"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

samedi 16 février 2013

Pierre Rabhi : "l’écologie interroge notre regard sur la vie"

Dans un entretien avec Reporterre, Pierre Rabhi souligne la dimension humaniste de l’écologie et la confronte avec la lutte contre l'aéroport de Notre Dame des Landes.

En ce début 2013, il est encore temps de tirer un bilan de l’année précédente. Que retenez-vous des élections présidentielles françaises, américaines, russes ; des conférences de Rio, de Doha ou d’Hyderabad ?

Pierre Rabhi - Nous sommes aujourd’hui dans un contexte général d’interrogations sur l’avenir, et l’écologie entre en ligne de compte comme un paramètre qu’il faut appréhender. C’est normal. Mais ce paramètre, qui est essentiel, n’est pas suffisamment mis en exergue, selon moi. Je dirais qu’on met un peu d’écologie pour condimenter l’ensemble du système, mais l’écologie n’apparaît pas encore comme un urgence et une priorité absolue. Au contraire. Je dirais même que l’écologie politique reste un peu limitée. Je pense que c’est parce qu’elle s’appuie sur du factuel. Or l’écologie ne nous interpelle pas seulement sur le trou d’ozone, le carbone ou sur l’épuisement des ressources, mais aussi sur un registre plus intime, un registre de l’ordre du personnel. L’écologie interroge notre regard sur la vie, notre positionnement par rapport aux mystères de la vie. Il n’y a pas assez de beauté invoquée, pas assez de mystères. On reste sur un discours élémentaire, mais qui ne prend pas l’élan de quelque chose de plus fondamental et essentiel.

Vous reconnaissez-vous dans la mobilisation populaire qui s’est formée à Notre Dame des Landes ?

Je ne peux que m’y reconnaître. Notre-Dame-des-Landes est un exemple de cette modernité qui ne prend à l’évidence pas en compte la priorité écologiste. Quand on détériore un espace vivant, on le détériore pour très longtemps. On fait une soustraction douloureuse sur ce patrimoine vivant, alors qu’on aurait besoin au contraire de mieux le préserver. A partir de là, je ne peux pas souscrire à des caprices immédiats face à quelque chose qui a plutôt une densité éternelle.

Qu’est-ce que vous dérange particulièrement dans le projet de Notre-Dame-des-Landes ?

Je sens derrière tout ça une manifestation de la vanité humaine, je sens un prétexte à créer de l’emploi et du profit. Je ne suis pas dupe de tout ça.

L’argument de l’emploi n’est-il pas valable ?

C’est un argument que tout le monde sort. C’est un argument facile, puisque le modèle dit effectivement qu’il faut de la croissance pour s’en sortir. C’est comme cela qu’on s’installe dans un quiproquo type « c’est par la croissance qu’on va augmenter les choses ». Seulement, ce qu’on oublie, c’est que lorsqu’on commet un préjudice sur la nature, celui-ci dure longtemps. Cela peut être un préjudice immédiat, mais quoiqu’il en soit, on l’inflige aux générations futures. On ne peut pas, sous prétexte de créer de l’emploi, détruire ce qui est le patrimoine collectif de l’humanité, depuis le passé jusqu’au futur.

Le chômage est pourtant un problème fondamental de notre société actuelle, comment crée-t-on de l’emploi sans créer de richesses, lorsque l’on porte, comme vous, un projet de décroissance ?

Je récuse de manière radicale le modèle, car il donne la priorité absolue au profit au détriment de l’humain et de la nature. Je ne peux pas admettre ce modèle, qui est comme une idéologie intégrée. Il provoque les symptômes négatifs, et ensuite on nous demande de nous acharner sur ces symptômes, sans aller vers la raison première qui a elle-même déterminée le modèle. C’est de cette raison dont il faut se débarrasser. Sinon, on maintiendra la logique qui produit les dérives et les dysfonctionnements. Croire que, parce qu’on va rajouter quelques emplois par-ci ou par-là – même s’il s’agit de milliers d’emploi ! – cela s’inscrit dans une continuité de la durée de la vie, c’est une illusion. On répond à une problématique limitée en mettant en cause les fondements limités. On est dans le délire complet. Il faut se débarrasser de ce modèle de croissance économique infinie, qui a produit une féodalité planétaire. Si on fait le bilan, qui profite de toute cette mécanique mondiale ? C’est quand même un tout petit club de super-nantis, qui laisse dans la détresse, voire dans l’indigence, la majorité de l’humanité…

Que doit faire l’écologie politique pour porter ce contre-modèle ? Quels sont les leviers du changement pour les écologistes ?

L’écologie, telle qu’elle est, ce n’est pas un défaut. L’écologie, c’est la Vie. [...] On l’oublie complètement, mais l’écologie concerne la survie de l’humanité, ou pas. Il y a une biosphère, qui s’est construite d’une certaine façon, depuis des millénaires ; la Vie est advenue, la vôtre, la mienne, etc. L’écologie ne doit pas être réduite à une pensée politique et limitée, car construite sur l’éphémère. On ne peut pas prendre ce qui est de l’ordre de la pérennité de la vie elle-même, pour une pensée limitée et simplement conjoncturel. On est en train de faire des mélanges.

Vous savez, l’écologie aurait dû être enseigné à l’enfant depuis tout petit. On devrait lui apprendre qu’il est vivant grâce à la vie, telle qu’elle s’est organisée, et qu’il est une des expressions de cette Vie. Qu’il doit respecter. Mais on est loin du compte, car il y a le profit, complètement stupide et sans limites, qui s’est emparé de tout, et au lieu de voir notre planète comme une magnifique oasis sur laquelle on a beaucoup de chances de vivre, on la voit comme un gisement de ressources qu’il faut épuiser jusqu’au dernier arbre. Tant que notre conscience ne se sera pas suffisamment élevée pour concevoir que cette planète nous offre tout, absolument tout, de quoi nous nourrir, de quoi nous réjouir, de quoi nous guérir, etc… nous continuerons de la polluer, de la dégrader, d’en faire un champ de bataille, de violence et d’égorgement. C’est l’horreur.

Soyons fous, imaginons que François Hollande vous appelle demain matin et vous nomme médiateur sur ce dossier de Notre-Dame-des-Landes, que faîtes-vous ? Quelles décisions prenez-vous ?

Je ne suis pas du tout sûr que François Hollande est libre de cette décision… La question est de comprendre qui gouverne véritablement. Moi, j’ai eu beaucoup d’estime pour Obama au début, j’ai suivi un peu sa vie antérieure, son application sociale. Il avait démontré qu’il avait cette générosité nécessaire. Mais si on compare le Obama « militant », dans son engagement personnel, et le Obama « président des Etats-Unis », il n’y a pas du tout le même espace de liberté. Aujourd’hui, au vu de la complexité des systèmes – où se mêlent le politique et le profit – je m’interroge sur les marges de manœuvre. Il y a des consciences éveillées, qui veulent bien faire et avec beaucoup de sincérité, mais je me demande s’ils ont les coudées franches.

NDDL est donc la représentation d’une oligarchie qui possède tout ?

Où est l’intérêt collectif dans le projet, c’est ça qu’il faut voir. Y a-t-il un réel intérêt à réaliser cet aéroport ou est-ce seulement l’intérêt de quelques-uns ? Je ne suis pas dupe de ce que signifie le politique, aujourd’hui, je ne suis pas dupe des accointances, de ce qui se passe dans les coulisses, des intérêts des uns et des autres. Je sais tout ce qui se déclenche quand il y a du « politico-commercialo-profito » derrière tout ça. C’est ce qui fait obstacle au changement. Quand je me suis présenté aux élections présidentielles en 2002, notre slogan, c’était l’appel à l’insurrection des consciences. Et le deuxième, c’était « quelle planète laisserons-nous à nos enfants et quels enfants laisserons-nous à la planète ? ». Il faut vraiment reconnecter le destin de l’humanité avec les fondements de la Vie. Or, aujourd’hui le destin de l’humanité a mis une règle du jeu totalement artificielle, puisqu’on est parti sur une dissociation de la nature et de nous-mêmes. Non ! Je suis la Nature, vous comme moi, nous sommes la nature. Nous ne sommes pas des robots fabriqués je ne sais comment, nous sommes véritablement la nature. Nous sommes des mammifères, qu’on le veuille ou non. Ce n’est pas « la nature » et « moi ». La Nature, c’est moi.

Propos recueillis par Barnabé Binctin

dimanche 10 février 2013

Pourquoi tant de haine ?

Entre Notre Dame des Landes, Electrabel, via ERSCIA, qui va réaliser des coupes à blanc dans la forêt du Morvan, la relance du Gaz de Schiste ou les éternels dogmes de la consommation et de la croissance, les gouvernements, qu'ils soient sous Sarkozy ou sous Hollande s'apparentent plus à des pyromanes environnementaux qu'à des gens réalistes. Plus largement nos grands dirigeants, qui n'ont pas le courage de dire "Non" aux puissances de l'argent, me donnent l'impression de haïr tout ce qui peut-être, de près ou de loin, naturel, qu'il faut soumettre, qu'il faut faire plier préférant laisser vivre le peuple dans la merde plutôt que de risquer leur place sous les sunlights. Ils me font penser à ces hommes qui détestent les femmes au point de les brutaliser, de les humilier, de les voiler, de les tuer. Comme les femmes, la nature doit être soumise et surement pas considérée comme notre égale.

La dégradation de l'environnement atteint en premier les
plus pauvres qui subissent, alors, toutes les misères sociales,
économiques, sanitaires ...

Mais comme il est politiquement incorrect de détester la nature et les p'tits oiseaux, on fait de l'affichage, on semble donner de gages. Et ainsi, pour le gouvernement, l'écologie c'est facile, c'est yaka-focon : Besoin de créer 4000 ha de zones humides - pour compenser un projet d'Ayraultport inutile - à un endroit où ni la géologie, ni l'hydrologie, ni la géographie ne l'aurait permis ? Pas grave, yaka-focon ! On est plus fort que la Pachamama, on va le faire ! Les loups sont méchants en s'attaquant à nos gentils moutons ? On a la solution on va les "éduquer" (Delphine Batho) ... et s'ils ne comprennent rien ? Ben on autorisera leur élimination. Facile !

Ailleurs et 30 ans après les premières alertes, on en est toujours au même point. Rien ne change. Chaque année des milliers d’éléphants d’Afrique sont massacrés pour leur ivoire. A ce jour, il ne reste plus que 690 000 individus en Afrique. L’une des principales raisons de ce braconnage est la demande asiatique pour confectionner des sculptures et bibelots en ivoire pour le tourisme de masse. Parmi ces pays d’Asie, la Thaïlande est le plus grand marché au monde d’ivoire non réglementé. On y blanchit des quantités énormes d’ivoire africain, car dans ce pays la vente d’ivoire est légale. Il est urgent de combler ce vide juridique pour sauver les éléphants d’Afrique, un des symboles de la lutte pour la biodiversité.


A Pékin, respirer rime avec danger! Ci dessus il ne s'agit pas d'une image de film de science-fiction mais de la réalité en ce début 2013 : Un écran vidéo montre des images lumineuses de ciel bleu sur la place Tiananmen en période de niveaux dangereux de pollution de l'air à Pékin. On est en plein "soleil vert" ou "blade runner". Ce que l'on montrait dans ces films, comme de la science fiction est devenue la réalité sur la planète Plutard ... la planète où l'on remettait toujours tout à plus tard. "Souvenez vous comment la Terre était belle avant que vous ne la pourrissiez ! Pour les personnages il est trop tard mais pour vous, il est encore temps" nous disaient ces films. Mais la fiction rattrape la réalité et l'on s'y habitue. Vous allez me dire que cela est à Pékin et que cela ne peut pas nous arriver en France puisque nous, les français, on est beaucoup plus intelligent que le reste de l'humanité, on a les meilleurs ingénieurs qui calculent tout vachement bien ! On a les meilleurs politiques qui travaillent tous pour le bien de la collectivité. On a les meilleurs patrons hyper-sensibilisés aux problèmes environnementaux. Dormez braves gens, vos élites travaillent pour vous, soyez tranquilles. Pfff ! Pauvre de nous.

Essorer le sous sol jusqu'à ce qu'il n'y ait plus une seule goutte de pétrole au fond, semble être le credo de notre monde drogué au carbone. Pourtant, en novembre dernier, l’Agence Internationale de l’Energie estimait que pour empêcher une augmentation globale des températures au-delà de 2°C, les 2/3 de nos ressources fossiles devaient rester dans le sol. Dans le même temps, le rapport « Global Risks 2013 » du World Economic Forum, qui annonçait, en janvier 2013, une augmentation globale, à terme, des températures de 3,6 à 4℃, si rien n'était fait, et qui identifiait la hausse des émissions de GES anthropiques comme étant parmi les plus importants risques mondiaux, informait également, que la Chine prévoit d’augmenter de 20 % sa production de charbon, malgré une pollution de l’air insoutenable, et l’Australie de multiplier par deux ses exportations de charbon, alors que la barrière de corail est en danger. La ruée vers les réserves pétrolières et gazières de l’Arctique, facilitée par la fonte des glaces, risque d’en accélérer encore plus le recul. Le Canada envisage de tripler la production de ses sables bitumineux. L’exploitation de ces gisements est la façon la plus sale et la plus chère et la plus énergivore de produire du pétrole.

On me dit, "Bruno tu nous fais peur avec tes alertes environnementales, on ne peut pas te suivre.".

Moi je réponds que ce sont eux qui me font peur en ne voulant pas regarder le dragon dans les yeux, c'est eux les irréalistes et les inconscients en pensant que leur modèle, pourtant moribond, est durable. Rappelons une évidence : ce n'est surement pas nous, les écologistes, qui inventons les problèmes, mais que c'est bien à force d'observer la Terre que l'on découvre les dangers.


Opération de réinstallation dans la ferme de bellevue,
nouveau symbole de la résistance à l’Ayraultport, le 3 janvier 2013.

Heureusement qu'il existe de îlots d'espoir venant de citoyens responsables et éveillés, comme cette résistance fraternelle qui se déroule à Notre Dame des Landes. L'amitié, la solidarité et la paix comme moyens de résistance au bétonnage, au gâchis et aux avions que préfère Ayrault. NDDL nous adresse un beau message de vie conforté par une première victoire juridique : Aucune expulsion ne devrait avoir lieu à Notre-Dame-des-Landes pendant au moins deux ans et demi. Telle semble être la conséquence de 5 arrêts de la Cour de cassation, rendus le 29 janvier, qui mettent le dossier en attente jusqu’à la fin des autres recours.

De son coté Nicolas Hulot, le tout nouveau «envoyé spécial du chef de l’Etat pour la préservation de la planète», affirme, dans l’Express du 31 janvier que François Hollande serait «embarrassé». «Concernant la pertinence du projet, je ne suis pas certain que le président en soit convaincu, mais il ne peut pas désavouer son Premier ministre». Voilà qui n'arrange pas les affaires du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, fervent défenseur du projet mais qui nous met du baume au coeur.

Maintenant la lutte se poursuit !!!!!

Rien n'est gagné !!!!