"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

mercredi 26 juin 2019

L'avocat du diable

Au classement des plus grands importateurs d’avocats, la France obtient la seconde place, juste après les États-Unis, mais devant le Japon. Les Français raffolent des avocats... et contribuent ainsi à la déforestation du Mexique et aux bénéfices des cartels de la drogue. Au Chili, les avocats assèchent les cours d'eau. L'engouement culinaire pour l'avocat dans les pays occidentaux n’est pas sans conséquences sur le plan social, économique et surtout environnemental.

Le Chili en fait les frais depuis presque 30 ans. Avec une exportation en constante augmentation, le Chili a fourni plus de 159 700 tonnes d’avocats à des pays étrangers en 2016. Lorsque l’on sait que pour irriguer un hectare d’avocats, 100 000 litres d’eau quotidiens sont nécessaires (l'équivalent de la consommation d’eau de 1000 habitants), on saisit l’enjeu écologique relatif. Enjeu auquel s’ajoutent les conditions très spécifiques de transport et d’exportation du fruit, très énergivores.

La province de Petorca, située dans la région centrale du Chili, a vu ses cultures traditionnelles de pommes de terre, de tomates et ses vergers disparaître pour laisser place à l’exploitation écrasante des avocatiers. On y trouve aujourd’hui plus de 16 000 hectares de culture, soit une augmentation de 800 % en moins de 30 ans. Les habitants n’ont plus d’eau pour vivre, s’hydrater ou se laver et doivent faire venir l’eau par camion ; les sols étant complètement asséchés par les exploitants agricoles, nous relate le "National Geographic".

Les lits de plusieurs rivières, comme Ligua et Petorca, sont à sec depuis plus de dix ans. Les poissons et autres agents de la faune et de la flore ont également disparus, déréglant considérablement l’écosystème de la zone. Mais plus grave encore : l’absence de cours d’eau rend impossible toute évaporation et ainsi le processus de formation de nuages et donc de précipitations. Dotée d’un climat subtropical, la province de Petorca connaît depuis des années de longues périodes de sécheresse, amplifiées par le phénomène météorologique El niño, poursuit le "National Géographic".

Au Mexique aussi la production d’avocat à grande échelle demande énormément d’eau, ce qui a fait baisser le niveau des rivières, reculer les zones humides et tarir des nappes phréatiques tout en augmentant la température des régions. Par ailleurs, les propriétaires d’exploitations n’hésitent pas à utiliser des produits agrochimiques synthétiques pour protéger leurs récoltes, dont certains sont hautement toxiques et parfois mêmes interdites au Mexique. Ces pesticides pénètrent dans les nappes phréatiques et les ruisseaux qui alimentent en eaux la faune sauvage ainsi que les habitants. Le seul mot d’ordre : la productivité, nous dit fort justement Mr Mondialisation.

Par ailleurs même s'il est légalement, au Michoacán, interdit de convertir des terrains de forêts en zone d’agriculture, la loi autorise de le faire si les arbres sont coupés à la hache ou s’ils ont été incendiés. En 2009, plusieurs incendies géants ont détruit 12 500 hectares de forêts. L’année d’après, la zone a été recouverte de 8 000 hectares d’avocatiers. En 2016, les incendies ont dévasté 9 % de la surface forestière du Michoacán avec une issue similaire. Une pratique également observée en Asie pour le commerce d’huile de palme poursuit Mr Mondialisation

Et comme si tout cela ne suffisait pas, toujours au Mexique, premier producteur mondial d'avocats, c'est racket, enlèvements, exécutions... Les cartels sèment la terreur chez les producteurs d'avocats mexicains. Dans l’état mexicain du Michoacán, en trente ans, les plantations d’avocatiers ont triplé. Pour les habitants de Tancitaro, ville sinistrée par le chômage, l'avocat a représenté un vrai miracle économique. "L'or vert" leur a pourtant coûté très cher. Cette manne attire, en effet, la convoitise des mafias locales qui prélèvent au minimum 10% des revenus des producteurs. L'un des gangs les plus sanguinaires du Mexique, Los Caballeros Templarios ("Les Chevaliers templiers"), sème depuis des années la terreur dans la région, nous révèle l'émission "Envoyé spécial".

Chez nous, nous n'en achetons plus depuis longtemps, exactement pour toutes ces raisons. Plus d'avocats, plus d'ananas, plus de fruits et légumes exotiques chez nous, plus que des fruits locaux et de saison. Si nous avons un pouvoir d'achat nous avons aussi un pouvoir de non-achats qui permet de changer le monde.