"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

mercredi 3 juillet 2019

La crevette, une histoire pas si rose que cela


Peu caloriques, riches en protéines, vitamines et sels minéraux, ces charmants invertébrés sont un mets de choix que l'on consomme, sans modération et sans conscience, partout dans le monde et en toute saison. Mais quelles sont les conséquences, pour l'environnement, de notre appétence pour la crevette ?

L'élevage d'abord. Il est connu et maintenant bien documenté que cette pratique est la cause d’une forte déforestation, de dégâts environnementaux (destruction des coraux, des mangroves et de leur faune et pollution des littoraux) et sources d'émissions de gaz à effet de serre (un sachet de 450 grammes de crevettes surgelées = 1 tonne de CO2). Outre l'élevage lui-même, le bilan carbone est également aggravé par l’impact de la nourriture, des emballages, du stockage et de la logistique nécessaire pour les envoyer à l’autre bout du monde.

Les 3/4 de la production de crevettes proviennent d'Asie (Indonésie, Thaïlande, Philippines, etc.), là où les conditions climatiques permettent une croissance rapide (plus la température de l’eau est élevée plus la crevette grandit vite). L'autre quart de la production mondiale de crevettes d'élevages provient d'Amérique latine. Les élevages de crevettes ont explosé dans les années 1970, grâce à la demande des consommateurs aux États-Unis, en Europe de l'ouest et au Japon. Au total, plus de 4 millions de tonnes de crevettes sont vendues chaque année dans le monde. D’immenses surfaces de mangroves ont été défrichées pour installer des élevages de crevettes, ce qui a gravement perturbé de nombreux écosystèmes très fragiles et causé de fortes érosions. De plus, pour nourrir ces élevages, les producteurs n'hésitent pas, contre toute réglementation, à faire ratisser, au chalut, les mangroves (nurseries pour nombre d'espèces animales) pour surpêcher tout ce qui peut être pêché (poissons adultes, juvéniles, et autres animaux vivant là) afin d'en faire de la farine animale qui sera donnée aux crevettes. Ainsi l'élevage des crevettes, à l'instar de l'élevage de poissons, n'évite en rien la surexploitation des mers. Et une fois de plus, la destruction de l'environnement, la destruction des mangroves met en péril les populations locales qui, depuis toujours, savaient prélever leur nourriture sans détruire ces milieux extrêmement fragiles.

Par la suite, au bout de 3 à 5 ans, les étangs d’élevages de crevettes sont abandonnés à cause des maladies qui prolifèrent dans les bassins (les crevettes développent des bactéries multi-résistantes), de l’acidité et de la contamination des sols. En effet au bout de quelques années d'exploitation intensive, il se forme des dépôts importants de boues toxiques, au fond des bassins (mélange d’excréments et de produits chimiques), formant ainsi une zone inexploitable. Pour que les sols se régénèrent, il faut entre 35 et 40 ans de "jachère".

Quel parcours !

Mais la crevette sauvage n'est pas indemne de tous reproches, ainsi les crevettes surgelées que nous trouvons dans nos assiettes ont une histoire assez incroyable et sont un excellent exemple du partage du travail dans l’économie mondialisée où chaque pays se spécialise sur telle ou telle tâche. Les crevettes sont pêchées en Scandinavie, en Norvège ou en Suède, par des bateaux de pêche spécialisés. Puis elles sont expédiées par camion et vont traverser douze frontières jusqu’au Maroc où elles sont lavées, épluchées par des ouvrières payées, en Dirhams, beaucoup moins cher qu’en Scandinavie. Elles repartent ensuite en camion vers ….la Scandinavie. De là, elles sont réexportées vers toute l’Europe. Pour chaque tonne de crevettes ainsi traitée, on dépense 150 litres de gasoil pour parcourir 10 000 kilomètres avant que les crevettes n’atterrissent dans votre assiette.

Enfin et pour couronner le tableau, la pêche intensive des crevettes conduit à la destruction de la faune marine. En effet, pour 1 kg de crevettes pêchées, jusqu'à 10 kg d'animaux marins et de poissons sont pris dans les filets de pêche. La pêche à la crevette, à elle seule, est à l'origine de plus de 30 % des poissons pêchés puis rejetés à la mer.

L’exemple des crevettes est valable pour d’autres produits. Chaque jour sont acheminés par la route 70 kg de marchandises par européen, soit 25 tonnes par an et par personne !

Une fois de plus et dans un nécessaire changement de comportements, afin de prendre en compte les défis écologiques, climatiques, énergétiques et de biodiversité qui conditionnent, suivant les réponses que l'on apportera, notre durabilité, privilégions une alimentation locale (française), artisanale, de qualité et de saison et si l'on ne trouve pas … et bien l'on s'en passe, on y renonce !

Sources : Conso-globe, Futura planète, Radio Télévision Suisse

mardi 2 juillet 2019

Sauver des vies n'est pas un crime !!!

Après la capitaine Pia Klemp qui risque 20 ans de prison pour avoir sauvé des milliers de vies, voici que Carola risque 10 ans de prison pour avoir également sauvé des vies. La prison alors qu'elles devraient être célébrées comme des héroïnes qui honorent l'Europe ?!?! ... Définitivement l'humanisme a quitté l'Europe, c'est sans conteste, une victoire idéologique et philosophique majeure des fascistes et de ceux qui votent pour eux ... Honte à vous tous qui soutenez et votez pour ces gens-là. Shame on you !!! "Je ne sais pas quel monstre cela va enfanter, mais il y a lieu de s'inquiéter", insiste Pierre Henry délégué général de France Terre d'asile.

Un appel international

Au gouvernement italien
Au Parlement européen, à la Commission européenne et aux gouvernements de l'Europe
A tous les citoyens et citoyennes de l'Europe

En faisant arrêter la capitaine Carola Rackete comme « hors la loi » et l’accusant de « rébellion » militaire, en séquestrant son navire comme « bateau pirate », en menaçant l’ONG propriétaire d’une « maxi-sanction » de dizaines de milliers d’euros, le Ministre Matteo Salvini qui semble exercer désormais dans son pays un pouvoir sans limites vient d’ajouter le délire à l’infamie. C’est lui qui place l’Italie en dehors du droit international et des principes fondamentaux dont nos Etats tirent leur légitimité démocratique. De graves conséquences vont s’ensuivre si on n’y fait pas obstacle.

De son côté, en « forçant le blocus » de la douane italienne après 14 jours d’atermoiements de l’UE et l’aveu d’incapacité lamentable de la CEDH, en accostant malgré l’interdiction à Lampedusa pour sauver ses passagers en détresse, la Capitaine du Sea Watch 3 n’a fait que son devoir. Elle en a assumé les risques mais ne doit pas en payer injustement le prix. Il appartient aux citoyens d’Europe et à leurs gouvernements – premiers concernés et impliqués – de faire immédiatement le nécessaire pour que cesse la persécution illégale et déshonorante contre les sauveteurs et l’équipage du Sea Watch 3.

Ne l’oublions pas cependant : une autre capitaine allemande est jugée en Italie pour avoir sauvé plus d’un millier de vies en Méditerranée : accusée d’aide à l’immigration clandestine et de complicité avec les « passeurs », Pia Klemp risque vingt ans de prison et une amende de 15 000 euros pour chaque vie qu’elle aura sauvée – ce qui provoque l’indignation de beaucoup en Europe et dans le monde mais ne semble pas émouvoir nos gouvernements. On veut faire peur aux sauveteurs, mais Carola et Pia ne seront pas les dernières à prendre de tels risques alors que l’hécatombe des noyades se poursuit en Méditerranée avec la complicité des Etats qui devraient l’empêcher.

Nous exigeons donc que le gouvernement italien se ressaisisse, abandonne ses poursuites, libère immédiatement la capitaine Rackete et débloque le Sea Watch 3 pour qu’il puisse poursuivre sa mission. Nous exigeons qu’il accueille les hommes, femmes et enfants rescapés de la guerre et de la noyade, en concertation avec les ONG et les autres pays européens, et instruise correctement leur demande d’asile. Nous exigeons qu’il cesse de criminaliser la solidarité exercée au nom des droits humains par ses propres citoyens. Nous exigeons qu’il cesse d’ameuter l’opinion publique contre les migrants dénués de tout et forcés de quitter l’Afrique.

Nous appelons le nouveau Parlement européen à proposer, la Commission à élaborer, et les Gouvernements à décider enfin, dans l’esprit de la Convention de Genève, la politique commune de l’asile, ainsi que les règles de répartition équitable des personnes qui permettront à l’Europe de remplir ses obligations, de restaurer sa légitimité morale, en faisant preuve de sa capacité politique. Nous les appelons à respecter les conventions SOLAS et SAR qui imposent le débarquement en lieu sûr des personnes secourues en mer, en déclarant que ni la Libye ni la Tunisie ne sont aujourd’hui des lieux sûrs. Nous les appelons à ordonner la reprise des sauvetages en mer et à cesser de financer et d’entraîner les garde-côtes libyens qui traquent et torturent les fugitifs sous prétexte de lutter contre les trafics. Toute autre attitude est en réalité criminelle, elle relève de la lâcheté et de l’idiotie. En voulant épargner des conflits à l’Europe, elle les aiguise et détruit son propre avenir.

Enfin nous appelons tous les citoyens et citoyennes d’Europe à s’élever contre la politique d’hostilité envers les réfugiés et les migrants dont l’Italie aujourd’hui se fait gloire et que d’autres pays pratiquent de façon hypocrite. Nous les appelons à se solidariser avec Carola Rackete et Pia Klemp. A l’heure où Matteo Salvini et d’autres cherchent ainsi à nous entraîner dans l’ignominie, ces femmes courageuses, avec leurs équipages, sont l’honneur du continent européen. Citoyens et citoyennes de l’UE, battons-nous pour les libérer et rejoignons-les dans leur combat qui s’amplifie. Il est certes difficile, mais ses enjeux sont incontestables : contre l’arbitraire, contre l’hystérie xénophobe et le racisme, pour le droit, pour la vie humaine, pour l’hospitalité et aux côtés de tous ceux qui la font vivre. Ne restons pas spectateurs.

Texte proposé par le Comité Européen contre la Criminalisation du Sauvetage en Mer (CECCSM)

lundi 1 juillet 2019

L'écologisme est-il un totalitarisme? Réponse à Pascal Bruckner

Ce matin, vous pointez une tendance à la mode… 

Oui, certains intellectuels, politiques, polémistes de chaines d’info qui trouvent envahissante la préoccupation écologiste, se demandent si elle ne va pas finir par engendrer un nouveau totalitarisme. Le texte le plus abouti est celui publié ce week-end dans le Figaro par Pascal Bruckner. L’essayiste voit dans l’écologie, seule pensée originale de ce siècle, un potentiel totalitaire. Il compare l’écologie d’aujourd’hui aux débuts du socialisme, quand celui-ci s’est scindé en deux courants, l’un démocratique, l’autre totalitaire. Bruckner perçoit dans l’injonction morale du ‘l’écologie ou la mort’, une pression liberticide. Il y a sur ce créneau de la critique de l’écologie (qui ne nie pas- ou plus- l’urgence climatique) de nombreux libéraux, conservateurs ou socialistes.

La possibilité du totalitarisme verts existe-elle vraiment ?

Elle est intrinsèque à toute idée politique. L’écologisme, c’est vrai, pourrait, puisqu’il s’agit plus d’un impératif existentiel que d’un projet collectif précis, comporter une inclinaison totalitaire. Pour autant, ce procès ne parait pas justifié. D’abord l’écologie politique, très largement émanation du monde associatif, ne connait pas de branche violente ni antidémocratique. Les ZAD et la culture de désobéissance civile y tiennent une bonne place pas vraiment musclée mais il n’y a ni grand manitou ni hommes providentiels. C’est quand même étonnant que Pascal Bruckner sente sa liberté menacée par une jeune fille comme Greta Thunberg, dépeinte en marionnette manipulée. L’image de ces militants écologistes assis sur le pont de Sully, recevant du gaz lacrymogène, donne l’impression d’une force déterminée mais certainement pas totalitaire ! Au contraire, les organisations écolos sont généralement des caricatures de démocratie bavarde et inefficace. On les brocarde assez à ce sujet. Quant à l’injonction morale écologiste qui serait insupportable aux oreilles libérales ou socialistes, constatons qu’elle est loin d’être triomphante. Elle n’a tué ni enfermé personne et fait penser à cet automobiliste citadin, qui, dans ses 2 tonnes de ferraille, explique que c’est le vélo qui est dangereux… Généralement Bruckner se dresse contre l’obscurantisme, comme lorsqu’il démonte (efficacement pour le coup) le piège de l’islamophobie… ici il décrit l’écologie en nouvelle religion. Où a-t-il vu ça ? Les adorations dominantes ne seraient-elles pas plutôt toujours consuméristes ? Pourquoi, sur l’écologie, ne se range-il pas du côté de la rationalité ? Les scientifiques, dans leur ensemble, considèrent que l’urgence climatique exige des changements drastiques. Il y a de nombreuses façons d’y répondre et beaucoup de formes d’écologie possibles. Peu de catéchisme, beaucoup de concret. Rien de totalitaire donc. Ce sont justement les obscurantistes d’aujourd’hui qui refusent la transition : je ne parle pas de l’islamisme (son aspect moyen-âgeux ne lui permet même pas d’appréhender cette question). Mais Donald Trump et Mike Pence, son vice-président fondamentaliste chrétien, climato-sceptique tout comme le massacreur de l’Amazonie Jair Boslonaro, lui aussi religieux ultra. Voilà les obscurantistes du moment ! Quelle liberté fondamentale l’écologie, pour l’instant, a-t-elle tué ? C’est étonnant comme cette obsession anti-politiquement correcte, cache-sexe de ceux qui sont en train de perdre des batailles culturelles, peut faire déraisonner !

Thomas Legrand Éditorialiste politique à France Inter