"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

mercredi 22 avril 2020

Le monde d’après ... le challenge ultime.

Pour reprendre, en préambule, ce que disait Agnès Sinaï, du journal Actu-Environnement, à l'époque de l’éruption du volcan Eyafjöll en 2010, "seule l'extrême densité énergétique du pétrole permet à l'avion d'atteindre la performance étonnante de son vol. L'aviation est entièrement tributaire du pétrole." A l’époque du monde d’avant, "le mythe d'Icare, emportant des touristes enchantés vers des destinations de rêve, conjurant les limites de l'espace et du temps, célébrant le droit à l'urgence et le nomadisme de plaisir, entretenait l'illusion d'une abondance sans limites" aux conséquences environnementales et climatiques qui souciaient finalement assez peu de monde. "Rien n'y fait. La paralysie momentanée du transport aérien ne suscite pas le vrai débat : celui d'un système qui engendre autant de liberté que de servitudes et qui, tôt ou tard, butera sur les limites des ressources fossiles."

Pourtant, aujourd’hui et à l’heure du Coronavirus, de ce que je peux lire, voir et entendre, il me semble qu'il y a un consensus scientifique pour dire que ce confinement de l'humanité est une bénédiction pour l'environnement, les milieux et les espèces. J'ai le sentiment que nous avons là l'image réelle ce qu'il nous faudrait faire, de façon pérenne, pour espérer contrer le réchauffement climatique, restaurer les milieux naturels et contrer l'effondrement de la biodiversité. Cela nous donne une bonne image des efforts drastiques et dramatiques (arrêt total de l'hyperconsommation, arrêt total du tourisme de masse, arrêt de la mondialisation capitaliste, retour au juste nécessaire, à la simplicité, acceptation du renoncement, questionnement sur l'utilité et sur l'importance que l'on donne à certaines activités, questionnement sur l'équité, sur la redistribution des richesses, ...) qu'il faudrait que l'humanité fasse, si elle veut se sauver. Cela donne une image du niveau d'arrêt qu'il faut atteindre pour préserver les dernières gouttes de ce précieux pétrole, énergie magique et unique, que des imbéciles gâchent dans des avions destinés à rejoindre d'immondes paquebots polluants comme des millions de voitures. Cela donne une image de la futilité des politiques des petits pas et des petits gestes et que si l'on veut vraiment agir alors il faut arriver à ce niveau d'arrêt des activités humaines. C'est dire notre capacité de nuisances que l'on peut vraiment mesurer, là, aujourd'hui. C'est dire le challenge qui est devant nous (reproduire la même chose, tout en permettant aux humains de vivre libres et épanouis). C'est dire les choix vertigineux qui sont devant nous. C'est dire la hauteur du mur que nous avons devant nous. C'est dire le temps que nous avons perdus, alors que nous alertons depuis 40 ou 50 ans en disant que plus on attendra, plus la marche sera haute. Aujourd'hui la marche est un mur. Ce n’est vraiment pas gagné.

"Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l'Homme, mais pas assez pour assouvir sa cupidité" disait le Mahatma Gandhi

Mais d’ores et déjà, "en raison de la crise due au coronavirus, les firmes françaises poussent le gouvernement et Bruxelles à revoir leur réglementation dans plusieurs domaines, comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre." titre le Monde. Par ailleurs la chute du cours du baril de pétrole est une mauvaise nouvelle pour le climat, une mauvaise nouvelle qui ne va pas donner, à qui que ce soit, l’envie d’investir dans la transition écologique mais, au contraire, va pousser possiblement le gouvernement à soutenir notre secteur pétrolier et plus seulement les grands groupes. Cela alors que soutenir l'industrie aérienne ou pétrolière c'est investir directement dans le réchauffement climatique et la dégradation de l'environnement. Sans oublier également que soutenir la pétro-agriculture, l'élevage intensif, l'industrie agro-alimentaire, l'industrie automobile, les banques privées, la mondialisation capitaliste, le tourisme de masse etc... c'est également investir directement dans le réchauffement climatique et la dégradation de l'environnement, des habitats et de la biodiversité. Investir dans le monde d'avant, comme nous le démontre notre accalmie environnementale actuelle, c'est se mettre une balle dans le pied.

Il est temps de penser à un autre mode de développement qui respect les équilibres naturels et écologiques et l'humanité, de penser à un autre mode de vie plus résilient, plus durable, plus solidaire et plus social. Ça urge !!!

Je n’ai aucune prétention de croire que ce sera facile, je n'ai aucune prétention de dire que de simples YAKA et FAUKON suffiront, mais je crois que l'on peut et que l'on doit être en droit de pouvoir attendre, de la part de ceux qui en ont le pouvoir, de l'imagination, de l'audace, de l'envie … la volonté de sortir du pragmatisme et du réalisme qui stérilise toutes les énergies. Nous sommes en droit de demander à nos responsables de faire tomber, comme ils savent si bien le faire aujourd'hui, pour sauver l'économie capitaliste, les dogmes de la doxa capitaliste, pour créer un monde écologique, social et solidaire. Jean-Marc Jancovici ne dit pas autre chose "Alors que le pays vient de franchir la barre d'un salarié sur deux au chômage partiel dans les entreprises (ce qui signifie, en pratique, que le taux de chômage atteint actuellement 50%), le Haut conseil pour le climat rappelle lui aussi qu'il faudrait que la relance ne se fasse pas "à l'identique", c'est à dire avec la même dépendance aux émissions de gaz à effet de serre." Et les citoyens, comme toujours, ont un rôle énorme dans cette affaire en refusant de retourner dans le monde d'avant, en utilisant leur pouvoir de non-achats, en s'engageant ouvertement et durablement pour la transition écologique et en cessant de voter pour des conservateurs. Si massivement les citoyens s'engagent les politiques suivront.


mercredi 15 avril 2020

Covid-19 : Derrière l’épidémie, la crise écologique

Par : Antoine de Ravignan
30/03/2020 - Alternatives économiques
 

Le Covid-19 est le dernier exemple en date de maladies qui explosent à la faveur de la pression accrue des hommes sur leur environnement. Et qui se diffusent d’autant mieux que leur environnement est dégradé.

L’origine du coronavirus ? Il a été créé par les Américains pour affaiblir la Chine. Pas du tout ! Un grand labo a déposé un brevet dessus avant de le laisser s’échapper en vue d’encaisser les chèques du vaccin qu’il est en train de mettre au point…

Les démentis et les clarifications, comme ceux de l’Institut Pasteur ou les travaux de journalistes, comme cet article du Huffington Post, peinent à endiguer la dissémination de fake news complotistes. Elle est d’autant plus nourrie qu’il existe à Wuhan, capitale de la province du Hubei et épicentre de l’épidémie, un laboratoire de recherche biologique ultrasécurisé travaillant sur les virus les plus dangereux de la planète et construit en partenariat avec les Occidentaux, la France en particulier.

Le pangolin et la chauve-souris

Le Covid-19 est bien parti de Wuhan et des hommes en sont bien à l’origine. Mais la cause est plus triviale que dans les romans. Plus bêtement, un ou des contacts entre des animaux sauvages infectés par le Sars-CoV2 et des individus parmi ceux qui les ont capturés, transportés, vendus ou achetés.

Wuhan, comme d’autres sites en Chine, accueille un gigantesque marché – aujourd’hui fermé – où l’on trouve toutes les bestioles possibles pour satisfaire tous les goûts alimentaires possibles : serpents, chiens, civettes, pangolins… Dans le cas présent, le coupable serait ce petit mammifère à écailles très prisé des Asiatiques, l’une des espèces les plus braconnées au monde et en voie d’extinction.

Pour vivre, un virus a besoin d’un hôte pouvant l’héberger sans se faire tuer. On l’appelle réservoir. Dans le cas du coronavirus, mais aussi du virus Ebola et d’autres pathogènes, le réservoir le plus évident est la chauve-souris. Ce mammifère est très doué pour cohabiter avec toutes sortes d’organismes nuisibles pour d’autres… et vit souvent à proximité des hommes.

Cependant, les caractéristiques génétiques du virus porté par la chauve-souris sont telles que sa transmission à l’homme est impossible. Elle s’est donc faite via un animal intermédiaire auquel le virus a pu s’adapter. En 2002, une première épidémie de Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) ou Sars, en anglais, avait émergé en Chine, avant de s’étendre l’année suivante dans le reste du monde. L’agent responsable était là encore un coronavirus, baptisé Sars-Cov1. Et là encore les marchés aux animaux de Chine continentale étaient derrière cette épidémie de pneumonie virale. A l’époque, la civette avait été identifiée comme le chaînon entre le réservoir naturel du virus et l’homme.

Un enjeu croissant de santé publique

Hier les civettes, aujourd’hui les pangolins… Mais peu importe au fond par qui le malheur arrive : on parle d’une seule et même réalité, celle de maladies dites zoonotiques (transmises à l’homme par un animal) qui se multiplient depuis plusieurs décennies à la suite de contacts plus ou moins directs avec des animaux sauvages normalement porteurs de pathogènes. Sida, Ebola, Sras sont des célébrités, mais il y en a beaucoup d’autres.

Les maladies infectieuses émergentes, c’est-à-dire qui apparaissent pour la première fois ou réapparaissent alors qu’elles avaient disparu depuis longtemps, sont devenues un enjeu majeur de santé publique et mobilisent de plus en plus la communauté scientifique et médicale internationale. En 1995, le site spécialisé PubMed référençait une centaine de publications sur ce sujet, un chiffre passé à près de 2800 en 2017. Toute cette littérature souligne la place prépondérante des zoonoses dans ces maladies nouvelles.

En 2008, un article de la revue Nature avait dénombré plus de 330 maladies ayant « émergé » depuis 1940, à un rythme quatre fois plus rapide à la fin du XXe siècle qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La majorité (60 % selon cet article, mais beaucoup avancent des chiffres supérieurs) étaient des zoonoses et, parmi celles-ci, 72 % étaient issues du la faune sauvage. L’essor des élevages industriels, avec un contrôle et une hygiène qui peuvent faire défaut, avec des animaux stressés, confinés, astreints à des régimes alimentaires simplifiés, dont les défenses immunitaires sont par conséquent affaiblies ou artificiellement dressées par l’usage massif d’antibiotiques – qui en retour posent de redoutables problème de résistance des agresseurs –, n’est donc pas seul en cause.

Un monde hyper connecté

Mais pourquoi le monde sauvage – ou celui qui subsiste dans les zones tropicales – se rappelle-t-il ainsi au bon souvenir d’une humanité qui n’a fait que s’en éloigner ? Ces maladies véhiculées par les animaux de la forêt ou de la savane n’ont-elles pas toujours existé ? N’ont-elles pas toujours été contractées par des chasseurs accidentellement mordus, griffés, blessés ?

« Autrefois, un chasseur pouvait ramener une maladie au village, il y avait des morts, mais le virus ne se serait probablement pas déplacé beaucoup plus loin, explique Rodolphe Gozlan, directeur de recherches à l’institut de recherche pour le développement (IRD). Aujourd’hui, on est immédiatement confronté à l’épidémie parce que la connexion entre les gens est infiniment plus importante. Dans les zones tropicales, la pression sur l’environnement est de plus en plus forte, de plus en plus régulière. Et on ramène des maladies non plus dans des villages mais dans des villes dont la population a explosé, et qui sont de plus en plus en contact avec le reste d’un monde hyperconnecté. » En outre, ajoute le chercheur, les systèmes immunitaires de beaucoup d’habitants de ces zones de contact sont souvent affaiblis, du fait de la pauvreté ou de la pollution de l’air (comme à Wuhan), ce qui facilite l’expression des pathogènes et donc leur transmission.

La pression humaine sur la faune sauvage ne se résume pas à des fantaisies gastronomiques ou à des croyances dans des vertus érotiques qui désignent les classes moyennes et aisées asiatiques comme les coupables habituels. Selon le rapport mondial sur la biodiversité publié en mai dernier par l’IPBES, l’alimentation de 350 millions de personnes à faibles revenus dans les pays en développement dépend des produits issus de la forêt. Sous les tropiques, ce seraient six millions de tonnes d’animaux sauvages qui seraient ainsi abattus chaque année. La consommation de « viande de brousse » n’est pas qu’un fait culturel, c’est aussi une source de protéines qui contribue à la sécurité alimentaire de populations toujours plus nombreuses, particulièrement en Afrique, foyer également de nombreuses zoonoses.

Le rôle du déboisement

Les prélèvements de faune sauvage représentent, selon l’IPBES, le deuxième facteur de perte de biodiversité terrestre après la destruction des habitats naturels. Cette destruction, due pour l’essentiel aux déboisements pour étendre les surfaces agricoles, est également un facteur de dissémination des pathogènes. Rodolphe Gozlan : « Quand on déforeste, on ne fait pas juste qu’abattre des arbres. On modifie un habitat dans lequel vivaient des animaux porteurs. Cette faune se redistribue dans des zones auxquelles l’homme va accéder beaucoup plus facilement, ce qui crée des fronts de contact beaucoup plus importants et ce qui va donc permettre de ramener vers les villes ces réservoirs viraux et bactériens. »

De nombreuses recherches établissent des liens entre la fragmentation et la destruction des forêts et la diffusion de maladies, zoonotiques ou non : maladie de Lyme en Amérique du Nord, leishmaniose au Costa-Rica, paludisme dans les zones tropicales (les moustiques appréciant les espaces humides ouverts aux rayons du soleil)... « Il ne s’agit pas de protéger ces forêts uniquement parce qu’il y a de beaux papillons. Ce sont aussi des barrières sanitaires pour les populations », souligne Rodolphe Gozlan, qui écrit dans The Conversation : « dans les îles de Sumatra, la migration des chauves-souris fruitières causée par la déforestation dû aux incendies de forêt a conduit à l’émergence de la maladie de Nipah chez les éleveurs et les personnels des abattoirs en Malaisie. »

D’une façon générale, les perturbations des écosystèmes, qu’elles soient liées à des changements d’usages des sols ou aux conditions climatiques, tendent à modifier la distribution des organismes pathogènes et leur hôtes. On sait que de nombreuses épidémies (malaria, fièvre de la vallée du Rift, dengue…) sont favorisées par des événements climatiques dont la fréquence pourrait croître avec le réchauffement global.

Déjà, « l’augmentation des températures moyennes aurait eu un effet significatif sur l’incidence de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, causée par un virus transmis par les tiques, ainsi que sur la durabilité du virus Zika, transmis par les moustiques dans les régions subtropicales et tempérées », écrit encore Rodolphe Gozlan. Des pathologies pourraient ainsi s’étendre au-delà des zones tropicales avec l’élévation des températures et les modifications des précipitations. Dans les zones septentrionales, la fonte des sols gelés en permanence pourrait de même libérer des pathogènes disparus, dont l’anthrax.

Retour de manivelle

Le coronavirus, comme la plupart des autres maladies émergentes, c’est le retour de manivelle de la nature. Qui peut inversement protéger les humains si on sait la protéger. La recherche a mis en évidence le rôle joué par la diversité des espèces pour freiner la transmission des pathogènes. Exemple, la maladie de Lyme aux Etats-Unis, qui circule grâce aux tiques transportés par des souris : on en trouve beaucoup moins là où il existe d’autres animaux porteurs mais capables de s’en débarrasser, comme l’opossum de Virginie. Ou encore, la bilharziose : « la transmission à l’homme de cette maladie parasitaire, qui affecte 200 000 personnes dans le monde, peut être largement réduite par la présence de certaines espèces d’escargots qui sont des hôtes pour ce parasite, mais qui sont très incompétents pour le transmettre », indique le chercheur de l’IRD. Une plus grande biodiversité favorise ainsi cet « effet de dilution » des pathogènes chez des hôtes qui n’infecteront pas l’homme.

« Le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant. Nous aurons appris et je saurai aussi avec vous en tirer les conséquences, toutes les conséquences », a solennellement déclaré Emmanuel Macron dans son discours aux Français le 16 mars dernier. Aurons-nous appris que cette crise est fondamentalement une crise écologique globale ? Et en tirerons-nous les conséquences, toutes les conséquences ?

dimanche 5 avril 2020

En vrac : vu et écrit ces derniers jours sur facebook

Mon ami Hicham, interpelle ses amis collapsos : "on peut considérer que ce virus a été le déclencheur de l'effondrement ou pas ??" Je lui réponds : "Je ne sais pas. Je ne pense pas parce que nous ne sommes pas encore au point de non retour énergétique et environnemental, on s'en approche mais on n'y est pas encore. En tous les cas c'est probablement un bon avant goût de ce que pourrait être l'effondrement."

"Nous ne pouvons en aucun cas nous réjouir d’une baisse des émissions des gaz à effet de serre dans des circonstances aussi dramatiques. Mais cette crise sanitaire est l’occasion de réfléchir à l’après, et aux moyens de construire un monde plus éco-responsable qui ne nous prive pas de notre liberté. Nous sommes déjà en train d’apprendre à vivre autrement, à travailler à domicile, à réduire nos déplacements, à faire sans les voyages professionnels", Alexis Normand, directeur général et co-fondateur de Greenly. Reste à poursuivre sur cette lancée une fois revenu à la vie "normale", une gageure ! Dans Novethic

Les leçons de la crises : "Qu'allons-nous mettre en place, collectivement, afin de tirer les leçons de cette crise sanitaire qui remet en cause notre système de priorités, notre système économique, qui interroge sur notre résilience, sur notre durabilité, sur notre solidarité, qui met en évidence notre capacité de destruction de notre seul vaisseau spatial ? Qu'allons-nous mettre en place pour ne pas retomber dans les travers du monde d'avant qui montre, aujourd'hui, de façon criante, ses limites et être prêt pour affronter un dragon plus gros encore, celui des crises écologique, climatique et de biodiversité qui conditionnent notre durabilité suivant les choix que nous ferons ou non ? Les citoyens ont un rôle énorme et essentiel dans ce challenge. Car c'est bien beau de dire qu'il nous faudra apprendre de cette crise, de dire "plus jamais ça !" mais si l'on ne met rien en place, si l'on ne remet rien en cause, alors la paresse intellectuelle reprendra ses droits et la jouissance de se vautrer dans le consumérisme sera plus forte que la raison." Bruno BOMBLED Mars 2020

Engagement contre les crises : "Il est courant d’entendre : « La politique, ça ne me concerne pas. » Jusqu’au jour où chacun comprend que ce sont des choix politiques qui ont obligé des médecins à trier les malades qu’ils vont tenter de sauver et ceux qu’ils doivent sacrifier." - Serge Halimi - Le Monde Diplomatique - Avril 2020

Quelle éducation pour éviter les crises ? "Souvent l'on entend que la voie du salut dans les crises écologiques, climatiques et de biodiversité passerait par l'éducation des enfants. Le salut viendrait donc des enfants !?!? Je pense que c'est de la foutaise !!! Je pense que si c'est une condition nécessaire c'est aussi une condition absolument pas suffisante. Depuis, 20, 30 ou 40 ans on fait de l'éducation, de la sensibilisation à l'environnement et à la planète auprès des enfants et si cela fonctionnait on aurait, aujourd'hui, toute une génération d'écolos. Force est de constater que ce n'est pas le cas. Dire donc que le salut viendra de l'éducation des enfants c'est mettre sous le tapi le rôle d'exemple qu'ont les parents. Comment voulez vous que les enfants et les jeunes pensent qu'il faut changer les choses si à la maison rien ne change ? Comment voulez-vous que les enfants prennent au sérieux ces sensibilisations à l'environnement si, par ailleurs, ils voient les adultes faire, au quotidien, l'exact contraire ? Il y a alors, dans la tête des mômes, des injonctions contradictoires qui n'oeuvrent pas en faveur d'une réelle prise de conscience environnementale. Et c'est sans parler de l'adolescence qui entraîne de la perte en ligne. Alors, oui certes, vous me direz que certains enfants arrivent à influencer les habitudes familiales, mais c'est absolument se leurrer, ils sont l'arbre qui cache la forêt. Dire que le salut passera par les enfants c'est complètement décharger, encore une fois, sur les générations futures nos propres responsabilités : "bon nous on est mauvais, on le sait, on n'y arrivera pas avec notre génération, c'est foutu pour nous et ça tombe plutôt bien car (mais ne le disons pas trop fort) on ne va pas bousculer notre zone de confort, alors ne changeons rien, continuons à consommer, à voyager, à jouir sans conscience, car on est mauvais ! On le sait qu'on est mauvais, on va tout de même pas changer ! Ce sera aux jeunes de trouver les solutions et de changer ! " Dire cela c'est, une fois de plus, se décharger de nos responsabilités. Non la voie du salut ne viendra pas des jeunes mais uniquement des humains qui vivent aujourd'hui et maintenant car les nécessaires actions sont à faire aujourd'hui et maintenant, certainement pas demain. Demain il sera trop tard puisqu'aujourd'hui il est déjà bien tard." Bruno BOMBLED - Lors d'une nuit d'insomnie avril 2020

Agriculture de crises : "Les supermarchés basculent vers 100 % de fruits et légumes français. En 10 jours on découvre donc qu'on peut réduire nos émissions de CO2, améliorer la qualité de l'air et consommer local. Comme quoi ... Mais ce n'est pas parce qu'aujourd'hui nous voyons que nos pétro-agriculteurs et nos routiers nous sont indispensables, dans l'état actuel de notre système, que cela remet en cause notre opposition à ce système. Cela met juste en lumière notre dépendance aux énergies fossiles, ce qui n'est pas durable, pas résilient et est un révélateur de notre fragilité face à une crise énergétique qui n'est pas idéologique mais géologique. Plus que jamais la priorité est d'engager la transition écologique de l'agriculture et de la distribution alimentaire. Dans le storytelling habituel, l'agriculture traditionnelle est la pétro-agriculture polluante alors qu'en réalité c'est bel et bien l'agriculture bio qui l'est. L'agriculture bio, celle qui a toujours été faite depuis que l'humanité a inventé l'agriculture. La pétro-agriculture n'existe que depuis 60 ans ... rien de traditionnel donc. Le point est fait !" Bruno BOMBLED - Avril 2020

Économie de crise : Quand on vous dit que les [biiiiiip] ça ose tout et que c'est même à ça qu'on les reconnaît. "M Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics – autrement dit « du budget soumis aux critères de stabilité » – et zélateur d’une politique fiscale inégalitaire comme jamais, sort ses grands airs pour appeler les Français, particuliers comme entreprises, à abonder un fonds de solidarité. Solidarité ! Heureux que vous ayez retrouvé ce mot." Patrick Le Hyaric


La répétition de l'effondrement ? Excellente intervention de François Gemenne dans la Terre au Carré ce 13 mars. Thème : la mobilisation autour du coronavirus est-elle une répétition générale des mesures à prendre pour le climat ? OUI, car on assiste à une baisse massive des émissions et NON, car il y a beaucoup de différences entre les deux :
  • Le coronavirus est une CRISE, pas le changement climatique, dont les conséquences vont durer des siècles voire plus, en raison de la durée de vie des gaz à effet de serre
  • Pour sortir de la crise actuelle, nous prenons des mesures que nous savons TEMPORAIRES. Pour le climat, elles devront être SANS RETOUR
  • En outre, les mesures contre le virus ont un effet IMMÉDIAT, alors que celles pour le climat ne prendront effet que dans 2 générations, ce qui n'est pas motivant mais explique la colère des jeunes
  • Attention à bien distinguer des mesures SUBIES (actuellement) avec des mesures CHOISIES (celles qu'il faut prendre pour le climat)
  • Enfin, si la mobilisation actuelle est si importante et acceptée, c'est que chacun craint d'être immédiatement et personnellement touché par le virus. La menace climatique est, à tort, encore perçue comme trop LOINTAINE dans le temps (milieu du siècle) et dans l'espace (d'autres pays que nous). Cette distanciation trompeuse nuit à l'action


jeudi 2 avril 2020

Covid-19, et la vie bascula : Dès maintenant !

Une fois cette tragédie surmontée, tout recommencera-t-il comme avant ? Depuis trente ans, chaque crise a nourri l’espérance déraisonnable d’un retour à la raison, d’une prise de conscience, d’un coup d’arrêt. On a cru au confinement puis à l’inversion d’une dynamique sociopolitique dont chacun aurait enfin mesuré les impasses et les menaces. La débandade boursière de 1987 allait contenir la flambée des privatisations ; les crises financières de 1997 et de 2007-2008, faire tituber la mondialisation heureuse. Ce ne fut pas le cas.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont à leur tour suscité des réflexions critiques sur l’hubris américaine et des interrogations désolées du type : « Pourquoi nous détestent-ils ? » Cela n’a pas duré non plus. Car, même quand il chemine dans le bon sens, le mouvement des idées ne suffit jamais à dégoupiller les machines infernales. Il faut toujours que des mains s’en mêlent. Et mieux vaut alors ne pas dépendre de celles des gouvernants responsables de la catastrophe, même si ces pyromanes savent minauder, faire la part du feu, prétendre qu’ils ont changé. Surtout quand — comme la nôtre — leur vie est en danger.

La plupart d’entre nous n’avons connu directement ni guerre, ni coup d’État militaire, ni couvre-feu. Or, fin mars, près de trois milliards d’habitants étaient déjà confinés, souvent dans des conditions éprouvantes ; la plupart n’étaient pas des écrivains observant le camélia en fleur autour de leur maison de campagne. Quoi qu’il advienne dans les prochaines semaines, la crise du coronavirus aura constitué la première angoisse planétaire de nos existences : cela ne s’oublie pas. Les responsables politiques sont contraints d’en tenir compte, au moins partiellement (lire « Jusqu’à la prochaine fin du monde… »).

L’Union européenne vient donc d’annoncer la « suspension générale » de ses règles budgétaires ; le président Emmanuel Macron diffère une réforme des retraites qui aurait pénalisé le personnel hospitalier ; le Congrès des États-Unis envoie un chèque de 1 200 dollars à la plupart des Américains. Mais déjà, il y a un peu plus de dix ans, pour sauver leur système en détresse, les libéraux avaient accepté une hausse spectaculaire de l’endettement, une relance budgétaire, la nationalisation des banques, le rétablissement partiel du contrôle des capitaux. Ensuite, l’austérité leur avait permis de reprendre ce qu’ils avaient lâché dans un sauve-qui-peut général. Et même de réaliser quelques « avancées » : les salariés travailleraient plus, plus longtemps, dans des conditions de précarité accrues ; les « investisseurs » et les rentiers paieraient moins d’impôts. De ce retournement, les Grecs ont payé le plus lourd tribut lorsque leurs hôpitaux publics, en situation de détresse financière et à court de médicaments, observèrent le retour de maladies qu’on croyait disparues.

Ainsi, ce qui au départ laisse croire à un chemin de Damas pourrait déboucher sur une « stratégie du choc ». En 2001, déjà, dans l’heure qui suivit l’attentat contre le World Trade Center, la conseillère d’un ministre britannique avait expédié ce message à des hauts fonctionnaires de son ministère : « C’est un très bon jour pour faire ressortir et passer en douce toutes les mesures que nous devons prendre. »

Elle ne pensait pas forcément aux restrictions continues qui seraient apportées aux libertés publiques au prétexte du combat contre le terrorisme, moins encore à la guerre d’Irak et aux désastres sans nombre que cette décision anglo-américaine allait provoquer. Mais une vingtaine d’années plus tard, il n’est pas nécessaire d’être poète ou prophète pour imaginer la « stratégie du choc » qui se dessine.

Corollaire du « Restez chez vous » et de la « distanciation », l’ensemble de nos sociabilités risquent d’être bouleversées par la numérisation accélérée de nos sociétés. L’urgence sanitaire rendra encore plus pressante, ou totalement caduque, la question de savoir s’il est encore possible de vivre sans Internet. Chacun doit déjà détenir des papiers d’identité sur lui ; bientôt, un téléphone portable sera non seulement utile, mais requis à des fins de contrôle. Et, puisque les pièces de monnaie et les billets constituent une source potentielle de contamination, les cartes bancaires, devenues garantie de santé publique, permettront que chaque achat soit répertorié, enregistré, archivé. « Crédit social » à la chinoise ou « capitalisme de surveillance », le recul historique du droit inaliénable de ne pas laisser trace de son passage quand on ne transgresse aucune loi s’installe dans nos esprits et dans nos vies sans rencontrer d’autre réaction qu’une sidération immature. Avant le coronavirus, il était déjà devenu impossible de prendre un train sans décliner son état-civil ; utiliser en ligne son compte en banque imposait de faire connaître son numéro de téléphone portable ; se promener garantissait qu’on était filmé. Avec la crise sanitaire, un nouveau pas est franchi. À Paris, des drones surveillent les zones interdites d’accès ; en Corée du Sud, des capteurs alertent les autorités quand la température d’un habitant présente un danger pour la collectivité ; en Pologne, les habitants doivent choisir entre l’installation d’une application de vérification de confinement sur leur portable et des visites inopinées de la police à leur domicile. Par temps de catastrophe, de tels dispositifs de surveillance sont plébiscités. Mais ils survivent toujours aux urgences qui les ont enfantés.

Les bouleversements économiques qui se dessinent consolident eux aussi un univers où les libertés se resserrent. Pour éviter toute contamination, des millions de commerces alimentaires, de cafés, de cinémas, de libraires ont fermé dans le monde entier. Ils ne disposent pas de service de livraison à domicile et n’ont pas la chance de vendre des contenus virtuels. La crise passée, combien d’entre eux rouvriront, et dans quel état ? Les affaires seront plus souriantes en revanche pour des géants de la distribution comme Amazon, qui s’apprête à créer des centaines de milliers d’emplois de chauffeur et de manutentionnaire, ou Walmart, qui annonce le recrutement supplémentaire de 150 000 « associés ». Or qui mieux qu’eux connaît nos goûts et nos choix ? En ce sens, la crise du coronavirus pourrait constituer une répétition générale qui préfigure la dissolution des derniers foyers de résistance au capitalisme numérique et à l’avènement d’une société sans contact.

À moins que… À moins que des voix, des gestes, des partis, des peuples, des États ne perturbent ce scénario écrit d’avance. Il est courant d’entendre : « La politique, ça ne me concerne pas. » Jusqu’au jour où chacun comprend que ce sont des choix politiques qui ont obligé des médecins à trier les malades qu’ils vont tenter de sauver et ceux qu’ils doivent sacrifier. Nous y sommes. La chose est encore plus vraie dans les pays d’Europe centrale, des Balkans ou d’Afrique qui, depuis des années, ont vu leur personnel soignant émigrer vers des contrées moins menacées ou des emplois plus rémunérateurs. Il ne s’agissait pas, là non plus, de choix dictés par les lois de la nature. Aujourd’hui, sans doute, on le comprend mieux. Le confinement, c’est aussi un moment où chacun s’arrête et réfléchit…

Avec le souci d’agir. Dès maintenant. Car, contrairement à ce que le président français a suggéré, il ne s’agit plus d’« interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde ». La réponse est connue : il faut en changer. Dès maintenant. Et puisque « déléguer notre protection à d’autres est une folie », alors cessons de subir des dépendances stratégiques pour préserver un « marché libre et non faussé ». M. Macron a annoncé des « décisions de rupture ». Mais il ne prendra jamais celles qui s’imposent. Non pas seulement la suspension provisoire, mais la dénonciation définitive des traités européens et des accords de libre-échange qui ont sacrifié les souverainetés nationales et érigé la concurrence en valeur absolue. Dès maintenant.

Chacun sait dorénavant ce qu’il en coûte de confier à des chaînes d’approvisionnement étirées à travers le monde et opérant sans stocks le soin de fournir à un pays en détresse les millions de masques sanitaires et produits pharmaceutiques dont dépend la vie de ses malades, de son personnel hospitalier, de ses livreurs, de ses caissières. Chacun sait aussi ce qu’il en coûte à la planète d’avoir subi les déforestations, les délocalisations, l’accumulation des déchets, la mobilité permanente — Paris accueille chaque année trente-huit millions de touristes, soit plus de dix-sept fois son nombre d’habitants, et la municipalité s’en réjouit...

Désormais, le protectionnisme, l’écologie, la justice sociale et la santé ont partie liée. Ils constituent les éléments-clés d’une coalition politique anticapitaliste assez puissante pour imposer, dès maintenant, un programme de rupture.