"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

dimanche 31 janvier 2016

Valls ou quand la violence est payante

Dans la rubrique : " La France que nous aimons" : Du septennat de Giscard , l’histoire gardera le courage de Simone Veil défendant la loi sur l’interruption volontaire de grossesse en 1974 … Du règne de Mitterrand, l’histoire aura gravé dans le marbre, l’abolition de la peine de mort en 1981, défendue par l’humaniste Robert Badinter… Du passage de Jacques Chirac, à l’Elysée, l’histoire ne retiendra que le sublime et fort discours de Dominique de Villepin, prononcé à l'ONU en 2003, indiquant que la France n'interviendra pas en Irak…. Et, du quinquennat de François Hollande, l’histoire conservera la fraternité de Christiane Taubira, défendant la loi sur le mariage pour tous en 2013… Une toujours belle et digne Christiane Taubira, qui fait ses discours sans note, dans un français sublime et qui récite parfaitement Paul Éluard ou Aimé Césaire pendant que Valls, en bon macho, tellement anxieux de prouver sa virilité, ne peut s’empêcher de prouver, à qui veut l'entendre, que lui aussi en a dans le pantalon et qu'il ne reculera devant rien ni personne. Enfin, ne reculera pas devant les pacifistes, parce que pour ce qui est des violents ce sera une autre histoire ... eux seront reçus aux ministères.

Le 20 janvier des éleveurs bretons ont entamé des blocus avec tracteurs, pneus en feu et dégradations de matériel routier afin de protester contre les conséquences d'un système libéral qu'ils appellent, par ailleurs, de leurs vœux... Le gouvernement allait-il les évacuer avec autant de célérité et de sévérité qu'il l'a fait pour les défenseurs de la vie à Nantes, début janvier ? La police allait-elle confisquer des tracteurs comme elle l'a fait à Nantes ? Allait-il y avoir des comparutions immédiates, des mises en examen ? Le lendemain la RN12 ne rouvrira pas avant 16 h ou 17 h, annoncera le préfet, suite aux dégradations des agriculteurs de la FNSEA. Glissières arrachées, enrobés détruits par le feu, panneaux arrachés, détritus déposés sur les axes routiers, les barrages routiers installés la semaine dernière, en Bretagne, par les éleveurs en colère, ont occasionné près de quatre millions d'euros de dégâts à la charge de la société et du contribuable. Et pas une seule interpellation, ni mise en examen, ni plainte, ni confiscation de matériel. De même, le montant des dégradations des manifestations des pétro-agriculteurs de l'été dernier, dans le Finistère, s'est élevé à un total de un million et demi d'euros. Un million d'euros à la charge de l’État et 500.000 euros à la charge du conseil départemental uniquement pour l'aspect matériel. Alors que la FNSEA déverse des tonnes de lisier devant des magasins rendus inaccessibles, bloque des routes et des villages entiers, brûle et détruit en toute impunité, et que les taxis parisiens paralysent tout sans qu'on ne leur dise rien, qu'ils obtiennent gain de cause et sont tous reçus aux ministères, onze personnes ayant participé à l'opération escargot sur le périphérique nantais, en soutien aux expulsés de Notre Dame des Landes (projet illégal puis qu'il ne respecte pas la loi sur les compensations), ont purement et simplement été placés en garde à vue avec voitures et tracteurs confisqués ... cherchez l'erreur !

Et là, braves français, vous ne dites rien ? Non rien. Votre silence est assourdissant. Non vous ne dites rien car il n'y a rien, finalement à vos yeux, que du très normal dans cette France où seules l'économie et la sécurité, à tout prix, sont légitimes et où le reste de la vie est négligeable. Me revient alors le constat d'échec exprimé par F Benslama, dans l'émission "C dans l'air" de France 5, le 15 janvier : "aujourd'hui où sont les espérances, les utopies, les idéaux dans notre monde moderne ? Il n'y en a plus. Ce que propose DAECH c'est une utopie". Constat d'échec de notre société individualiste, de compétition et consumériste, où l'individu n'est plus un individu mais un consommateur et où toutes les opinions, même les plus nauséabondes, sont considérées comme valables et équivalentes. Ainsi, si les écologistes avaient fait un quart de ce qu'ont fait les agriculteurs de la FNSEA, ils auraient été bon pour la peine capitale. Imaginez les adjectifs auxquels auraient eu droit les participants à la manifestation de Nantes contre le projet inutile de Notre-Dame-des-Landes, s'ils avaient laissé les routes dans cet état !

Force est donc de constater que c'est la violence qui permet d'être entendu. Force est de constater que l'on est moins inquiété lorsque l'on manifeste, avec dégâts, pour un lobby productiviste et capitaliste que pacifiquement pour défendre notre patrimoine naturel..."Brûlez et cassez, vous serez reçu aux ministères" semble nous dire le gouvernement. Côté médias, point de micro-trottoirs qui donnent la parole au venin de la populasse pour qu'elle y vomisse sa haine de ces agriculteurs qui les empêchent de partir au travail ou en vacances comme elle sait si bien le faire quand il s'agit des écologistes et des fonctionnaires. La haine et le mépris sera donc pour les doux et les amoureux de la vie. La non-violence, le calme et le pacifisme ne paieraient-ils donc pas dans notre pays ? Serions-nous condamnés à la lutte violente ? La FNSEA, elle, a répondu à cette interrogation, elle sait qu'elle peut détruire ce qu'elle veut puisque l'impunité est de rigueur à son égard ! Et nous, contribuables, en plus de financer les subventions à l'agriculture intensive et polluante, nous payons pour réparer les dégâts... Par exemple, qui paye la reconstruction du centre des impôts de Morlaix incendié le 19 septembre 2014 ? 16 mois après, aucune arrestation, aucune condamnation ! La justice est bien plus rapide pour frapper les syndicalistes d'Air-France, de Good-Year ou les manifestants écologistes. Et pourtant, ils n'ont pas détruit des biens publics, eux ! Deux ans de prison dont neuf mois ferme aménageables pour avoir retenu sans violences physiques, durant trente heures, deux cadres qui ont retiré leurs plaintes, tout comme l’employeur. "La condamnation des huit anciens salariés de Goodyear dont cinq sont syndicalistes CGT est inédite et est "un avertissement" envoyé au monde du travail, ouvrier, syndical", nous dit la politiste Vanessa Codaccioni, spécialiste de la répression étatique.

Alors il est vrai, comme me le dit mon frère, que la FNSEA ne veut pas changer le système. Elle veut juste de l'argent. Elle ne représente aucun risque pour le système. Donc pas de répression de la classe dominante. Les écologistes, au contraire, veulent changer le système, donc répression. Cela est d'autant plus facile que les écologistes sont, pour leur très grande majorité, pacifistes. Mais c'est bien cette mise en cause radicale du système par les écologistes qui fait qu'ils sont traités comme des terroristes. Peu importe, pour les dominants, qu'il s'agisse d'une révolution pacifique qui a notamment pour modèle Gandhi, ils représentent un vrai risque pour le système.

Ceci est tellement vrai que Xavier Beulin, le tout puissant patron du premier syndicat agricole français, le céréale-killer de la FNSEA comme le nomme "Libération", souvent présenté comme le "véritable ministre de l'Agriculture" tant il obtient tout ce qu’il veut de François Hollande comme de son prédécesseur (Libération du 3 Sept. 2015), se permet en toute impunité de menacer les écologistes "Désormais, face à toute nouvelle tentative de ZAD, on n’attendra pas les forces de l’ordre, on ira nous-mêmes les déloger" (la France agricole - 29 Janv. 2016). Il est vrai que l'agriculture industrielle est représentée par ce genre de personnes, un Xavier Beulin qui ne se départit de son charisme onctueux et ne montre de signes d’agacement que lorsqu’on lui parle des dégâts environnementaux et sociaux causés par l’agriculture industrielle, son modèle absolu. Il est mort le sol, il ne produit plus que sous perfusion, s'alarment des agronomes ? Une fuite en avant, dopée à la pétrochimie, dont les agriculteurs sont les premières victimes ? "Des clichés !" rétorque-t-il. La FNSEA n'est donc plus un syndicat agricole mais une milice ouvertement violente et anti-écolos. Et de son coté, pendant que la FNSEA exprime cette menace non voilée, qui porte atteinte à l'ordre public, Bruno Retailleau, lui, parle de zadistes ultra-violents qu'ils faut, coûte que coûte, évacuer ?!?! Et que dit le gouvernement après cette annonce parfaitement scandaleuse de la FNSEA ? Rien !



Après Sivens et un assassinat, après les rejets toxiques en Méditerranée dans le Parc des Calanques, après la fin de l'écotaxe, après les autorisations de tirs aux loups, après l'obstination autour du projet obsolète de NDDL alors que dans le même temps on supprimera 250 hôpitaux de proximité devenus un luxe intolérable, après avoir empêché toute manifestation pendant la COP21, y-a-t-il encore un seul partisan de l'écologie capable, en 2017, de voter pour Hollande et le PS ?

mercredi 20 janvier 2016

État d'Urgence institutionnalisé : ce « Patriot Act » à la française ne doit pas passer.

Après L'Europe qui s'inquiète des risques induits, pour les libertés et l'état de droits en France, par l'état d'urgence, voici que l'ONU fait part de ses craintes. "L'état d'urgence en vigueur en France et la loi sur la surveillance des communications électroniques imposent des restrictions excessives et disproportionnées sur les libertés fondamentales", a averti mardi dernier un groupe d'experts en droit de l'homme des Nations Unies. Un comble pour le pays des droits de l'Homme.


Après les attentas jihadistes du 13 novembre et ébranlé par une telle violence lâche et insupportable, le gouvernement a décidé d'instaurer un état d'urgence pour 3 mois afin, dit-il, de traquer et neutraliser les groupes terroristes potentiellement encore opérationnels. Un état d'urgence de sinistre mémoire, puisqu'il fut créé en 1955 afin de combattre les résistants algériens. A la suite de quoi le Président de la République, François Hollande, a proposé que cet état d'urgence soit, à l'avenir, inscrit dans la Constitution. Beaucoup de démocrates se sont alarmés des dérives et des risques pour la démocratie que cela pourrait engendrer. Mais la France, sous l’émotion légitime, n’entendait pas et les français semblaient plébisciter cette idée profondément discutable. Alors, pour s'assurer de bien faire passer la pilule, les médias inféodés aux pouvoirs se focalisaient sur la déchéance de nationalité, point mineur, mais hautement symbolique de notre identité Française attachée au droit du sol, d'une réforme plus large et profondément dangereuse par le risque de sape du système de contrôle démocratique  : Possibilité donnée aux policiers de procéder à des perquisitions, sans contrainte horaire, sur décision du pouvoir exécutif et non plus d'un juge, assignation à résidence, interdiction de réunion et de manifestation, généralisation, selon le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, "des pratiques de profilage ethnique de la part des agents de police, des forces de répression", élargissement des pouvoir de l'exécutif sur la collecte, l'analyse et la conservation des contenus de communications ou des métadonnées, sans requérir d'autorisation ou de contrôle judiciaire préalable ... contrôle judiciaire qui ne sera effectué qu'à posteriori mettant un coup de canif à l'état de droit.

Une fois de plus ce gouvernement socialiste, que nous avions mis en place afin de nous débarrasser de Sarkozy, nous terrassait devant de tels renoncements aux valeurs de Gauche. Fin décembre certains camarades socialistes découvraient, eux aussi mais un peu tard, la capacité de déception que peut avoir ce gouvernement et dénonçaient, avec tous les progressistes, la volonté du gouvernement d'inscrire la déchéance de nationalité dans la constitution, tout en oubliant le reste du projet.

Aujourd'hui encore les voix s'élèvent contre mais, comme d’habitude, la caravane passe et le projet de constitutionnaliser l'état d'urgence a été présenté dernièrement en Conseil des Ministres afin de le passer devant l'assemblée en Février 2016. Il ne faut pas que ce projet soit voté car, définitivement, on ne défend pas les libertés en bridant les libertés alors que c'est pourtant bien ce qui est risqué dans cette aventure improvisée. Pour rappel il est prévu que le chef de l'état puisse déclarer seul (un seul autre pays a cette possibilité, c'est L'Égypte) l'état d'urgence, sans passer par le parlement, avec tout ce que cela comporte de risques démocratiques afin de permettre, disent-ils, de traquer (sans les définir) les terroristes. Imaginez ce que pourraient en faire, des fascistes arrivés légalement au pouvoir. Mais en attendant nous, les écologistes, cela commence à faire un bout de temps que nous sommes soucieux face aux dérives droitières et sécuritaire de ce gouvernement. Et je ne peux ne pas être inquiet face à cette notion de terroristes, non définie, vague, floue et fourre-tout devant le ciblage policier des écologistes qui a eu lieu pendant la COP21, comme le souligne le groupe d'experts en droit de l'homme des Nations Unies, dans leur communication du 19 janvier 2016, aux autorités françaises alors que l'état d'urgence était sensé permettre de traquer les terroristes islamistes. "Ces mesures ne semblent pas s'ajuster aux principes fondamentaux de nécessité et de proportionnalité," ont-ils souligné, illustrant les risques que courent les libertés fondamentales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Un état d'urgence qui aura permis de débusquer d'avantage de maraîchers bio que d'islamistes radicaux. N'oublions pas que pour les États Unis, donc pour la France, l'écologie représente la seconde menace après l'islamisme. Ainsi et dès lors tout sera ouvert, toutes les répressions justifiées puisque cela sera pour notre sécurité.

Cette déchéance de la nationalité, saluée, sur twitter, par Florian Phillipot (FN) comme étant une preuve d'une nouvelle victoire idéologique du Front National, n'est donc finalement qu'une péripétie de plus, dans un projet plus large, dans les renoncements de Hollande et même si "des mesures d'exception peuvent être exigées par certaines circonstances exceptionnelles, ceci ne dispense pas les autorités de démontrer également que celles-ci sont appliquées exclusivement aux fins pour lesquelles elles ont été prescrites et sont en rapport direct avec l'objectif spécifique qui les inspire", ont insisté les experts de l'ONU, en appelant les autorités à ne pas prolonger l'état d'urgence au-delà du 26 février 2016.

Ainsi, si non seulement l'état d'urgence se doit de ne pas être prolongé, 
il se doit surtout de ne pas être institutionnalisé !


Photo : Peter Dejong

dimanche 10 janvier 2016

Anthropocène : un diagnostic terrifiant.

Alain Grandjean nous offre là, une synthèse implacable et une analyse de la "culture no limit" qui est pour moi : « tout ce que vous saviez déjà sur la situation actuelle sans savoir comment le présenter avec assez de force ». J'y retrouve, en mieux dis, ce que j'ai la prétention de développer depuis dix ans sur ce blog. Me voici content de ne pas me sentir complètement seul.


L’Anthropocène est une nouvelle ère géologique caractérisée par l’impact de plus en plus déterminant des activités humaines sur les grands équilibres de la biosphère et une pression considérable sur les ressources naturelles. Nous avons enclenché des dynamiques exponentielles sur tous les fronts : émission de Gaz à Effet de Serre, usage des énergies fossiles, consommation d’eau, dégradation des sols, déforestation, destruction des ressources halieutiques, érosion de la biodiversité, dispersion de produits toxiques et/ou écotoxiques…

Consommation énergétique et démographie

Commençons par la démographie. En 1800, l’humanité fête son premier milliard d’individus, après s’être multipliée par 5 en 1800 ans. S’il lui a fallu des millions d‘années pour devenir milliardaire démographique, son deuxième milliard lui a pris 130 ans, son troisième 30 ans, son quatrième 15 ans, ses cinquième et sixième 12 ans chacun. Les projections à horizon 2050[1] conduisent à des effectifs compris entre 9 et 10 milliards.

En parallèle, la capacité de l’humanité à transformer son environnement s’est démultipliée, grâce à la puissance thermodynamique de ses machines. En 1800, l’humanité consommait environ 250 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP)[2], soit un quart de TEP par personne. Cette consommation a été multipliée sur les 200 ans suivant par plus de 40, pendant que la population était multipliée par 6 : la consommation individuelle a cru d’un facteur de l’ordre de 7[3]. Nous consommons aujourd’hui plus de 13 milliards de TEP…

Cette double croissance (démographique et de la puissance disponible) permet à l’humanité de s’approprier près d’un quart de la production primaire de biomasse[4], et 40 % de la production primaire terrestre évaluée à environ 120 milliards de tonne par an.

Consommation de ressources et émissions polluantes

80 % de notre énergie est d’origine fossile, dont la combustion émet du C02, un gaz à effet de serre. Les « climatologues »[5] comprennent de mieux en mieux les mécanismes et les conséquences de la dérive climatique, même si les incertitudes restent encore larges. La dérive climatique actuelle est liée aux émissions de gaz à effet de serre (GES), soit, en 2010, environ 50 milliards de tonnes d’équivalents CO2[6] par an dont 60 % environ sont du dioxyde de carbone dû à la combustion d’énergie fossile (charbon, pétrole et gaz). Depuis le milieu du XIX° siècle, l’humanité a émis 2000 milliards de tonnes de dioxyde de carbone.

La concentration de ce gaz est passée de 280 ppm[7] (un niveau stable en moyenne depuis 400 000 ans) à 400 ppm en 2013. En effet la biosphère (principalement les océans et les végétaux) n’absorbe que 12 milliards de tonnes de CO2 par an. C’est le niveau d’émissions auquel il faudrait arriver pour que la hausse de la température s’arrête.

De nombreux minerais sont également exploités dans des proportions non durables. Prenons un exemple, celui de l’acier, en suivant la démonstration de François Grosse[8]. Nous produisons annuellement de l’ordre de 1 milliard de tonnes d’acier par an, soit trente fois plus qu’au début du XXe siècle. La croissance aura été, sur cette période, d’environ 3,5 % par an. A ce rythme, la production cumulée d’acier en un siècle est égale à 878 fois la production de la première année. Si on prolongeait cette tendance, la production annuelle serait multipliée par 100 tous les 135 ans. On produirait ainsi, dans 270 ans, 10 000 fois plus d’acier qu’aujourd’hui !…Inutile d’être très précis dans l’estimation des réserves de minerai de fer pour comprendre qu’un tel rythme est impossible à maintenir, même pour un minerai aussi abondant !

Chaque année on libère 160 millions de tonnes de dioxyde de soufre, soit plus du double des émissions naturelles [9]

Nous sommes capables de déplacer chaque année autant de matériaux que les mécanismes naturels (érosion annuelle, volcanisme, tremblements de terre) soit de l’ordre de 40 milliards de tonnes par an.

Ère du mucus, sixième extinction majeure, érosion, eau douce…

Selon le Millenium Ecosystem Assessment,[10] le taux d’extinction des espèces est 50 à 500 fois plus élevé que le taux « naturel » (les estimations plus récentes portent ce chiffre à probablement 1000). Nous sommes à l’origine ce que le biologiste Edward Wilson a proposé d’appeler la sixième extinction[11] (la vie ayant connu depuis son apparition sur Terre cinq extinctions majeures). En nous limitant aux poissons, nous en pêchons chaque année 90 millions de tonnes et avons atteint depuis 20 ans un pic que nous ne pouvons pas dépasser malgré la puissance croissante de nos navires de pêche. Le professeur Daniel Pauly[12], expert international des ressources halieutiques, estime que nous risquons de rentrer, pour les océans, dans l’ère du Mucus, où règnent méduses et bactéries, du fait de la destruction de leurs prédateurs.

Les océans sont transformés en une gigantesque décharge. Une zone géante de déchets large de centaines de milliers de km2 a été découverte dans le Pacifique par l’océanographe Charles J. Moore. Une poubelle de la taille du Texas a également été repérée dans l’océan Atlantique.
Les forêts ont perdu depuis l’aube de l’agriculture une superficie difficile à évaluer, mais de l’ordre de 15 à 45 % de leur surface. 450 millions d’hectares ont disparu des régions tropicales entre 1960 et 1990. Le bilan des ressources en eau est aussi difficile à faire, et n’a de sens que régionalement. Nous utilisons annuellement la moitié des ressources d’eau douce disponible, en dégradant généralement sa qualité quand nous la restituons aux écosystèmes. Mac Neill cite l’estimation suivante qui est quand même significative : la consommation d’eau à la fin du XXè siècle représente 18% de la quantité d’eau douce s’écoulant sur la planète et l’utilisation directe ou indirecte en représente 54%. En 1700, l’humanité prélevait annuellement 110 km3 d’eau par habitant, elle en prélève 5190 km3 en 2000, soit 7 fois plus. A ce rythme même l’eau, une ressource très abondante sur la planète pourrait manquer.

La situation n’est pas meilleure du côté des sols. Près d’un quart des terres utilisées par l’humanité est dégradée[13] ? « Nous perdons chaque année 0,5% de notre capital-sol en soustrayant plusieurs milliers d’hectares par accroissement de nos cités et de nos routes, par nos pollutions par salinisation, par érosion ». La ruine progressive des sols va nous conduire à de nouvelles famines.

Dernier élément de ce rapide tour d’horizon : nous avons produit et disséminé plus de 100 000 molécules nouvelles, dont certaines sont très dangereuses pour la santé humaine et/ou les écosystèmes (que ce soit, entre mille exemples des néonicoténoides qui tuent les abeilles ou les perturbateurs endocriniens puissamment cancérigènes). Notre planète est devenue littéralement toxique[14].

Causes de l’anthropocène :

Comment comprendre cet acharnement de l’humanité à détruire les conditions de sa propre vie ?
Trois grandes causes me semblent à l’origine de ce comportement : la culture no-limit, la révolution scientifique et le dogme néolibéral.

La « culture no limit » : consumérisme, techno-optimisme et cynisme

Notre civilisation se caractérise par plusieurs croyances létales. Nous sommes individualistes, faisons de la liberté un absolu et refusons les limites.

Au plan économique, c’est Bernard Mandeville, avec sa fable des abeilles qui a fait le premier pas vers ce un monde absurde où les vices privés sont supposés engendrer des vertus collectives. L’apologie de la consommation et de la croissance qui, de fil en aiguille, en a résulté est la source de la consomption de la planète, qui caractérise l’anthropocène.

La fable des abeilles (1715) marque une véritable rupture anthropologique. Toutes les civilisations, toutes les cultures humaines tentent de discipliner ce que les grecs appelaient l’hubris, la démesure. Les morales et autres règles religieuses ou sociales, présentes dans toutes les cultures, visent toutes à éviter que l’homme se mette à « déborder », à mettre son intelligence au service de ses passions. Dans les civilisations de type chamanique ou animiste ce qui est recherché c’est un équilibre entre l’homme et la nature.

Mandeville renverse cet ordre des choses et transforme en valeur ce qui était considéré comme une faute majeure.

Le refus des limites imprègne maintenant notre culture, dans tous les domaines et se décline en croyances :
  • La science et la technologie résolvent tous les problèmes
  • Tout ce qui est concevable scientifiquement doit être recherché et expérimenté
  • Les produits doivent être toujours nouveaux, sont donc vite obsolètes (gaspillage sans limite) et de plus en plus jetables
  • L’innovation incessante est le moteur du progrès et de la satisfaction
  • Il est interdit d’interdire
  • Tout est possible
  • L’art lui-même se doit être transgressif

Ce refus des limites est nourri des progrès des sciences et techniques et à l’origine d’un profond paradoxe. Face aux destructions massives de l’environnement permises par les sciences et techniques, celles-ci sont présentées par les « techno-optimistes » comme la source de la solution aux problèmes qu’elles ont créées. C’est la science qui va nous sauver en trouvant de nouvelles sources d’énergie (la fusion nucléaire, par exemple ou l’hydrogène. Ce paradoxe repose en fait sur une valeur (le refus des limites) et une croyance (la capacité à trouver une réponse à tous les problèmes créés) mais en rien sur des données factuelles.

Les industriels, les hommes de marketing savent exploiter ce refus des limites dans tous les domaines de la consommation :
  • la cosmétique, qui permet de ne pas se voir vieillir ou d’atténuer les marques de l’âge
  • la nourriture, où il devient possible de satisfaire à tous les goûts, de donner toujours plus envie, pour dégénérer parfois en obésité
  • les produits d’addiction comme le tabac et toutes les formes de drogue de l’alcool aux autres.
  • les biens de consommation courante où le risque de lassitude, de perte de désir est combattu sans cesse et des millions de produits nouveaux inventés chaque jour

Le cynisme de certains, mûs par leurs intérêts qu’ils expriment en pouvoir ou en argent, est évidemment caché derrière tous ces comportements et toutes ces recherches.

La boucle est ainsi bouclée : science, technologie, marketing, idéalisme et cynisme se marient pour détruire toujours plus nos ressources et nos conditions de vie, en donnant une apparence de rationalité à ce délire collectif

Transhumanisme : un nouvel horizon ?

Le courant transhumaniste, apogée de la culture no limit, applique ce qui se précède à l’humanité elle-même, qu’il pense améliorer grâce à la convergence des techniques NBIC. Selon les transhumanistes, le « mortalisme » serait une idée reçue. Leur objectif des transhumanistes c’est l’immortalité c’est-à-dire le refus de la « limite des limites »…

Voir www.transhumanistes.com

La révolution scientifique

Nous croyons que la science et la technique vont repousser les limites, et plus généralement vont nous « sauver ». Beau paradoxe quand on constate que ce sont bien les sciences et techniques qui nous permettent d’exercer cette insupportable pression anthropique sur la planète ! Mais il est vrai que l’efficacité de la méthode expérimentale (physique, biologie, médecine,…) a quelque chose de stupéfiant, voire de magique ! Elle a conduit à des applications dans tous les domaines (de la machine à café au GPS …) ce qui nous a permis de mettre au point des millions de machines, automates et robots, des milliers de molécules répondant à des besoins apparemment infinis (de lutte contre la souffrance, à la cosmétique en passant par les écrans plats….

Les chercheurs déploient une créativité sans limite (un million d’articles scientifiques produits dans le monde chaque année, en croissance…) et parfois revendiquée (la bio-éthique se heurte souvent à la demande de recherche a priori tous azimuts). La science nous a doté aussi d’une capacité à prévoir qui pourrait permettre d’anticiper les conséquences de nos activités et probablement d’une capacité à transformer la Nature.

Le dogme néolibéral et le capitalisme financier

Le libéralisme économique se fonde sur l’idée que la prospérité nait spontanément du libre jeu des intérêts et des forces individuelles. Le rôle de l’Etat au plan économique devrait se limiter à permettre cette liberté (par le droit de la concurrence et l’ensemble des dispositifs permettant de le faire appliquer). Le libéralisme économique est issu de la CNL et c’en est un des piliers. Il a fini par se transformer en religion : les marchés deviennent des dieux capables de satisfaire tous nos désirs et ne peuvent donc être encadrés ni même régulés

La réalité des faits et la théorie économique montrent qu’il s’agit d’un dogme et que de nombreuses situations nécessitent l’intervention de la puissance publique, ce qui n’exclue en rien un rôle déterminant des entreprises, de leur capacité d’innovation et de réponse fine aux besoins de leurs clients. L’économie s’est parée des habits de la science, notamment en ayant recours aux mathématiques et aux chiffres. Mais bien évidemment le dogmatisme n’est pas écarté par ce simple appareil !

Les années 1970 ont vu se déployer dans le monde entier un capitalisme financier, fils de ce dogme, qui oriente l’activité économique vers l’ultra court-terme (par ses exigences excessives de rendement du capital). Il ne cesse de stimuler les désirs de toujours plus et infantilise les individus ; il contrôle les medias, colonise les esprits et l’imaginaire. Il accroit massivement les inégalités.

La capitalisme financier asservit une partie de l’activité scientifique[15]. Il lutte contre toute régulation et a de plus en plus de pouvoir pour le faire. Il s’oppose à toute reterritorialisation de l’économie et à toute notion de frontière et de limite et il impose un libre-échangisme socialement et écologiquement inacceptable : les filets sociaux et les actions de préservation ou de réparation de l’environnement ne sont pas rentables et sont vues comme des sources de perte de compétitivité.

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[1] Voir par exemple Gilles Pison, Population et sociétés, N°480, juillet-août 2011.

[2] Une tonne équivalent pétrole est l’énergie contenue dans une tonne de pétrole. Les estimations de consommation énergétique au XIX° siècle sont sujettes à caution. Ce qui compte ici ce sont les ordres de grandeur.

[3] Cette moyenne cache bien sûr d’énormes disparités. Un Américain moyen consomme environ 8 TEP par an, un européen se situe plutôt à 4 et un habitant d’Afrique Sub-saharienne n’a pas accès à 1 TEP par an.

[4] Robert Barbault, Jacques Weber, La vie quelle entreprise ! Pour une révolution écologique de l’économie, Seuil, 2010.

[5] Plus précisément la communauté des scientifiques dont la discipline (qui peut être de la biochimie, de la modélisation informatique, de la dynamique des fluides ou de la paléoclimatologie entre autres) est mobilisée dans la compréhension des phénomènes climatiques. Les informations de synthèse sur la dérive climatique sont fournies par le GIEC (voir www.ipcc.ch). Voir http://alaingrandjean.fr/2015/01/05/le-changement-climatique-points-de-repere/

[6] Les émissions de Gaz à effet de Serre sont mesurées en tonnes équivalent CO2 , chaque gaz ayant un pouvoir de réchauffement global multiple de celui du CO2. Une tonne de méthane (CH4) par exemple « équivaut » à environ 25 tonnes de CO2. On les exprime aussi en tonnes de carbone. Du fait du rapport des masses (44/12), 1 tonne de CO2 vaut environ 3,6 tonnes de carbone.

[7] Ppm = partie par million.

[8] François Grosse, « Le découplage croissance/matières premières. De l’économie circulaire à l’économie de la fonctionnalité : vertus et limites du recyclage », Futuribles, Juillet-Août 2010, numéro 365.

[9] Robert Barbault, Jacques Weber, La vie quelle entreprise ! Pour une révolution écologique de l’économie, Seuil, 2010, page 79.

[10] L’évaluation des écosystèmes pour le millénaire (MEA) est une étude de 5 ans, lancée à la l’initiative du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan visant à évaluer l’ état des écosystèmes mondiaux. Les travaux ont été publiés en 2005. Voir http://www.maweb.org/fr/Synthesis.aspx.

[11] Voir Richard Leakey et Roger Lewin, op.cité. Et plus récemment voir : Raphaël BILLE Philippe CURY, Michel LOREAU, Biodiversité : vers une sixième extinction de masse, Editeur : LA VILLE BRÛLE, 2014

[12] Daniel Pauly, Five easy pieces, the impact of fisheries on Marine Ecosystems, Island press, 2010.

[13] Daniel Nahon, L’épuisement de la terre, l’enjeu du XXIè siècle, Odile Jacob, 2008.

[14] André Cicolella, Planète toxique, Le seuil, 2013

[15] Voir Naomi Oreskes et Erik M. Conway, Les marchands de doute, ou comment une poignée de scientifiques ont masqué la vérité sur des enjeux de société tels que le tabagisme et le réchauffement climatique, Le Pommier, 2012. et Stéphane Foucart, La fabrique du mensonge, Denoël, 2013.

Posté par Alain Grandjean sur son blog "Chroniques de l'anthropocène"

vendredi 1 janvier 2016

2016 pour un plan Marshall de la durabilité mondiale

Quand on demande à Pierre Rabhi comment faire bouger les lignes et comment faire comprendre à l'humanité que l'écologie est le fondement même de la vie ? Celui-ci répond que « Le premier maillon de l’action est déjà de prendre conscience de notre inconscience. Nous sommes installés dans ce qui est proposé comme une vérité mais qui détruit la vie. Nous avons besoin de la nature mais la nature n’a pas besoin de nous. Une fois que nous aurons compris cela, nous pourrons sortir de notre inconscience. »


Ainsi et c'est un fait, notre humanité, grisée d'inconscience, est en péril de part une mondialisation inhumaine et destructive, basée sur la consommation d'énergies fossiles et de matières premières toujours plus rares. Au vingt-et-unième siècle nous héritons - ce n'est pas une découverte - d'un monde organisé non pas pour durer mais pour produire du bénéfice. La Terre n'est plus vue comme le berceau de nos vies mais comme une mine à ciel ouvert où nous puisons sans conscience. Toutes nos vies, toutes nos villes, toutes nos sociétés sont basées sur la jouissance de l'avoir immédiat, jetable et non sur la prise en compte de réalités physiques et géologiques que nous impose notre planète. « De l'ère de l'abondance nous entrons dans l'ère de la rareté » nous dit Nicolas Hulot, pourtant nous regardons ailleurs. Les alertes sont pourtant là, mais nous regardons ailleurs. Ainsi à une échelle très locale, lorsque j'étais élus, je me suis battu pour que le renouvellement urbain prenne en compte les conséquences, pour les Ulissiens, le pic pétrolier survenu en 2006, car je voyais bien que nos logements n'étaient pas viables, en hiver, dans un monde d'après-pétrole. La courte expérience de ce mois de décembre 2015, aux Ulis, où des travaux ont obligé le fournisseur de chaleur à couper l'approvisionnement d'eau chaude, pendant 24 h, nous l'a parfaitement démontré. Il n'aurait pas fallu que cette coupure soit plus longue sinon la situation serait vite devenue invivable entre le froid des appartements et l'eau glacée des douches. Ainsi je m'étais battu afin que nous construisons en habitat passif mais personne ne m'a suivi à l'époque ... « Trop cher, coups partis, faut être réaliste Bruno, faut être pragmatique et arrêter de rêver, les ulissiens ne peuvent pas se l'offrir » (NDA : par contre raquer toute leur vie pour pourrir le climat et alimenter les multinationales, ça ils peuvent se l'offrir !), m'a-t-on rétorqué à chaque fois que je revenais à la charge. Malheureusement quand la fainéantise intellectuelle d'une majorité est plus forte que la raison d'un seul, il n'y a rien à faire. Dans la même veine, je me souviens de cette coupure, volontaire, d’électricité, d'une journée, au labo et qui a complètement paralysé toutes activités, plus de hottes, plus d'étuves, plus d'appareil de mesure, plus d'ordinateur … l'activité professionnelle et donc la production (de science) était complètement à l'arrêt. Ces courtes et innocentes expériences devraient nous alerter, nous interroger sur notre dépendance. Cela devrait nous interpeller sur notre vulnérabilité face à ce pétrole et cette électricité qui coulent dans nos veines. Comment se nourrir avec du pétrole hors de prix ? Que donnerait un black-out dans les grandes régions industrialisées, à l'autonomie alimentaire de quelques jours ? Je pense que tout cela tournerait rapidement à l'émeute. Nos villes françaises sont des malades perfusés au pétrole Arabe, au gaz Russe et à l'uranium Nigérien, supprimez-leur leur perfusions et les malades décéderont. Cela s’appelle l'effondrement. Cela devrait nous interroger sur notre vulnérabilité, mais force est de constater que cela n'interpelle pas grand monde.

Nous n'avons plus le temps de tergiverser.

Pourtant nous nous devons de relever le défi de la durabilité. Ce n'est plus un choix mais la seule urgence qui vaille. Nous n'avons plus le temps de nous contenter de mesurettes qui s'apparentent plus à du greenwashing qu'à une véritable prise de conscience des dangers qui sont devant nous. Il est temps de regarder, dans les yeux, les dragons des crises climatiques, environnementales, énergétiques, métalliques et finalement sociales et pacifiques, afin de les combattre efficacement et espérer en venir à bout.

Partout dans le monde des expérimentations, des projets alternatifs et industriels démontrent qu'il est possible de produire et de vivre autrement et mieux, tout en épargnant les Hommes et leur environnement. Partout des pionniers réinventent l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie et l’éducation. Ces expériences ont démontré leur efficacité, nous nous devons de nous en inspirer, de les amplifier afin de dépasser le stade de l'expérimentation. Nous nous devons de les intégrer les unes entre elles, sur un même territoire, afin de repenser notre façon de vivre ... une façon de vivre moins prédatrice mais plus humaine, plus solidaire … plus noble.

« Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. »

C'est pourquoi nous devons lancer un immense plan Marshall de la durabilité mondiale et passer à la vitesse supérieure dans un esprit volontariste. Les indispensables et courageux colibris ne suffiront pas à éteindre l’incendie, il va nous falloir utiliser des armées de pompiers et de canadairs. Nous devons tous nous retrousser les manches, abandonner et dépasser tout ou partie de nos intérêts personnels, égoïstes et égocentriques. Si nous sommes tous de potentiels colibris, nous pouvons aussi être ces pompiers, mais pour cela nous nous devons de tuer nos dieux divins et consuméristes. Nous devons unir nos énergies, nos connaissances, nos influences pour nous sauver de la chute finale. Seul nous ne pouvons rien, mais ensemble et pour tous, nous pouvons beaucoup et pour ce faire, si nous devons penser global il nous faudra agir local. Ainsi il nous faut trouver le périmètre pertinent pour être efficace et visible : Les communautés d'agglomérations me semblent la bonne taille. Nous devons réunir tout ce que nos métropoles rassemblent de décideurs économiques, éducatifs et politiques, d'agriculteurs, d'associations environnementales et issues de l'ESS, d'agences pour l’emploi dans de grandes sessions de travail annuelles, loin des conférences d'auto-congratulation, sorte de « grandes messes qui font croire aux citoyens que l’on agit pour la planète alors qu’en réalité, nous continuons à épuiser partout ses ressources » … Loin des « agenda 21 » qui ont tous démontré leurs limites, car, à l'instar de Pierre Rabhi, je pense « qu’il y a beaucoup trop de théories dans ce monde et pas assez d’actions ».

Cet immense plan Marshall de la durabilité mondiale, se doit de passer par du travail collectif technique, organisationnel, de coordination, de modifications et d'engagements concrets des uns et des autres, autour des alternatives expérimentées ici et ailleurs confrontées au réel. Il nous faudra accepter, comme le dit si justement mon père, de jouer ensemble, collectif, à tous les niveaux, et non en additionnant nos produits finis personnels. Ce travail se devra d'être suivit d'évaluations, de recalages et d'ajustements annuels, suivant des indicateurs concrets, et de la prise d'engagements supplémentaires afin d'entrer dans un cercle vertueux et salvateur. Ces expériences de volontarisme durable devront être parfaitement exemplaires afin de pousser toutes les autres collectivités à emboîter le pas de la durabilité.

Je suis bien conscient des contraintes économiques, des « lois du marché » que nous imposent notre monde de compétition et de productivité qui freine toute volonté de changements. J'ai bien conscience des freins idéologiques, psychologiques et des intérêts personnels qui rendent une démarche de changements systémiques proche de l'impossible, mais nous n'avons plus le choix : c'est cela ou être condamné à court terme (50 ans pour la NASA) à disparaître.

J’exhorte à la révolution pacifique, culturelle et écologique.

J'exhorte donc tous les Hommes de bonnes volontés à déclencher ce travail impérieux autour de l'éducation et de la culture pour toutes et tous (nécessaires et indispensables points de départ de toute révolution), du renoncement accepté et de la sobriété heureuse pour un monde enfin durable et désirable.

J'exhorte donc toutes les forces vives de nos cités à déclencher ce travail impérieux autour des économies d'énergies, de la sortie, à court terme, des énergies fossiles et du développement des énergies renouvelables.

J'exhorte toutes les forces vives de nos cités à déclencher ce travail autour du développement de nouvelles formes de mobilités plus sobres en émissions de Gaz à Effet de Serre ... à réduire la place de la voiture. A questionner tout projet urbain (infrastructures routières, habitats, commerces …) aux regards des impératifs climatiques, sociaux et environnementaux, à avoir une vision innovante et audacieuse, dans tous nouveaux projets de constructions neuves, afin de limiter l'usage du béton, fort émetteur de Gaz à Effet de Serre, et a les réaliser suivant tous les principes du développement durable.

J'exhorte toutes les forces vives à protéger les terres agricoles, à soutenir et promouvoir l'agriculture urbaine (permaculture, agroforesterie, biologique ...) et de proximité, de saison et sources d'emplois durables, vivrière, saine et aux circuits court, sur tout les territoires des agglomérations et métropoles. A promouvoir auprès des populations, de manière constante, adaptée et volontariste les principes du développement durable, de la sobriété heureuse, de la solidarité et à soutenir les initiatives citoyennes pour le climat, la transition énergétique et l'économie décarbonée.

J'exhorte tous nos décideurs à réinventer l'économie pour la remettre à sa juste place, c'est à dire au service de l'humanité. A promouvoir l'économie circulaire et à condamner l'obsolescence programmée qui est un crime contre l'humanité. A orienter les investissements et les marchés publics vers des choix et des filières sobres en carbone, à entamer des dialogues constants avec leurs partenaires financiers sur leurs investissements et leur émissions de gaz à effet de serre, sur les moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique de l'économie et de la société, à l'équité sociale et à ne plus soutenir les multinationales pour préférer, autant que possible, l'économie sociale et solidaire, alternative, biologique, de proximité et écologique.

Ce travail est immense, presque impossible, je sais, mais avons nous une autre alternative si nous ne voulons pas l'effondrement mondial de l'humanité ? J'exhorte donc notre monde à amplifier et accélérer les politiques actuelles en faveur du climat, de la préservation de l'environnement naturel et agricole, de la sobriété énergétique et de l'égalité sociale et culturelle afin de relever le défit de la durabilité. Je nous exhorte tous à cesser cette guerre contre la nature qui, si nous la gagnons, signera notre fin comme nous le dit, si bien, Hubert Reeves. Cette humble prière sera mon vœux pour la nouvelle année qui s'annonce et que je vous souhaite belle, pacifique, écologique, pleine de conscience des urgences, de dépassements de soi et de renoncements acceptés, de volontés d'agir et de rêver, d'amour et d'amitiés.