesure de l’urgence ? Pourquoi continuons-nous à faire vivre une vie politique, au contenu aussi secondaire, au regard de la gravité des enjeux environnementaux ? Les questions identitaires, celles même de la répartition des richesses, les questions sécuritaires, opposent les gens sérieux de la politique. En 1974, René Dumont alertait le 1er, lors d’une présidentielle, sur l’insoutenabilité de notre mode de vie. On le considérait comme un hurluberlu. Aujourd’hui, dans le débat public, un homme tel que Pierre Rabi est vu comme un sage, pourtant on l’écoute d’une oreille distraite. Son discours doux est en fait une remise en cause radicale. Mais il est moins important –et les 15.000 scientifiques de l’appel avec- pour le spectacle politique et intellectuel quotidien, pour le fond sonore de nos polémiques que Zemour, Onfray, Todd ou n’importe quel bestseller qui aura un avis tranché sur les banlieues, le terrorisme, l’islam, le retour de l’autorité à l’école, la PMA ou l’écriture inclusive. Avez-vous entendu un seul mot sur l’environnement dans le débat pour la présidence de LR ? Non, ce sont, pour eux, des sujets de bobos parisiens. De l’autre côté, JL Mélenchon et Benoit Hamon avaient placé l’écologie au cœur de leur campagne mais leur activité d’opposant n’est pas principalement axée sur ces thèmes et ce n’est pas sur ces sujets que nous les interrogeons, ni qu’ils descendent dans la rue. La gauche comprend lentement que son futur n’est plus la lutte des classes pour la répartition des fruits du productivisme prédateur de biodiversité, mais l’écologie.

Et Emmanuel Macron ?

A-t-il décidé, puisqu’il prétend incarner la modernité, de réorienter notre économie et notre modèle social en vertu de l’impératif environnemental ? Non, pour l’instant ce n’est pas le cas : Nicolas Hulot doit sans cesse mettre, implicitement ou explicitement, sa démission dans la balance, se battre contre les vents contraires. Notre commentaire le plus courant (et le plus dérisoire), à son égard, consiste à mesurer le mètre linéaire de couleuvres avalées. Pourquoi donc le débat politique ne porte pas principalement sur la principale question qui se pose à nos sociétés ? En dehors de notre égoïsme de contemporains matériellement gâtés, il y a une inadéquation croissante entre la réalité de nos problèmes et le cadre de leur résolution : toutes solutions pour sauver ce qui peut encore l’être, de la biodiversité et du climat, résultera non pas des Etats-nations mais de 2 niveaux : le niveau le plus proche, comme la commune (et beaucoup de maires sont très actifs quitte à être décriés comme Anne Hidalgo) et le niveau le plus large, le monde. Le cadre national est peu adéquat et relativement impuissant sur ces sujets. Mais ça reste le cadre principal de nos débats, le cadre institutionnel de la vie démocratique : voilà comment la crise écologique peut engendrer aussi (en rendant nos débats nationaux vains et impuissants) une grave crise démocratique.

Thomas Legrand - France Inter - 14 Novembre 2017.

lundi 13 novembre 2017

Le cri d’alarme de quinze mille scientifiques sur l’état de la planète

« Le Monde » publie le manifeste signé par 15 364 scientifiques de 184 pays, à paraître lundi dans la revue « BioScience ».

LE MONDE | 13.11.2017

Tribune. Il y a vingt-cinq ans, en 1992, l’Union of Concerned Scientists et plus de 1 700 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats de prix Nobel de sciences alors en vie, signaient le « World Scientists’Warning to Humanity ». Ces scientifiques exhortaient l’humanité à freiner la destruction de l’environnement et avertissaient : « Si nous voulons éviter de grandes misères humaines, il est indispensable d’opérer un changement profond dans notre gestion de la Terre et de la vie qu’elle recèle. » Dans leur manifeste, les signataires montraient que les êtres humains se trouvaient sur une trajectoire de collision avec le monde naturel. Ils faisaient part de leur inquiétude sur les dégâts actuels, imminents ou potentiels, causés à la planète Terre, parmi lesquels la diminution de la couche d’ozone, la raréfaction de l’eau douce, le dépérissement de la vie marine, les zones mortes des océans, la déforestation, la destruction de la biodiversité, le changement climatique et la croissance continue de la population humaine. Ils affirmaient qu’il fallait procéder d’urgence à des changements fondamentaux afin d’éviter les conséquences qu’aurait fatalement la poursuite de notre comportement actuel.

Les auteurs de la déclaration de 1992 craignaient que l’humanité ne pousse les écosystèmes au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie. Ils soulignaient que nous nous rapprochions rapidement des limites de ce que la biosphère est capable de tolérer sans dommages graves et irréversibles. Les scientifiques signataires plaidaient pour une stabilisation de la population humaine, et expliquaient que le vaste nombre d’êtres humains – grossi de 2 milliards de personnes supplémentaires depuis 1992, soit une augmentation de 35 % – exerce sur la Terre des pressions susceptibles de réduire à néant les efforts déployés par ailleurs pour lui assurer un avenir durable. Ils plaidaient pour une diminution de nos émissions de gaz à effet de serre (GES), pour l’abandon progressif des combustibles fossiles, pour la réduction de la déforestation et pour l’inversion de la tendance à l’effondrement de la biodiversité.

En ce vingt-cinquième anniversaire de leur appel, il est temps de se remémorer leur mise en garde et d’évaluer les réponses que l’humanité lui a apportées en examinant les données de séries chronologiques disponibles. Depuis 1992, hormis la stabilisation de l’amenuisement de la couche d’ozone stratosphérique, non seulement l’humanité a échoué à accomplir des progrès suffisants pour résoudre ces défis environnementaux annoncés, mais il est très inquiétant de constater que la plupart d’entre eux se sont considérablement aggravés. Particulièrement troublante est la trajectoire actuelle d’un changement climatique potentiellement catastrophique, dû à l’augmentation du volume de GES dégagés par le brûlage de combustibles fossiles, la déforestation et la production agricole – notamment les émissions dégagées par l’élevage des ruminants de boucherie. Nous avons en outre déclenché un phénomène d’extinction de masse, le sixième en 540 millions d’années environ, au terme duquel de nombreuses formes de vie pourraient disparaître totalement, ou en tout cas se trouver au bord de l’extinction d’ici à la fin du siècle.

L’humanité se voit aujourd’hui adresser une seconde mise en garde motivée par ces inquiétantes tendances. Nous mettons en péril notre avenir en refusant de modérer notre consommation matérielle intense mais géographiquement et démographiquement inégale, et de prendre conscience que la croissance démographique rapide et continue est l’un des principaux facteurs des menaces environnementales et même sociétales. En échouant à limiter adéquatement la croissance de la population, à réévaluer le rôle d’une économie fondée sur la croissance, à réduire les émissions de GES, à encourager le recours aux énergies renouvelables, à protéger les habitats naturels, à restaurer les écosystèmes, à enrayer la pollution, à stopper la « défaunation » et à limiter la propagation des espèces exotiques envahissantes, l’humanité omet de prendre les mesures urgentes indispensables pour préserver notre biosphère en danger.

Les responsables politiques étant sensibles aux pressions, les scientifiques, les personnalités médiatiques et les citoyens ordinaires doivent exiger de leurs gouvernements qu’ils prennent des mesures immédiates car il s’agit là d’un impératif moral vis-à-vis des générations actuelles et futures des êtres humains et des autres formes de vie. Grâce à un raz-de-marée d’initiatives organisées à la base, il est possible de vaincre n’importe quelle opposition, aussi acharnée soit-elle, et d’obliger les dirigeants politiques à agir. Il est également temps de réexaminer nos comportements individuels, y compris en limitant notre propre reproduction (l’idéal étant de s’en tenir au maximum au niveau de renouvellement de la population) et en diminuant drastiquement notre consommation par tête de combustibles fossiles, de viande et d’autres ressources.

La baisse rapide des substances destructrices de la couche d’ozone dans le monde montre que nous sommes capables d’opérer des changements positifs quand nous agissons avec détermination. Nous avons également accompli des progrès dans la lutte contre la famine et l’extrême pauvreté. Parmi d’autres avancées notables, il faut relever, grâce aux investissements consentis pour l’éducation des femmes et des jeunes filles, la baisse rapide du taux de fécondité dans de nombreuses zones, le déclin prometteur du rythme de la déforestation dans certaines régions, et la croissance rapide du secteur des énergies renouvelables. Nous avons beaucoup appris depuis 1992, mais les avancées sur le plan des modifications qu’il faudrait réaliser de manière urgente en matière de politiques environnementales, de comportement humain et d’inégalités mondiales sont encore loin d’être suffisantes.

Les transitions vers la durabilité peuvent s’effectuer sous différentes formes, mais toutes exigent une pression de la société civile, des campagnes d’explications fondées sur des preuves, un leadership politique et une solide compréhension des instruments politiques, des marchés et d’autres facteurs. Voici – sans ordre d’urgence ni d’importance – quelques exemples de mesures efficaces et diversifiées que l’humanité pourrait prendre pour opérer sa transition vers la durabilité :

  1. privilégier la mise en place de réserves connectées entre elles, correctement financées et correctement gérées, destinées à protéger une proportion significative des divers habitats terrestres, aériens et aquatiques – eau de mer et eau douce ;
  2. préserver les services rendus par la nature au travers des écosystèmes en stoppant la conversion des forêts, prairies et autres habitats originels ;
  3. restaurer sur une grande échelle les communautés de plantes endémiques, et notamment les paysages de forêt ;
  4. ré-ensauvager des régions abritant des espèces endémiques, en particulier des superprédateurs, afin de rétablir les dynamiques et processus écologiques ;
  5. développer et adopter des instruments politiques adéquats pour lutter contre la défaunation, le braconnage, l’exploitation et le trafic des espèces menacées ;
  6. réduire le gaspillage alimentaire par l’éducation et l’amélioration des infrastructures ;
  7. promouvoir une réorientation du régime alimentaire vers une nourriture d’origine essentiellement végétale ;
  8. réduire encore le taux de fécondité en faisant en sorte qu’hommes et femmes aient accès à l’éducation et à des services de planning familial, particulièrement dans les régions où ces services manquent encore ;
  9. multiplier les sorties en extérieur pour les enfants afin de développer leur sensibilité à la nature, et d’une manière générale améliorer l’appréciation de la nature dans toute la société ;
  10. désinvestir dans certains secteurs et cesser certains achats afin d’encourager un changement environnemental positif ;
  11. concevoir et promouvoir de nouvelles technologies vertes et se tourner massivement vers les sources d’énergie vertes tout en réduisant progressivement les aides aux productions d’énergie utilisant des combustibles fossiles ;
  12. revoir notre économie afin de réduire les inégalités de richesse et faire en sorte que les prix, les taxes et les dispositifs incitatifs prennent en compte le coût réel de nos schémas de consommation pour notre environnement ;
  13. déterminer à long terme une taille de population humaine soutenable et scientifiquement défendable tout en s’assurant le soutien des pays et des responsables mondiaux pour atteindre cet objectif vital.

Pour éviter une misère généralisée et une perte catastrophique de biodiversité, l’humanité doit adopter une alternative plus durable écologiquement que la pratique qui est la sienne aujourd’hui. Bien que cette recommandation ait été déjà clairement formulée il y a vingt-cinq ans par les plus grands scientifiques du monde, nous n’avons, dans la plupart des domaines, pas entendu leur mise en garde. Il sera bientôt trop tard pour dévier de notre trajectoire vouée à l’échec, car le temps presse. Nous devons prendre conscience, aussi bien dans nos vies quotidiennes que dans nos institutions gouvernementales, que la Terre, avec toute la vie qu’elle recèle, est notre seul foyer.

Traduit par Gilles Berton

jeudi 2 novembre 2017

Climat, lettre à mes lecteurs

A l’issu de la COP21 je fus l’un des rare à ne pas me réjouir dans l’euphorie générale. En 2015 j’écrivais sur ce blog le texte « COP21 : Sauver la planète sans contrarier le système qui la détruit. » qui montrait combien cet événement de com internationale était une grande farce. Je disais que définitivement, la communication aura été bien faite alors que nous étions toujours sur la trajectoire des +3 degrés et, après ma démonstration, je concluais que le temps n’était vraiment pas aux réjouissances !!!! Combien de fois me suis-je fait traiter de pisse froid ? Et pourtant, encore une fois, j’avais raison sur ce sujet et aujourd’hui, l'ONU alerte les pays signataires de la COP 21 que l’on est plutôt sur une trajectoire à +3°C d'ici 2100. C'est catastrophique selon l'organisation internationale.

Depuis des années, moi et beaucoup d’autres, nous alertons. Depuis des années j’explique que nous ne sommes pas que les victimes des méchantes entreprises qui pourrissent le climat et la planète mais qu’à ne pas vouloir renoncer, à ne pas vouloir utiliser notre pouvoir de non-achat, à ne pas voter pour la transition écologique nous sommes tous, à différents niveaux, responsables et coupables de cette situation. Il est des vérités qui ne sont pas toujours agréables à entendre - je vous l’accorde - mais oui, toi, cher lecteur de ce billet, tu es aussi responsable de cette situation. A continuer à prendre l’avion, car il t’est « impossible d’imaginer de ne pas voir le soleil en hivers ! ». A continuer à acheter des fruits exotiques car tu as « absolument besoin de ces vitamines ! ». A continuer à acheter des produits manufacturés plein d’huile de palme, car tu « n'y peux rien s'il y'en a partout ! ». A continuer à prendre ta voiture seul, pour faire tes 120 km A/R, pour aller au boulot car tu voulais « absolument avoir ta maison avec ton jardin pour respirer le week-end, pas question d'habiter en immeuble ! ». A continuer à t’acheter moult saloperies électroniques car « c'est trop bien la dernière version de ce téléphone » et que « t'en as totalement besoin car ça va tellement te simplifier la vie ! ». A continuer à ne pas faire réparer ton électroménager, car c'est pas de ta faute si « ça coûte moins cher d'acheter du neuf ! ». A continuer à ne pas trier, recycler, composter, tendre vers moins de déchets, car tu n'as « pas la place et pas le temps, pi toute façon les autres le font pas ! ». A continuer à te railler des écologistes et soutenir tacitement, silencieusement et par ton inaction le bétonnage des terres agricoles et forestières. En cédant, sans résistance, aux sirènes de la consommation et en croyant au dogme de la croissance et à ses grands prêtres, tu fais, cher lecteur, parti de ces gens responsables de la dégradation de notre environnement.

Pourtant, cher lecteur, tu ne peux pas invoquer l’ignorance des problèmes. Partout et par tous les moyens untel aura tenté de t’interpeller qui avec un documentaire, qui par une bande-dessinée, qui par une fiction, qui par un roman, qui par le théâtre, qui par l'humour, qui par une thèse, qui par une interview, qui par un reportage, qui par un court texte, qui par une chronique télé ou radio, qui par une poésie, qui par une conférence, ... il y en aura eu pour tous les goûts, pour tous les niveaux. Il y aura bien eu un média qui t’aura touché, cher lecteur. Non pas un seul ?

Depuis des années j’écris et souvent j’ai de bons retours mais rien n’y fait, la bataille des deux degrés est perdue selon l’ONU. « Qu’importe ! », dira notre humanité demain, 2100 c’est loin, « moi je veux vivre, je veux profiter ». « Profiter » … c’est bien ce mot que chacun souhaite au copain qui part à l’autre bout du monde pour passer quinze jours de vacances. Nous nous souhaitons de « profiter » sans nous soucier des conséquences de cette « profitation » comme on dit aux Antilles. Nous jouissons, sans conscience, de nos richesses, de notre puissance et de notre pouvoir, mais aujourd’hui l’ultime alerte nous parvient. Quelles seront les autres avant l’effondrement ? Nous avons déjà nié, parce que cela nous arrangait, cela nous rassurait, le pic pétrolier qui a eu lieu en 2006. Nous refusons de croire, car nous nous pensons immortel et notre monde permanent et stable, que nous entrons dans l’ère de la pénurie. Finalement nous n’avons pas vraiment beaucoup évolué depuis l’époque où les hommes croyaient que la Terre était plate, aujourd’hui nous ne croyons toujours pas que la Terre est finie et les ressources non-renouvelables. Nous continuons la fête.

On est donc sur la trajectoire à +3°C d'ici 2100 et c'est catastrophique. Si l'on prend 2016 comme exemple, c'est une année de records. De records de températures, mais aussi de concentration de carbone dans l'atmosphère. Principalement à cause des énergies fossiles, pétrole, charbon, gaz... mais aussi du méthane, de la déforestation, qui nous prive des arbres qui captent le carbone, de toute notre folie collective que nous, individuellement, nous réclamons en vivant comme nous le faisons, en refusant de vivre simplement mais en consommant toujours plus, en voyageant toujours plus car le billet d’avion « c’est pas cher, alors je serais con de ne pas en profiter et de toute façon, que j'y aille ou pas, l'avion décollera quand même ! ». Mon père me donnait, comme image, que notre humanité est comme ces rats abandonnés, au milieu de l’océan, sur un bateau en bois et qui grignotent, pour se nourrir, la coque. Moi je lui disais que nous étions comme ces moisissures qui ne se développent qu’en détruisant leur support. Quoi qu’il en soit l’image est la même, nous sommes une espèce absurde car savante mais est incapable de se sauver elle-même.

Aujourd’hui donc « les engagements actuels des Etats couvrent à peine un tiers des réductions d'émissions nécessaires, creusant un écart dangereux » annonciateur de grands dérèglements (canicules, inondations, super-ouragans...), souligne Erik Solheim, directeur du Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE), « Gouvernements, secteur privé, société civile doivent combler cet écart catastrophique ». Selon le rapport du PNUE, synthèse des dernières études scientifiques, il faut à la fois « urgemment accélérer les actions à court terme et renforcer l'ambition à long terme ». Tous les pays sont concernés, notamment ceux du G20 qui représentent 3/4 des émissions.

Et vous, maintenant, qu’allez-vous faire pour, comme le dit Érik Solheim, « éviter un avenir misérable à des centaines de millions de personnes » ? Qu’allez-vous faire pour respecter la promesse que nous avons faite à nos enfants de protéger leur avenir ?

Avec toute mes amitiés, votre dévoué.

Bruno BOMBLED

lundi 23 octobre 2017

La sixième extinction de masse des animaux s’accélère

Dans une étude très alarmante, des chercheurs concluent que les espèces de vertébrés reculent de manière massive sur Terre, à la fois en nombre d’animaux et en étendue.

LE MONDE | 10.07.2017 | Par Audrey Garric


C’est ce qu’ils nomment « un anéantissement biologique ». Dans une étude très alarmante, publiée lundi 10 juillet 2017 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), des chercheurs américains et mexicain concluent que les espèces de vertébrés reculent de manière massive sur Terre, à la fois en nombre d’animaux et en étendue. Une « défaunation » aux conséquences « catastrophiques » pour les écosystèmes et aux impacts écologiques, économiques et sociaux majeurs.

Les trois auteurs, Gerardo Ceballos (Université nationale autonome du Mexique), Paul Ehrlich et Rodolfo Dirzo (Stanford) n’en sont pas à leur coup d’essai sur le thème de l’érosion de la biodiversité. En juin 2015, les deux premiers avaient déjà publié une autre étude dans la revue Science Advances, qui montrait que la faune de la Terre était d’ores et déjà en train de subir sa sixième extinction de masse. Ils avaient calculé que les disparitions d’espèces ont été multipliées par 100 depuis 1900, soit un rythme sans équivalent depuis l’extinction des dinosaures il y a 66 millions d’années.

Disparition des populations

Cette fois, les chercheurs ont cherché à quantifier le déclin non plus du nombre d’espèces mais des populations, c’est-à-dire des groupes d’animaux sur un territoire. « L’accent mis sur l’extinction des espèces peut donner l’impression que la biodiversité terrestre n’est pas dramatiquement et immédiatement menacée, mais qu’elle entre juste lentement dans un épisode d’érosion majeur, que l’on pourra combattre plus tard », expliquent les auteurs.

Cette approche présente plusieurs défauts à leurs yeux : l’opinion publique peine à mesurer la gravité du phénomène à l’œuvre (deux espèces disparaissent chaque année, ce qui paraît faible, surtout quand ces dernières sont peu connues ou peu répandues). Et elle ne permet pas de correctement évaluer le problème en cours. Les espèces les plus communes (dont les populations sont largement présentes) enregistrent des reculs massifs de leurs effectifs, sans pour autant être déjà menacées. « Or, la disparition des populations est un prélude à celle des espèces, préviennent les scientifiques. Une analyse détaillée du déclin des effectifs d’animaux rend le problème bien plus clair et inquiétant. »

Les chercheurs ont alors mené une vaste analyse, sur la moitié des espèces de vertébrés connues : ils ont examiné les évolutions des populations de 27 600 espèces de mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens terrestres, réparties sur les cinq continents, en utilisant la base de données de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation de la biodiversité. Ils ont également passé à la loupe, plus spécifiquement, 177 espèces de mammifères, pour lesquels ils avaient des données sur l’aire de répartition entre 1900 et 2015.


« La réelle ampleur de l’extinction de masse qui touche la faune a été sous-estimée : elle est catastrophique », jugent-ils. Au total, 32 % des espèces étudiées déclinent en termes de population et d’étendue. Plusieurs mammifères qui se portaient bien il y a une ou deux décennies sont maintenant en voie de disparition.

En 2016, la planète ne comptait que 7 000 guépards et 35 000 lions africains (− 43 % depuis 1993). Les populations d’orangs-outans de Bornéo ont chuté de 25 % ces dix dernières années, pour atteindre 80 000 individus, tandis que celles de girafes sont passées de 115 000 spécimens en 1985 à 97 000 en 2015. Celles de pangolins ont été décimées.



30 % des espèces en déclin sont communes

Ce que l’on sait moins, c’est que près de 30 % de ces espèces en déclin sont considérées comme communes. Elles sont (encore) classées en tant que « faible préoccupation » et non pas « en danger » par l’UICN. En France, le chardonneret a, par exemple, enregistré une baisse de 40 % de ses effectifs depuis dix ans. « Qu’autant d’espèces communes voient leurs effectifs diminuer est un signe fort de la gravité de l’épisode d’extinction biologique actuel », prévient Gerardo Ceballos.

Tous les continents sont concernés par cette érosion spectaculaire de la biodiversité. Les zones les plus touchées, notamment pour les mammifères et les oiseaux, sont celles situées aux tropiques (Amazonie, bassin du Congo, Asie du Sud-Est) car ce sont les plus riches en termes de faune. Mais les régions tempérées enregistrent des taux similaires voire plus élevés en valeur relative – c’est-à-dire comparé à la richesse de leur biodiversité.

Corollaire de la perte d’effectifs, la faune voit son territoire diminuer comme une peau de chagrin. Parmi les 177 espèces de mammifères scrutées plus spécifiquement par l’étude, quasiment tous ont perdu au moins 30 % de leur aire de répartition historique depuis 1900 et 40 % en ont perdu plus de 80 %. Cas emblématique, le lion a longtemps régné sur la majeure partie de l’Afrique, du sud de l’Europe et du Moyen-Orient, jusqu’au nord-ouest de l’Inde ; on ne compte aujourd’hui qu’une poignée de populations dispersées en Afrique subsaharienne et une population dans la forêt de Gir, en Inde.

Au total, plus de 50 % des animaux ont disparu depuis quarante ans, estiment les scientifiques, qualifiant leurs résultats de « prudents ». Des conclusions qui confirment celles du dernier rapport « Planète vivante », publié en octobre 2016 par le Fonds mondial pour la nature (WWF) : il estimait que les populations de vertébrés ont chuté de 58 % entre 1970 et 2012. L’intérêt de la nouvelle étude, publiée dans les PNAS, réside dans le jeu de données bien plus vaste (27 600 espèces examinées contre 3 700 pour le WWF) et l’analyse géographique.

Deux ou trois décennies pour agir

« L’approche de cette étude est très intéressante : au lieu de se focaliser sur les extinctions, que l’on a du mal à quantifier, elle se concentre sur l’évolution des populations, qui confirme et renseigne sur la gravité de la situation », juge Benoît Fontaine, biologiste de la conservation au Muséum national d’histoire naturelle, qui n’a pas participé à l’étude.

« Cette publication montre que la situation est très alarmante, plus que ce que peut laisser voir notre liste rouge », abonde Florian Kirchner, chargé du programme « espèces » pour la branche française de l’UICN, qui n’émet qu’une réserve : avoir concentré l’analyse sur les seuls vertébrés terrestres – les plus étudiés – et non les poissons, les invertébrés et les plantes, dont les populations reculent aussi massivement. Selon l’UICN, 42 % des espèces d’invertébrés terrestres (papillons, vers de terre, etc.) et 25 % de celles d’invertébrés marins (comme les bivalves ou éponges) sont menacés d’extinction.

Les causes de ces reculs sont connues : ils sont imputables, en premier lieu, à la perte et à la dégradation de l’habitat sous l’effet de l’agriculture, de l’exploitation forestière, de l’urbanisation ou de l’extraction minière. Viennent ensuite la surexploitation des espèces (chasse, pêche, braconnage), la pollution, les espèces invasives, les maladies et, plus récemment, le changement climatique. « Les moteurs ultimes de la sixième extinction de masse sont moins souvent cités, jugent les auteurs. Il s’agit de la surpopulation humaine, liée à une croissance continue de la population, et de la surconsommation, en particulier par les riches. »

« Nous ne disposons que d’une petite fenêtre pour agir, deux ou trois décennies au maximum », préviennent-ils. Il en va de la survie de la biodiversité mais également de l’humanité. « L’érosion des espèces entraîne de graves conséquences en cascades sur l’ensemble des écosystèmes, ainsi que des impacts économiques et sociaux pour l’humain », rappelle Gerardo Ceballos. La faune et la flore nous rendent en effet de nombreux services, qu’il s’agisse de la pollinisation, de l’amélioration de la productivité des terres, de l’assainissement de l’air et de l’eau ou du stockage du CO2.



Parmi les actions prioritaires, les scientifiques appellent à réduire la croissance de la population humaine et de sa consommation, à utiliser des technologies moins destructrices pour l’environnement, à endiguer le commerce des espèces en voie de disparition ou encore à aider les pays en développement à maintenir les habitats naturels et à protéger leur biodiversité.

Photo : JOHN WESSELS / AFP

lundi 9 octobre 2017

La terrible souffrance des gens riches

Le problème de la France, c'est de culpabiliser ceux qui ont de l'argent ?

Par Titiou Lecoq — publié le 06.10.2017 sur Slate

Il y a des phrases, à force de les entendre rabâchées, répétées, redites sans cesse pendant des années, on finit par oublier de les interroger. Ça m’a frappée l’autre jour, dans la matinale de France Inter. L’invité était Philippe Aghion, économiste, professeur au Collège de France et soutien actif d’Emmanuel Macron –Nicolas Demorand l’a même qualifié de «penseur du macronisme économique». Vu mon immense amour pour le Collège de France, je m’attendais à être éblouie. Ça n’a pas vraiment été le cas. Notamment parce qu’il a répété à plusieurs reprises, comme explication des mesures économiques du gouvernement, «il ne faut pas culpabiliser les riches».

Extraits:

«Je crois qu’en France il y a eu une erreur de raisonnement. Je crois qu’en France, il y a une espèce d’obsession des riches et une culpabilisation des riches. Moi je crois que le mérite doit être récompensé. Je crois beaucoup dans ça. Je crois que quelqu’un qui fait une innovation qui marche très bien, il la vend, il doit être récompensé.»
Et Nicolas Demorand de tiquer: «Le problème de la France, c’est de culpabiliser les riches ?».
Philippe Aghion: «C’est pas bien de culpabiliser quelqu’un qui gagne de l’argent parce qu’il a réussi.»

Culpabiliser, c'est humain

Ah ça, si on ne l’a pas entendu mille fois ces dix dernières années… En France, on n’aime pas les riches, on n’aime pas le succès, et on est méchants parce que les riches il faut les laisser être tranquillement riches, il ne faudrait surtout pas venir troubler leurs consciences en leur rappelant que pendant qu’ils se gavent d’autres crèvent la dalle. Il faut cesser de ternir leur bonheur avec cette culpabilisation permanente. Petites créatures fragiles va.

C’est quoi cette idée absurde ? Quand tu gagnes des millions, j’espère bien que tu culpabilises un peu! À mon niveau, quand je passe dans la rue avec mon smartphone à la main et les clés de ma maison pour aller chercher mes gamins à l’école et que je croise une mère et sa fille assises par terre en train de mendier, je culpabilise. Alors oui, c’est un sentiment extrêmement désagréable mais moins que d’être celle qui est assise devant la bouche de métro.

Culpabiliser, c’est prendre conscience de ses privilèges, c’est se mettre l’espace d’un instant dans la peau de l’autre, c’est donc reconnaître à l’autre sa qualité d’être humain. Culpabiliser les riches, c’est aussi les pousser à prendre leurs responsabilités. En plus, Philippe Aghion nous parle de ça alors qu’on l’interrogeait sur la disparition de l’ISF. Ça veut dire quoi ? Que taxer les riches pour qu’ils contribuent directement à la société, c’est les culpabiliser ? On nage en plein délire. Vous avez fumé du crack au Collège de France ou quoi  ?

À les écouter, les riches, c'est toujours Bill Gates

Et en prime, pendant ce temps, on ne se prive pas pour culpabiliser les pauvres qui, s’ils étaient vraiment pauvres et malheureux accepteraient n’importe quel travail, payé n’importe quelle somme. Alors, ok, je n’ai aucun diplôme d’économie. Mais l’argument du «il faut arrêter de culpabiliser les riches», ce n’est pas, ça n’a jamais été et ça ne sera jamais un argument économique. Ça s’appelle de la psychologie de comptoir (et ça, je connais bien).

En plus, dans ce discours, vous noterez que les riches, c’est toujours Bill Gates. Je vous assure. Un millionnaire, c’est quelqu’un qui a inventé un truc qui a été utile à l’ensemble de la communauté. Ce matin-là, Philippe Aghion n’a pas donné l’exemple de Bill Gates mais du mec qui a inventé Skype, «un Scandinave». (En vrai, Wikipédia m’informe que ce sont deux Estoniens.) Et il a martelé à plusieurs reprises:

«Je crois que quelqu’un qui fait une innovation qui marche très bien, il la vend, il doit être récompensé.»

Est-ce qu’on peut être professeur au Collège de France et présenter le riche typique –on parle au minimum de millionnaires hein– comme un inventeur ? Sérieusement ?

Et après «il faut arrêter de culpabiliser les riches», «parce que les riches sont des gens de mérite qui ont inventé un truc fabuleux», on atteint le point «en supprimant l’ISF sur les actions, les riches vont investir dans l’innovation et créer des emplois». Tout naturellement. Comme ça. Parce qu’ils sont gentils et que le système fonctionne à la perfection. D’ailleurs, prendre des actions chez Nestlé c'est égal à investir dans l’innovation. (C’était l’exemple donné par un auditeur.)

Il a vu monsieur Aghion la hausse des dividendes des actionnaires ces dernières années ? Si on fait une déduction fiscale spécifiquement sur l’argent investi dans une jeune entreprise, ou une entreprise qui fait du développement, ok, mais si c’est une suppression totale sur toutes les actions, j’ai du mal à croire que ça marche. Ça me rappelle Pierre Gattaz et sa promesse du million d’emplois.

Il croit aux Bisounours, lui ?

Philippe Aghion postule le non-égoïsme des agents économiques. Quand Nicolas Demorand lui demande s’il y a des études qui prouvent ça, qu’alléger la fiscalité des plus riches entraîne une relance, il dit que oui, sûrement, il ne sait pas, il n’a pas ça sous la main. Or, je vous conseille sur le sujet cet article assez clair Favoriser les riches est-ce bon pour les pauvres (sur le site de France Culture, qui diffuse les leçons du Collège de France) qui le contredit. En fait, c’est comme pour les APL. Quand Macron demande aux propriétaires de prendre leurs responsabilités, d’être solidaires et de baisser les loyers de cinq euros. C’est la même logique.

Philippe Aghion insiste sur un autre élément. La société au mérite, ça fonctionne s’il y a davantage d’égalité des chances. En France, à l’heure actuelle, ce n’est pas le cas. En fonction de son milieu social, de sa couleur de peau, de son genre, etc., on n’a pas les mêmes chances. Il explique donc qu’il va falloir investir en priorité dans l’éducation pour ça. Là, je ne comprends pas.

Comment on va investir massivement alors qu’en même temps, l’État perd 4 milliards de recettes fiscales avec la suppression de l’ISF? (L’ISF rapportait entre 4 et 5 milliards, l’IFI rapportera 850 millions d’après Les Echos… ) Est-ce qu’il ne fallait pas faire les choses dans l’autre sens? Enfin bon, on verra avec la suite des réformes n’est-ce pas. La formation professionnelle, l’assurance chômage et tutti quanti. En attendant, arrêtez au moins d’essayer de nous culpabiliser de culpabiliser les riches parce que ça ressemble à du foutage de gueule.

dimanche 10 septembre 2017

Les écologistes avaient raison


« Pas besoin de faire de catastrophisme : la situation est catastrophique » nous dit mon collègue et ancien vice-président du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) Jean Jouzel. L'avertissement fait froid dans le dos. 

2017, inondations majeures et meurtrières en Sierra-Leone avec au moins 312 morts à la mi août, érosion du littoral en Métropole, éboulement de quatre millions de mètre cubes de boue et de rochers, en Suisse, à cause à la fonte du permafrost alpin qui, en temps normal, assure la cohésion des roches, bilan, 14 disparus et un village rayé de la carte, sécheresses et incendies majeurs encore et toujours, incendie au Groenland et maintenant Irma, l’ouragan le plus puissant jamais enregistré depuis que l’humanité surveille la météo. Alors s'il est vrai qu’il est encore difficile d’attribuer tels ou tels événements météorologiques ponctuels au changement climatique, on peut, toutefois, s’interroger, au regard de ceux-ci, sur la fragilité de nos sociétés vaniteuses et dénaturées, technologiques et guerrières, face à la puissance de la nature. Ainsi avec les îles de St Martin et St Barth, dévastées par Irma, privées d’eau potable et d’électricité, livrées au désordre et à la détresse, nous avons une mise en lumière du manque de résilience de nos sociétés face aux crises écologique et climatique.

« Avec les dévastations d’Irma, nous avons un exemple concret de ce que le système économique planétaire vorace et désinvolte peut donner. Et c’est le moment de rappeler les ricanements, le mépris supérieur, opposés aux écologistes pendant des décennies. Ils étaient pris pour des hurluberlus, des rêveurs pisse-froids, naïfs promoteurs du retour à la lampe à huile, soixante-huitards ou bobos déconnectés, empêcheurs de se gaver en rond. Et bien en fait, […]… ils avaient raison ! Et si leurs thèses sont désormais acceptées par le monde entier (à un Donald Trump près) ils ne sont toujours pas assez écoutés à propos des priorités à renverser. Le zadiste moyen de NDDL, aussi extrémiste soit-il, est plus raisonnable que n’importe quel climatosceptique qui siège encore à l’Assemblée. » nous rappelle fort justement Thomas Legrand dans son éditorial sur France-Inter du vendredi 8 septembre 2017.

De son coté, Pascal Canfin, sur France Inter, ne dit pas autre chose et je partage : « Si l'on avait écouté les scientifiques et les écologistes, nous ne serions ni surpris-e-s, ni sidéré-e-s que les crises climatiques se fassent plus aiguës, mais nous serions mieux préparé-e-s »

« Ce n'est donc pas faute d'avoir alerté, et pourtant les écologistes ne se réjouissent pas (et ne se réjouiront jamais) d'avoir eu raison, ils se désolent juste de ne pas être entendus » nous dit mon amie Catherine Bassani-Pillot et je partage. Et pourtant je pense qu’il est bon, de temps en temps, de rappeler que nous avions et avons raison quand nous alertons, relais que nous sommes des travaux scientifiques, afin que, dans une sorte de vœu pieux, à l'avenir et sur d'autres sujets, nous puissions espérer être un peu plus écoutés et un peu plus soutenus. Soutenus, non pas pour notre gloire, mais pour que nous puissions enclencher, véritablement, la transition écologique de notre monde et offrir un monde durable et désirable à nos enfants.

Mais je crains, à l’instar de Jean-Marc Jancovici, que demain, Harvey, Irma, José ou bien encore Katia passés, on ne se « désole que les ventes de voitures fléchissent un peu, puis qu’après-demain on ne se désole que la production d'acier fléchisse un peu alors qu’à chaque fois qu'on augmente ça, on augmente aussi les émissions de CO2 ... » et donc les changements climatiques et donc les catastrophes qui vont avec. « Quelque part, il faut qu'on se mette d'accord avec nous-mêmes, c'est à dire à 7 milliards et demi dans une petite boite qu'on appelle la planète Terre dont la taille n'augmente pas, il faut trancher, on est en pleine incohérence : c'est à dire que lundi on dit qu'on veut augmenter la taille de l'économie donc des flux physiques et augmenter les émissions et les rejets en tous genres et Mardi, on dit : ah c'est quand même ennuyeux, il y a des conséquences à cette affaire et on préférerait ne pas les voir » poursuit Jean-Marc Jancovici

Ainsi St Martin et St Barth sont deux exemples à petite échelle, une sorte d'expérience de laboratoire de la vulnérabilité de nos sociétés occidentales. En quelques heures des territoires modernes de la cinquième puissance mondiale ont été réduits à néant par la force de la nature que nous provoquons. Irma devrait nous faire réfléchir sur l'effondrement de notre monde qui nie les crises écologiques, climatique, métallique ou bien encore énergétique en croyant, dans une techno-foi aveugle, que, devant le précipice, nous trouverons la solution et qu'en attendant il ne sert à rien de s'inquiéter, il ne sert à rien d'investir pour anticiper, il ne sert à rien de changer car il est tout de même plus délectable, à l'instar de la cigale de La Fontaine, de jouir de consommation.

Amis, je vous en conjure, réfléchissez, ouvrez les yeux, changez, renoncez, adoptez la sobriété choisie et heureuse avant que les événements ne vous l’impose ... il est plus que temps car la multiplication et l'intensification des extrêmes climatiques va poser de plus en plus de problèmes humains, alimentaires, économiques, géopolitiques. « Ce qui est l'exception dans beaucoup de domaines, y compris chez nous [en métropole], va devenir parfois la norme. Le pire est devant nous », averti Nicolas Hulot et Jean Jouzel de poursuivre « l'intensification des cyclones risque de préfigurer ce que l'on vivra demain ». Et en effet « pour espérer rester en deçà de 2°C de réchauffement par rapport à l'ère préindustrielle, il faudrait que le pic d'émissions de gaz à effet de serre survienne au plus tard en 2020 », conclut Jean Jouzel. Nous n'avons donc plus que trois ans devant nous pour inverser la vapeur.

Crédit photo : TWITTER/AFP - Anna MAZUR : Casino Royale ravagé par l'ouragan Irma dans la partie néerlandaise de Saint-Martin, le 7 septembre 2017

dimanche 3 septembre 2017

L’enfer du miracle allemand


Macron se désole que les Français refusent les réformes, que ce pays est irréformable. Mais les réformes pour les réformes cela n’a aucun sens. Si réformer c’est aller vers toujours plus de précarités et d’inégalités alors je dis « NON ! » et je me range dans le lot de ceux, dénommés par le très talentueux et clairvoyant journaliste de droite Eric Brunet, « les abrutis ». 

Ces abrutis, qui se vautreraient, selon le fantasme libéral, « dans le socialisme bolivarien le plus frustre en ayant pris l'argent du pétrole aux actionnaires milliardaires afin de tenter d'éradiquer la pauvreté qui rongeaient le Venezuela (1) ». Ces abrutis qui refusent « toujours plus de déréglementation, de flexibilité chez les salariés, de stock option et de dividendes pour le CAC 40, de privatisation de services publics […] solutions de ceux qui savent. (1) » car bien évidement « ceci n'a hélas jamais été fait, nulle part, ni en France, ni ailleurs. Mais vraiment jamais jamais ! Et les abrutis que nous sommes ne comprennent pas que si nous le faisions, si nous appliquions ces brillantes solutions libérales, la vie serait à chaque minute du jour et de la nuit une danse du bonheur sous l'abondance du ruissellement. (1) »

Nous sommes vraiment des abrutis de refuser un tel bonheur et il n’y a qu’à demander aux allemands ce qu’ils pensent de ces réformes qu’ils subissent, depuis 12 ans via les lois Hartz, pour se convaincre que nous sommes vraiment des abrutis pour refuser le paradis du modèle économique allemand. Ah, le paradis du modèle économique allemand basé sur les travailleurs pauvres et le retour au travail des retraités ! Que du bonheur ! Avoir du boulot et vivre pauvre tel est le miracle allemand. Près de 1 million de retraités allemands sont aujourd’hui contraints de travailler faute de pension suffisante. Ah ce modèle inégalable vanté par nos chroniqueurs télé de tous poils pourvoyeurs de la lobotomie générale pour le compte du MEDEF et de ses valets En Marche.

Ainsi selon « Le Monde diplomatique » de Septembre 2017, en Allemagne, entre 2000 et 2016 la proportion des travailleurs pauvres — rémunérés au-dessous de 979 euros par mois — passe de 18 à 22 %. 4,7 millions d’actifs survivent aujourd’hui avec un minijob plafonné à 450 euros par mois. L’Allemagne a converti ses chômeurs en nécessiteux. Ainsi pour les deux prophètes de la « social-démocratie moderne » M. Schröder et son homologue britannique Anthony Blair et ceux qui perpétuent aujourd'hui le Hartz IV, il vaut mieux un pauvre qui sue plutôt qu’un pauvre qui chôme.

Huit heures : le Jobcenter du quartier berlinois de Pankow vient à peine d’ouvrir ses grilles que déjà une quinzaine de personnes s’alignent devant le guichet d’accueil, enfermées chacune dans un cocon de silence anxieux, nous relate « Le Monde diplomatique » de Septembre 2017. « Pourquoi je suis ici ? Parce que, si tu ne réponds pas à leurs convocations, ils te retirent le peu qu’ils te donnent, grommelle un quinquagénaire à voix basse. De toute façon, ils n’ont rien à proposer. À part peut-être un boulot de vendeur de caleçons à clous, qui sait. » L’allusion lui arrache un maigre sourire. Il y a un mois, une mère isolée de 36 ans, éducatrice au chômage, a reçu un courrier du Jobcenter de Pankow l’invitant, sous peine de sanctions, à postuler pour un emploi d’agente commerciale dans un sex-shop.

En Allemagne [...] La vie des allocataires est un sport de combat. Leur minimum vital ne leur permettant pas de s’acquitter d’un loyer, le Jobcenter prend celui-ci en charge, à la condition qu’il ne dépasse pas le plafond fixé par l’administration selon les zones géographiques. Un tiers des allocataires (renommés "Clients") ont pourtant des problèmes de logement, le plus souvent parce que l’envolée des loyers dans les grandes villes, notamment à Berlin, les a fait sortir des clous du Jobcenter. Ils doivent soit déménager, mais sans savoir où, car le marché locatif est saturé, soit régler la différence de leur poche en rognant sur leur budget alimentaire.

Le Jobcenter peut aussi débloquer au compte-gouttes des aides d’urgence. Cela lui confère un droit de regard qui s’apparente presque à un placement sous curatelle. Compte en banque, achats, déplacements, vie familiale ou même amoureuse : aucun aspect de la vie privée n’échappe à l’humiliant radar des contrôleurs. Les 408 agences du pays disposant d’une marge d’initiative, certaines débordent d’imagination. Fin 2016, par exemple, le Jobcenter de Stade, en Basse-Saxe, a adressé un questionnaire à une chômeuse célibataire enceinte la priant de divulguer l’identité et la date de naissance de ses partenaires sexuels (2) [...]

[...] Hartz IV fonctionne à la manière d’un service du travail précaire obligatoire. Les menaces de sanctions qui pèsent sur le « client » le tiennent en permanence à la merci d’un guet-apens. M. Jürgen Köhler, un Berlinois de 63 ans, exerce en temps normal le métier de graphiste indépendant. Confronté à la concurrence de gros cabinets qui cassent les prix, il ne reçoit plus assez de commandes pour en vivre et s’est donc inscrit au Jobcenter. « Un jour, raconte-t-il devant un café, un courrier m’annonce que je dois me présenter le lundi et le mardi suivants à 4 heures du matin aux portes d’une agence d’intérim pour être affecté sur un chantier et toucher ma paie le soir même. Et que je dois me munir d’une paire de chaussures de sécurité. Évidemment, je ne possède pas ce genre d’équipement et je n’ai jamais travaillé dans le bâtiment. Commencer à mon âge ne me paraissait pas une bonne idée. » Les délais étant, comme souvent, trop brefs pour tenter un recours, M. Köhler n’a d’autre choix que de contester la mesure devant les tribunaux, en espérant que son affaire sera jugée avant que ne tombe le couperet de la sanction, qui risque d’amputer ses subsides de 10 %, 30 % ou même 100 %. Nul n’est à l’abri du hachoir, pas même les enfants d’allocataires Hartz IV âgés de 15 à 18 ans : en échange de leurs 311 euros mensuels versés au budget de la famille, et même s’ils vont encore à l’école, le Jobcenter peut les convoquer à tout moment pour leur « conseiller » de s’orienter vers tel ou tel secteur sous tension et leur couper les vivres s’ils ratent un rendez-vous. (2) [...]

Dès lors, pourquoi refuser un tel bonheur ? « Peut-être parce que nous n’avons plus les moyens de payer pour tous » selon la phrase fétiche des libéraux ? .... « qui va payer ? nous disent-ils. Qui va payer pour un accès de tous à la santé ? Qui va payer pour éradiquer l'analphabétisme ? Qui va payer pour un retour de la police de proximité ? Qui va payer pour une école de qualité ? C'est vrai que tout compte fait, ce serait beaucoup mieux si seuls les riches se payaient eux-mêmes les services privés, laissant les autres dans le dénuement. C'est sans doute ça, l’idée intelligente d'une société parfaite. (1) »

Pourtant les français n’ont pas toujours été contre les réformes, au contraire même. Ainsi quand en 1936 on a créé les congés payés, quand en 1946, Marcel Paul a nationalisé l’énergie, quand Maurice Thorez a créé le statut de la fonction publique, quand Paul Langevin a conçu le CNRS, quand Ambroise Croizat a bâti la Sécurité Sociale, généralisé les retraites, conçu les Comités d’Entreprises, la médecine du travail, la prime prénatale, l’allocation de salaire unique, du doublement du congé maternité, la reconnaissance des maladies professionnelles … les français ont adorés !!!

Mais, je m’avance peut-être pour expliquer ce vent de refus des Français devant les réformes portées par les libéraux, c’est que, encore une fois peut-être, que ces réformes, aujourd’hui, sont a l’inverse de ce que déclarait Ambroise Croizat « Désormais, dans toutes les phases de sa vie, nous mettrons définitivement l’Homme à l’abri du besoin. Nous en finirons avec les angoisses du lendemain. » et que nous refusons « l’enfer du miracle allemand », ce modèle qui inspire tant Emmanuel Macron et que ce refus est légitime. Non ?