"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

dimanche 3 septembre 2017

L’enfer du miracle allemand


Macron se désole que les Français refusent les réformes, que ce pays est irréformable. Mais les réformes pour les réformes cela n’a aucun sens. Si réformer c’est aller vers toujours plus de précarités et d’inégalités alors je dis « NON ! » et je me range dans le lot de ceux, dénommés par le très talentueux et clairvoyant journaliste de droite Eric Brunet, « les abrutis ». 

Ces abrutis, qui se vautreraient, selon le fantasme libéral, « dans le socialisme bolivarien le plus frustre en ayant pris l'argent du pétrole aux actionnaires milliardaires afin de tenter d'éradiquer la pauvreté qui rongeaient le Venezuela (1) ». Ces abrutis qui refusent « toujours plus de déréglementation, de flexibilité chez les salariés, de stock option et de dividendes pour le CAC 40, de privatisation de services publics […] solutions de ceux qui savent. (1) » car bien évidement « ceci n'a hélas jamais été fait, nulle part, ni en France, ni ailleurs. Mais vraiment jamais jamais ! Et les abrutis que nous sommes ne comprennent pas que si nous le faisions, si nous appliquions ces brillantes solutions libérales, la vie serait à chaque minute du jour et de la nuit une danse du bonheur sous l'abondance du ruissellement. (1) »

Nous sommes vraiment des abrutis de refuser un tel bonheur et il n’y a qu’à demander aux allemands ce qu’ils pensent de ces réformes qu’ils subissent, depuis 12 ans via les lois Hartz, pour se convaincre que nous sommes vraiment des abrutis pour refuser le paradis du modèle économique allemand. Ah, le paradis du modèle économique allemand basé sur les travailleurs pauvres et le retour au travail des retraités ! Que du bonheur ! Avoir du boulot et vivre pauvre tel est le miracle allemand. Près de 1 million de retraités allemands sont aujourd’hui contraints de travailler faute de pension suffisante. Ah ce modèle inégalable vanté par nos chroniqueurs télé de tous poils pourvoyeurs de la lobotomie générale pour le compte du MEDEF et de ses valets En Marche.

Ainsi selon « Le Monde diplomatique » de Septembre 2017, en Allemagne, entre 2000 et 2016 la proportion des travailleurs pauvres — rémunérés au-dessous de 979 euros par mois — passe de 18 à 22 %. 4,7 millions d’actifs survivent aujourd’hui avec un minijob plafonné à 450 euros par mois. L’Allemagne a converti ses chômeurs en nécessiteux. Ainsi pour les deux prophètes de la « social-démocratie moderne » M. Schröder et son homologue britannique Anthony Blair et ceux qui perpétuent aujourd'hui le Hartz IV, il vaut mieux un pauvre qui sue plutôt qu’un pauvre qui chôme.

Huit heures : le Jobcenter du quartier berlinois de Pankow vient à peine d’ouvrir ses grilles que déjà une quinzaine de personnes s’alignent devant le guichet d’accueil, enfermées chacune dans un cocon de silence anxieux, nous relate « Le Monde diplomatique » de Septembre 2017. « Pourquoi je suis ici ? Parce que, si tu ne réponds pas à leurs convocations, ils te retirent le peu qu’ils te donnent, grommelle un quinquagénaire à voix basse. De toute façon, ils n’ont rien à proposer. À part peut-être un boulot de vendeur de caleçons à clous, qui sait. » L’allusion lui arrache un maigre sourire. Il y a un mois, une mère isolée de 36 ans, éducatrice au chômage, a reçu un courrier du Jobcenter de Pankow l’invitant, sous peine de sanctions, à postuler pour un emploi d’agente commerciale dans un sex-shop.

En Allemagne [...] La vie des allocataires est un sport de combat. Leur minimum vital ne leur permettant pas de s’acquitter d’un loyer, le Jobcenter prend celui-ci en charge, à la condition qu’il ne dépasse pas le plafond fixé par l’administration selon les zones géographiques. Un tiers des allocataires (renommés "Clients") ont pourtant des problèmes de logement, le plus souvent parce que l’envolée des loyers dans les grandes villes, notamment à Berlin, les a fait sortir des clous du Jobcenter. Ils doivent soit déménager, mais sans savoir où, car le marché locatif est saturé, soit régler la différence de leur poche en rognant sur leur budget alimentaire.

Le Jobcenter peut aussi débloquer au compte-gouttes des aides d’urgence. Cela lui confère un droit de regard qui s’apparente presque à un placement sous curatelle. Compte en banque, achats, déplacements, vie familiale ou même amoureuse : aucun aspect de la vie privée n’échappe à l’humiliant radar des contrôleurs. Les 408 agences du pays disposant d’une marge d’initiative, certaines débordent d’imagination. Fin 2016, par exemple, le Jobcenter de Stade, en Basse-Saxe, a adressé un questionnaire à une chômeuse célibataire enceinte la priant de divulguer l’identité et la date de naissance de ses partenaires sexuels (2) [...]

[...] Hartz IV fonctionne à la manière d’un service du travail précaire obligatoire. Les menaces de sanctions qui pèsent sur le « client » le tiennent en permanence à la merci d’un guet-apens. M. Jürgen Köhler, un Berlinois de 63 ans, exerce en temps normal le métier de graphiste indépendant. Confronté à la concurrence de gros cabinets qui cassent les prix, il ne reçoit plus assez de commandes pour en vivre et s’est donc inscrit au Jobcenter. « Un jour, raconte-t-il devant un café, un courrier m’annonce que je dois me présenter le lundi et le mardi suivants à 4 heures du matin aux portes d’une agence d’intérim pour être affecté sur un chantier et toucher ma paie le soir même. Et que je dois me munir d’une paire de chaussures de sécurité. Évidemment, je ne possède pas ce genre d’équipement et je n’ai jamais travaillé dans le bâtiment. Commencer à mon âge ne me paraissait pas une bonne idée. » Les délais étant, comme souvent, trop brefs pour tenter un recours, M. Köhler n’a d’autre choix que de contester la mesure devant les tribunaux, en espérant que son affaire sera jugée avant que ne tombe le couperet de la sanction, qui risque d’amputer ses subsides de 10 %, 30 % ou même 100 %. Nul n’est à l’abri du hachoir, pas même les enfants d’allocataires Hartz IV âgés de 15 à 18 ans : en échange de leurs 311 euros mensuels versés au budget de la famille, et même s’ils vont encore à l’école, le Jobcenter peut les convoquer à tout moment pour leur « conseiller » de s’orienter vers tel ou tel secteur sous tension et leur couper les vivres s’ils ratent un rendez-vous. (2) [...]

Dès lors, pourquoi refuser un tel bonheur ? « Peut-être parce que nous n’avons plus les moyens de payer pour tous » selon la phrase fétiche des libéraux ? .... « qui va payer ? nous disent-ils. Qui va payer pour un accès de tous à la santé ? Qui va payer pour éradiquer l'analphabétisme ? Qui va payer pour un retour de la police de proximité ? Qui va payer pour une école de qualité ? C'est vrai que tout compte fait, ce serait beaucoup mieux si seuls les riches se payaient eux-mêmes les services privés, laissant les autres dans le dénuement. C'est sans doute ça, l’idée intelligente d'une société parfaite. (1) »

Pourtant les français n’ont pas toujours été contre les réformes, au contraire même. Ainsi quand en 1936 on a créé les congés payés, quand en 1946, Marcel Paul a nationalisé l’énergie, quand Maurice Thorez a créé le statut de la fonction publique, quand Paul Langevin a conçu le CNRS, quand Ambroise Croizat a bâti la Sécurité Sociale, généralisé les retraites, conçu les Comités d’Entreprises, la médecine du travail, la prime prénatale, l’allocation de salaire unique, du doublement du congé maternité, la reconnaissance des maladies professionnelles … les français ont adorés !!!

Mais, je m’avance peut-être pour expliquer ce vent de refus des Français devant les réformes portées par les libéraux, c’est que, encore une fois peut-être, que ces réformes, aujourd’hui, sont a l’inverse de ce que déclarait Ambroise Croizat « Désormais, dans toutes les phases de sa vie, nous mettrons définitivement l’Homme à l’abri du besoin. Nous en finirons avec les angoisses du lendemain. » et que nous refusons « l’enfer du miracle allemand », ce modèle qui inspire tant Emmanuel Macron et que ce refus est légitime. Non ?



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