"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

jeudi 17 novembre 2022

Depuis 1972 … on sait !


 

Depuis 1972, le club de Rome, les scientifiques et les écologistes n’ont de cesse d’alerter sur les limites de la croissance. Depuis 1972 les informations existent et sont diffusées partout dans le monde. Partout dans le monde les écologistes avec des artistes, des auteur.e.s , des cinéastes, des journalistes, des documentaristes, par tous les moyens, alertent sur des vérités qui dérangent. Mais jamais nous n’avons trouvé le bon média qui mobiliserait les foules. Beaucoup de nos concitoyen.ne.s, devant l'urgence écologique, ont l'impression de maîtriser leur futur et rien n’est fait pour les détromper. Notre société capitaliste et productiviste fait tout pour entretenir l’illusion et nous prendre pour des clients. La voiture électrique en est un bon exemple, elle n’est pas faite pour sauver le climat mais pour sauver l’industrie automobile. j'ai le sentiment qu'avec le tout électrique, sans remettre en cause la voiture personnelle et sans renforcer les moyens alternatifs, confortables, faciles et nombreux, au mieux, la France et l’Europe sont en train de rater la transition de la mobilité, au pire, préparent le crash de l’effondrement. Pas assez de métaux et pas assez d'énergie pour ce rêve techno-croyant, pour cette utopie, pour ce show qui doit continuer. 

Depuis 1972 les défis écologiques, climatiques, de biodiversité et métalliques, qui se poseront dans les années qui suivront vont être documentés (GIEC, Rapport Greenpeace de 1993, …) mais notre monde aura préféré l’orchestre à la vigie. Depuis 1972 nous, les écologistes, ne cessons de dire qu’il faut ralentir, économiser les ressources mais on nous a fait passer, au mieux pour de doux rêveurs et rêveuses utopistes, au pire pour des ayatollahs, des khmers vert.e.s. Encore aujourd’hui certain nous traitent d’«Ecoterroristes» alors que ceux et celles qui me terrorisent sont les bétonneurs, ceux et celles de la pétrochimie, de la pétro-agriculture et de l'agriculture intensive, qui ne sont pas faites pour nourrir les gens mais pour faire de l’argent, les entreprises polluantes, la mondialisation écocidaire, ceux et celles qui détruisent la forêt, les terres agricoles, les rivières, les sols et la biodiversité,... Mais il est vrai qu'il est plus facile de taper le messager que d’écouter le message

Mardi dernier, la population mondiale a dépassé les 8 milliards d’habitants, selon l’estimation officielle des Nations unies, qui y voit « un important jalon du développement humain » et un rappel, en pleine COP27, de « notre responsabilité partagée de prendre soin de notre planète ». 8 milliards d’humains, sommes-nous trop nombreux et nombreuses ? Jennifer Sciubba, chercheuse en résidence au cercle de réflexion Wilson Center, résume « Notre impact sur la planète est déterminé bien plus par nos comportements que par notre nombre ». 

8 milliards d’humains sur cette Terre, dès lors la bonne question ne serait-elle pas ? Est-ce que les 10 % de la population mondiale la plus riche, absolument responsable de l'essentiel des crises écologiques, climatiques, de biodiversité, énergétiques et métalliques, à ne pas vouloir renoncer et à clamer leur droit de détruire la planète parce qu'ils et elles en ont les moyens, n'est pas juste totalement égoïste, insensible et préfère sa gueule et la captation des ressources et des richesses à la survie de notre espèce ? 

A cela Antonio Guterres, devant près de 100 chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Charm el-Cheikh, répond : « L'humanité a un choix : coopérer ou périr. C'est soit un Pacte de solidarité climatique soit un Pacte de suicide collectif ». 

Canicules mortelles. Zones inhabitables car trop chaudes. Terres assoiffées. Méga feux. Cultures avortées. Cheptels décimés. Inondations dévastatrices et pénuries d'eau. Vents destructeurs. Biodiversité effondrée. Pétrole rare, cher et réservé aux plus nantis. Crise métallique qui arrive. Economie et citoyen.ne.s à la peine sous le poids des catastrophes. Voici le monde de rêve que les productivistes, les croissantistes, et les consuméristes nous promettent. C'est bien l'absence d'écologie qui est punitive !!!

En 1972 le club de Rome modélisait l’effondrement de notre société thermo-industrielle vers les années 2030. Nous y arrivons. Je me souviens de ce que me répondait Jean Jouzel, quand je lui demandais ce qu’il pensait du club de Rome et du rapport Meadows, lui de me répondre que « le problème de ces gens, c’est qu’ils ont eu raison trop tôt ». Aujourd’hui tous les voyants sont au rouge et que faisons-nous ? Nous nous apprêtons à regarder une coupe du monde, très contestable, au Qatar et nous apprenons que l’Arabie Saoudite veut organiser des jeux d’hivers là où il ne neige jamais. Partout on bétonne, on privatise l’eau dans des méga-bassines, on construit des complexes hôteliers et des golfs sur 400 hectares de prairies et de bois classés Natura 2000, en Sologne. Partout on détruit. On extrait du pétrole dans des réserves naturelles. Imaginez. Des nouveaux puits de pétrole en Ouganda. 419. Creusés en partie dans un parc naturel. Imaginez. Un oléoduc géant. Qui va transporter le liquide noir visqueux sur plus de 1400 kilomètres. Et qui sera chauffé à 50 degrés … Parce que ce pétrole-là, est épais. On prévoit de chercher les métaux précieux par 5000 m de fond, dans les mers lointaines, car nous avons épuisé ceux facilement accessibles sur la terre ferme. Partout on surproduit de la viande. En Chine, 650 000 cochons seront bientôt entassés et engraissés dans un bloc de béton de 26 étages. On sur-voyage car « on n’a qu’une vie et que l’on ne peut se passer de s’en vanter sur Facebook ». Nous admirons ceux et celles qui font de l’argent même si pour cela l’environnement et des femmes et des hommes souffrent. L’espèce humaine est une espèce invasive et destructrice. « Tant que vous nommerez “croissance” le fait de raser un espace gorgé de vie pour le remplacer par un espace commercial, nous n’aurons pas commencé à réfléchir sérieusement » a déclaré l'astrophysicien Aurélien Barrau, aux grands patrons du Medef, en septembre 2022. C’est bien résumé. 

Tous les voyants sont au rouge. Crises écologiques et climatiques mais aussi crise énergétiques et métalliques. Rappelons la nasse dans laquelle nous sommes toutes et tous : sans métaux pas d'énergie et sans énergie pas de métaux. Sans métaux et sans énergie notre monde moderne va droit à l'effondrement. « En vérité, ce récit de la transition énergétique capitaliste s’ancre dans une histoire qui est fausse : il renvoie à l’idée que, par le passé, on aurait déjà initié des transitions, et que, en ce moment, on s’apprêterait à entrer dans une phase nouvelle. Mais les énergies et les matières sont dans un rapport de symbiose » qui nous nasse, nous dit Jean-Baptiste Fressoz, historien de l'environnement. Les pénuries d'essence, comme celle que nous venons de subir, avec la peur que cela engendre chez nous, nous font prendre conscience (je l’espère) de notre dépendance non-durable aux énergies fossiles et qu'il est urgent de nous en émanciper (par une organisation systémique) volontairement, de nous en désintoxiquer avant que, au minimum, la géologie ne nous l'impose ... au pire, le climat dont les dérèglements s’accélèrent. 

Dès lors quelles sont nos marges de manœuvres, à notre échelle au moment où ce ne sont plus les petits gestes qui pourront nous sauver, même s'ils seront toujours bons à prendre ? Les petits gestes ne peuvent plus contrebalancer les crises écologiques, climatiques, de biodiversité, énergétiques et métalliques qui menacent notre durabilité. Aujourd'hui l'heure est à la transformation écologique radicale et résolument sociale de notre système de pensées et de valeurs, de l'Europe et de notre économie. L'heure est à la sobriété voulue et heureuse, aux renoncements massifs. L'heure est à l'arrêt du consumérisme, à l'arrêt du tourisme de masse et de la mondialisation écocidaire. L'heure est au deuil de la techno-croyance car la solution ne peut venir de la technologie puisqu'elle est le problème. L'heure est à la décroissance de l'inutile, du jetables et du futile mais à la croissance du local, du bio et du saisonnier, du durable, du réparable, du simple, du partage, de l'amitié, de la solidarité, de l'art, de la culture, du savoir ... L'heure est venue de voter pour l’écologie car seule la conjonction de politiques écologiques européennes avec la mobilisation citoyenne, quelle soit municipale et individuelle, pourra nous faire espérer un avenir durable. 

« Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde » nous exhortait Gandhi. 

A nous de le faire.