"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

samedi 30 novembre 2013

En vrac : Climat, OGM et prostitution

Climat : Le Japon, le Canada, l’Australie reculent sur leurs engagements. La Pologne a bloqué les négociations. Et aucun pays ne fait contrepoids.

Qui a entendu des négociations climatiques de Varsovie qui se sont terminées le 22 novembre ? 

Personne ? Normal la crise climatique qui remet en cause notre mode de vie est définitivement (volontairement ?) Persona non grata dans le concert des dogmes consumériste et productiviste. 

Le Japon a prévenu que ses émissions de CO2 allaient augmenter de 3.8% d’ici à 2020, tandis que l’Australie a annoncé le retrait de sa taxe carbone. Il n’y a plus aucune volonté politique de faire avancer la cause climatique. En ayant organisé le sommet mondial du charbon durant la conférence et en plébiscitant l’exploitation des gaz de schistes, la Pologne se contrefiche ouvertement des questions climatiques. Si la Chine n’est pas très allante sur ses engagements de réduction d’émissions de CO2, les Etats-Unis refusent de s’engager sur des objectifs chiffrés et l’Europe est engluée … A Copenhague, les pays avaient promis de mettre la main au portefeuille en versant 100 milliard de dollars d’ici à 2020. Mais il semble que l’on s’éloigne de ces promesses. De 2010 à 2012, 30 milliards de dollars auraient dû être versés, mais seuls 6 milliards l'ont été. Enfin avant on parlait de milliards destinés aux politiques d’adaptation, maintenant on parle de millions. 

Tout cela alors que la « zone rouge » s’approche selon les scientifiques. Les politiques porteront la responsabilité de leur inaction.

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OGM : Voici donc une étude qui dérange vraiment. L'étude sur les risques à long terme du maïs NK 603 et de son herbicide associé, le Roundup, produits tous les deux par la société Monsanto, publiée en septembre 2012 dérange tellement, que la revue « Food and chemical toxicology », qui avait publié l’article de Gilles Eric Séralini, lui demande de le retirer. La revue cède-t-elle aux pressions de Monsanto comme le dénonce Joël Spiroux, président du Criigen, Corinne Lepage, députée européenne, Paul Deheuvels, statisticien membre de l'Académie des sciences, François Veillerette, président de Générations futures ? Pour Gilles Eric Séralini, la demande qui lui est adressée est liée à "l'arrivée dans le comité éditorial de la revue de Richard Goodman, un biologiste qui a travaillé plusieurs années chez Monsanto", entre 1997 et 2004. "La publication du Pr Séralini pose les bonnes questions sur la toxicité à long-terme des OGM et de l'herbicide Roundup, ce n'est pas en le faisant retirer de la publication que ces questions vont disparaître", conclut Corinne Lepage.

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Prostitution : En ce matin du 25 novembre, sur France Inter, j’ai trouvé mon maître en matière de Naïveté en la très respectable Ministre du droit des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem. En effet, à la question de Patrick Cohen qui lui demandait si elle conseillerait à une prostituée de dénoncer son proxénète, comme le projet de loi le lui permettra (comme si cela n’existait pas dès à présent), elle de répondre que oui puisque le projet de loi la protégera 6 mois renouvelables le temps de la procédure. Hum, donc selon Mme la ministre les trafiquants et autres mafieux sont les seuls humains qui ne communiquent pas entre eux avec les moyens modernes et instantanés que nous offre notre merveilleux monde de technologies. Ainsi une fois le proxo dénoncé, il est sûr que jamais au grand jamais ses complices ne sauront qui l’a dénoncé et que les menaces mortelles faites sur les familles restées au pays ne s’appliqueront pas, et qu’une fois la protection (sous quelle forme ? avec quels moyens ?) levée et la fille rentrée au pays, celle-ci ne sera pas exécutée pour l’exemple.

Avec ce projet de loi c'est Candide au pouvoir :

"Mon client ne veut pas mettre de préservatif et est violent … je le dénonce à la police, c’est si siiiiiimple !"

"Je dénonce mon proxo et après les 6 mois de protection que m’offre la France, de retour au pays, je ne risque pas de représailles de la part des mafieux qui m’ont envoyé faire le trottoir dans le beau pays des droits de l’Homme. C’est tellement booooo la vie !!!!"

On va renouer avec la brigade des mœurs et le flicage des citoyens de base, mais en ne touchant surtout pas les riches héritiers, en goguette à Paris, qui louent les services d'escort-girls. Mme la ministre accorda ce matin là, sur France Inter, que le but est de supprimer la prostitution visible, putain quel cynisme il y a eu dans cet aveux ! Quid, dès lors des réseaux sur internet ? Dans les salons ? Dans les grands hôtels ? Quid des hommes et des transgenres qui se prostituent ? Rien ! On cachera la misère sous le tapis, mais elle sera toujours là, toujours plus underground, loin des associations, toujours plus à la merci des salauds mais notre conscience collective sera bien au chaud. Tout est bien dans le meilleur des mondes.

Non, la lutte contre les réseaux ne doit pas passer par l’utilisation des plus faibles. Nous ne pouvons accepter un transfert de responsabilités et demander aux victimes de se mettre encore plus en danger, elles et leurs familles. La juste et nécessaire lutte contre les réseaux doit se faire par l’installation de moyens policiers et militaires à la hauteur de nos ambitions.

samedi 23 novembre 2013

"Il y aura toujours des clients!" (Elisabeth Badinter)


"l’état n'a pas à légiférer sur l'activité sexuelle des individus"
E. Badinter

Elisabeth Badinter, opposée à l'idée de pénaliser les clients de prostituées, estime dans un entretien au Monde publié mardi que "l'Etat n'a pas à légiférer sur l'activité sexuelle des individus", et "regrette qu'on n'entende pas davantage les prostituées" dans ce débat.

Pour la philosophe, la pénalisation des clients, "c'est la prohibition. Je préfère parler de prohibition plutôt que d'abolitionnisme, car c'est l'objectif des auteurs de la proposition de loi", affirme-t-elle.

"Sous prétexte de lutter contre les réseaux, c'est la prostitution qu'on veut anéantir. L'Etat n'a pas à légiférer sur l'activité sexuelle des individus, à dire ce qui est bien ou mal", insiste-t-elle.

Mme Badinter "n'arrive pas à trouver normal qu'on autorise les femmes à se prostituer, mais qu'on interdise aux hommes de faire appel à elles. Ce n'est pas cohérent et c'est injuste".

Jugeant que la volonté de punir les clients est "une déclaration de haine à la sexualité masculine", elle explique que "ces femmes qui veulent pénaliser le pénis décrivent la sexualité masculine comme dominatrice et violente. Elles ont une vision stéréotypée très négative et moralisante que je récuse". Selon elle, la proposition de loi ne va pas mettre fin à la prostitution: "Je ne connais aucune prohibition qui fonctionne. Elle démultiplie le pouvoir des mafieux".

"Favorable à la pédagogie sur la prostitution et les séquelles qui peuvent en résulter", la philosophe souligne que "dans certaines conditions, la prostitution est difficile à vivre, mais il y a des femmes pour lesquelles ce n'est pas aussi destructeur qu'on le dit".

"Je regrette qu'on n'entende pas davantage les prostituées. Elles seules sont habilitées à parler. Mais quand l'une affirme: +je le fais librement+, on dit qu'elle ment et qu'elle couvre son proxénète. Ce sont les seuls êtres humains qui n'ont pas le droit à la parole", déplore Mme Badinter.

Pour les prostituées victimes de réseaux, "la lutte contre l'esclavage des femmes doit être sans merci", ajoute-t-elle. Il faut "que les femmes prostituées puissent dénoncer leur proxénète à la justice sans craindre pour leur vie. Elles doivent être assurées de leur sécurité, d'avoir des papiers et d'être aidées".

"La loi contient des dispositions en ce sens, mais qui me paraissent vagues. Quel est le budget? Comment le prévoir quand on ne connaît même pas le nombre de prostituées ? Est-ce que la lutte contre les réseaux sera une priorité pour la police? Je n'ai pas le sentiment que cela soit le cas", fait-elle remarquer.

AFP - 19/11/2013

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Ainsi dans cette ligne Elisabeth Badinter, aux cotés de féministes et d'intellectuels qui s'opposent vivement à une telle politique d'interdiction, elle a publié la tribune, ci-après, dans le Nouvel Observateur :

"Si la ministre des Droits des Femmes avait annoncé son intention de mettre un terme à l'esclavage des femmes par les réseaux mafieux, tous, hommes et femmes confondus, applaudiraient son initiative. Cette guerre difficile à mener relève d'un impératif universel. Elle implique, entre autres, une augmentation des effectifs de police, une meilleure coopération internationale, une justice impitoyable et la reconversion ainsi qu'une véritable protection des filles qui dénoncent leurs proxénètes, associée à une possibilité effective de reconversion. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Mais l'objectif d'abolir à terme la prostitution, sous prétexte d'en finir avec l'esclavage sexuel est d'une autre nature. Il ne s'agit plus d'un impératif universel, mais d'un parti pris idéologique qui suppose les postulats suivants : 1) La sexualité tarifée est une atteinte à la dignité des femmes. 2) Les prostituées sont toutes des victimes et leurs clients, tous des salauds.

Ces postulats sont éminemment discutables. Comme le clament les prostituées non contraintes par un tiers et qu'on se refuse à entendre, la dignité des femmes ne repose pas sur le critère des pratiques sexuelles. Mieux vaut l'admettre : toutes les femmes n'ont pas le même rapport à leur corps et la promiscuité peut être un libre choix. Une femme n'est pas nécessairement victime de l'oppression masculine lorsqu'elle se livre à la prostitution, soit qu'elle s'y adonne de manière occasionnelle, soit qu'elle choisisse d'exercer à plein temps cette activité plutôt qu'une autre. Enfin, au risque de faire grincer des dents : les hommes qui fréquentent les prostituées ne sont pas tous d'horribles prédateurs ou des obsédés sexuels qui traitent les femmes comme des objets jetables. Etrangement, nul ne fait jamais mention des prostitués homo ou hétérosexuels ni de la nouvelle "demande' des femmes d'une sexualité tarifée.

En réalité, " l'abolition" de la prostitution, contrairement à celle de l'esclavage, est une chimère. La sexualité humaine varie selon les sociétés. Et, dans une même société, elle change selon les époques et les classes. Ce n'est pas une raison pour imaginer qu'elle va se plier, comme une cire molle, à l'utopie d'une sexualité parfaitement régulée. La pénalisation des clients n'entraînera pas la suppression de la prostitution. Ni les call-girls ni les réseaux par internet n'en seront affectés, comme le prouve l'exemple suédois. En souffriront d'abord les prolétaires du sexe, qui seront plus que jamais soumises à l'emprise des proxénètes. Ces derniers profiteront de la situation, eux qui devraient être la cible première de l'action répressive des pouvoirs publics. Nulle inquiétude, les clients les plus favorisés se verront toujours proposer des moyens discrets d'assouvir leurs désirs.

Au nom d'une conception abstraite de l'humanité, les "abolitionnistes" [sic] veulent imposer à la société française leur choix idéologique. Mais qui peut s'ériger en juge dans ce domaine éminemment privé ? Chaque adulte doit être libre de ce qu'il veut faire ou ne pas faire de son corps. Décréter illégal ce qu'on trouve immoral n'est pas un grand pas vers le Bien, c'est une dérive despotique. Le pouvoir politique n'a pas à intervenir dans les pratiques sexuelles des adultes consentants. La priorité, c'est de faire de la lutte contre les trafiquants d'êtres humains une cause nationale et d'y mettre les moyens. Car là est le crime, et là est le défi. Poursuivre les clients, c'est se donner à peu de frais l'illusion d'agir. C'est céder à la tentation prohibitionniste qui consiste à tout espérer de la criminalisation de la consommation. Ce sera au bout du compte écarter de la vue ce qu'on ne veut pas voir et produire un enfer pavé de bonnes intentions."

Elisabeth Badinter, philosophe, Régine Deforges, écrivain, Caroline Eliacheff, pédopsychiatre, Elisabeth de Fontenay, philosophe, Claude Habib, professeur de littérature (Sorbonne-Nouvelle), Nathalie Heinich, sociologue (CNRS), Claude Lanzmann, écrivain et cinéaste, William Marx, professeur de littérature (Paris-Ouest), Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue (EHESS), Philippe Raynaud, professeur de science politique (Panthéon-Assas), Céline Spector, philosophe (Bordeaux-3), Georges Vigarello, historien (EHESS).

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L'express : Pourquoi trouvez-vous honteuse l'idée de poursuivre les clients?

Elisabeth Badinter : Autant nous sommes tous convaincus de la nécessité de faire un effort considérable contre la traite des filles de l'Est et du Sud, qui est de l'esclavage, autant je trouve détestable cette politique des moeurs menée au nom d'un moralisme victorien qui n'a davantage que de ne rien coûter. Je suis pour la liberté sexuelle absolue entre les adultes consentants.

Or, aujourd'hui, une proportion de femmes, certes minoritaire, mais loin d'être négligeable, se prostitue sans proxénètes. Elles pratiquent ce métier - qui n'est pas un métier comme les autres, je le reconnais - pour des raisons qui les regardent. Ces femmes ne sont pas les victimes irresponsables d'affreux clients.

Je ne vois pas pourquoi, au nom des femmes qui sont effectivement réduites à l'état d'esclaves dans les réseaux, on condamnerait la prostitution en général. Cela me semble révéler un profond mépris pour les prostitués hommes et femmes, qu'on traite comme des enfants. En vertu de quel principe faudrait-il les condamner, et condamner les hommes qui paient ces femmes qui veulent bien louer leur corps pour gagner en quelques heures ce que d'autres gagnent en un mois?

Car il y aura toujours des clients! Ceux qui croient que l'on peut supprimer le désir et la satisfaction vénale vivent sur une autre planète! Le week-end, lorsque je me rends à la campagne, je vois des filles dans la plus grande solitude qui se prostituent en bordure de chemin, parce que la loi de 2003 interdisant le racolage passif les a éloignées des villes. En Suède, la prostitution a quitté la rue pour se réfugier aux frontières et sur Internet. Ce sont les réseaux mafieux qu'il faut combattre.

Une des questions est de savoir si l’on peut parler de libre choix pour la prostitution ? mais choisit-on d'avoir des horaires décalés dans un supermarché ? Non, on les subit. L'idée de liberté réelle est utopique, mais la sexualité gratuite ou payée relève, à mes yeux, de la décision de chaque femme ou de chaque homme.

Ainsi on peut faire ce que l'on veut de son corps, sauf le mutiler. Vendre son rein est une atteinte à l'intégrité physique, pas pratiquer un rapport sexuel tarifé. Pour moi, le grand principe fondateur est l'avortement. Il y a trente-six ans, la société française a décidé qu'une femme était libre de disposer de son corps, y compris jusqu'à en faire disparaître un embryon. Aujourd'hui, je ne suis même pas sûre qu'on voterait une loi sur l'IVG.

Par Claire Chartier, publié le 13/04/2011

samedi 9 novembre 2013

NDDL ou quand l’omission discrédite une étude officielle.

Une étude officielle relancerait le débat sur le projet Notre-Dame-des-Landes car maintenir l'aéroport actuel de Nantes coûterait plus cher qu'en construire un nouveau, affirme la DGAC. Mais l’omission discrédite cet ultime soubresaut pathétique.


Le maintien de l'actuel aéroport de Nantes coûterait plus cher que la construction du nouvel aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes. C'est du moins ce qu'affirme la Direction générale de l'aviation civile, dans une étude dévoilée hier, dans le cadre de la commission du dialogue instituée en avril dernier par le gouvernement. Selon la DGAC, les travaux à réaliser à Nantes-Atlantique pour faire face à la progression attendue du trafic, de 3,9 millions de passagers cette année jusqu'à 9 millions à un horizon non précisé, coûteraient au total 685 millions d'euros, contre 602 millions prévus pour le nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes dans sa phase initiale.

Dans le détail, l'aéroport actuel nécessiterait 185,2 millions de travaux pour passer de 3,9 millions à 5 millions de passagers, 255,4 millions supplémentaires pour monter à 7 millions et encore 171,3 millions pour atteindre les 9 millions. L'addition serait notamment alourdie par la nécessité de remettre l'unique piste aux normes de sécurité, souligne l'étude. La piste actuelle présenterait « des creux et bosses avec des écarts de près de trois mètres », affirme la DGAC. De plus, la réfection de cette piste nécessiterait la fermeture de l'aéroport « pour trois à six mois ». Soit un manque à gagner de 85 millions.

Un devis discutable

Autant d'arguments chocs pour la défense du projet gouvernemental de nouvel aéroport qui rencontre une forte opposition locale. En 2006, la DGAC avait déjà réalisé une première étude très contestée, affirmant que l'actuel aéroport ne serait jamais en mesure de faire face à la croissance du trafic. Aujourd'hui, elle concède que « le maintien de l'activité [à l'aéroport actuel, NDLR] n'est pas physiquement impossible, mais serait très coûteux ». Cependant, les montants avancés sont très discutables. A titre de comparaison, l'aéroport de Beauvais (4 millions de passagers) a remis aux normes sa piste et construit un nouvel aérogare en 2009 pour respectivement 14 et 9 millions d'euros, en suspendant son activité pendant une semaine seulement. En 2006, la rénovation de la plus longue piste d'Orly, capable d'accueillir des A380, avait coûté 30 millions. En 2010, la construction d'un nouvel aérogare à Bordeaux-Mérignac avait coûté 5 millions d'euros pour une capacité additionnelle de 1,5 million de passagers. On est loin des sommes colossales du « devis » de la DGAC. Les prévisions de trafic sont tout aussi discutables. L'étude n'avance aucune date, mais, selon toute vraisemblance, le cap des 5 millions ne sera pas atteint avant la fin de la décennie. Quant aux 9 millions, le projet de Notre-Dame-des-Landes l'envisage pour... 2060.

Curieusement, l'étude juge également nécessaire d'allonger à 3.600 mètres la piste actuelle, pour d'hypothétiques A380, ce qui n'est même pas prévu à Notre-Dame-des-Landes. Enfin, la comparaison avec le coût prévu de NDDL a de quoi faire sourire. Les 602 millions évoqués ne concernent que la première phase, pour une capacité de 4 millions de passagers. L'addition monterait à 808 millions pour une capacité de 9 millions. Mais ce chiffre n'englobe ni les surcoûts, ni les infrastructures routières et ferroviaires pour la desserte de l'aéroport. Le coût global du projet, s'il aboutit, se compterait plutôt en milliards d'euros.

Texte : Bruno Trévidic (lesechos.fr)
Photo : Berti Hanna/REA

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Quand la DGAC se décrédibilise elle-même, il n'y a plus besoin de se casser la tête pour combattre ce projet inutile et imposé qu'est l'Ayraultport. Premier point acquis, malgré tout ce qui avait été objecté depuis plus de 10 ans : on peut garder Nantes-Atlantique en le réaménageant ; la prétendue saturation des espaces ou de la piste n'existe pas !...

vendredi 1 novembre 2013

Débat : Pourquoi en arrive-t-on à en avoir ras-le-bol des écolos ?

Mon post, du 24 octobre 2013, sur Facebook où je disais simplement, en réponse au titre du dernier livre de Maud Fontenoy, "ras-le-bol des écolos", Ras-le-bol de Maud FONTENOY !!! a donné lieu à un bel échange entre Catherine Pigré et Christophe, mon frère. J'ai voulu en garder trace et le mettre sur mon blog tellement je le trouve intelligent et constructif, toujours dans le respect et l'avancé. merci à eux.



Ainsi à ce "Ras-le-bol de Maud FONTENOY !!!" Elisabeth Piotelat me demandait "Pourquoi ? Son action me semble tout à fait louable, en particulier auprès des scolaires." je lui répondais alors que "si elle n'aime pas les écolos, qu'elle en a ras-le-bol. Ben ok ! On en prend acte et ainsi nous non plus on ne l'aime pas car il y a d'autre façon d'entrer dans un débat, avec des gens, que de le débuter par un coup de poing envoyé dans la gueule de ses contradicteurs potentiels. Que le titre de son bouquin n'ouvre pas le débat mais le ferme.". A cela Christophe me répond :

Christophe Bombled : Pour une fois, je ne suis pas d'accord avec toi Bruno. J'ai écouté son interview et je suis plutôt d'accord avec elle sur le fond. Il ne faut pas confondre écologie (qui est une science) et écologisme (qui est un courant de pensée politique). Elle est critique envers EELV (Nicolas Hulot l'est aussi), elle en a bien le droit, c'est même sain dans une démocratie. C'est très bien que des gens de droite réfléchissent à ce sujet, se l'approprient, reformulent les problématiques avec leur langage, ils feront ainsi avancer un certain nombre d'idées dans leur camps. Maintenant, elle fait mine de ne pas comprendre ce qu'est la décroissance car tout d'abord il s'agit d'un mot obus destiné à dynamiter la pensée croissanciste dominante, ensuite les décroissants n'ont pas pour discours de voir tout décroitre et partout, mais simplement l'inutile (comme l'i-phone 5 par exemple). Elle a d'ailleurs une pensée décroissante quand elle prône le passage de l'agriculture actuelle à l'agriculture raisonnée (puisque c'est faire moins, mais mieux et dans un meilleur respect de l'environnement même si cela ne vaut pas le bio). De même, elle ne va pas jusqu'au bout de son raisonnement concernant l'épuisement des ressources et le changement climatique car cela lui fait peur, il me semble. Mais cela viendra, les prémices sont bons. Bref EELV n'a pas le monopole de l'écologisme et c'est tant mieux.

Bruno Bombled : Oui je peux entendre ce que tu dis, mais quand tu veux entrer dans le débat tu ne commence pas par le fermer en insultant tes contradicteurs. Elle en a ras-le-bol des écolos (politiques et associatifs) et bien nous on en a rien à foutre d'elle, qu'elle retourne cajoler ses greenwasheurs d'UMP et les vaches seront bien gardées.

Catherine Pigré : un p'ti tour sur sa page facebook et effectivement, Bruno, c'est une belle opération de greenwashing... Ce n'est pas la question d'avoir le monopole ou pas de l'écologie, un peu simpliste comme argumentation pour masquer la collusion de la politique et des lobbies économiques qui nous envoient dans le mur depuis des décennies que représente si bien l'UMP... il est temps de lever le subterfuge... Et toujours aussi amusée de voir comme il est si simple de manipuler les esprits : 
  1. Titre accrocheur et assassin: bien vu... comme quasiment personne n'ira lire le contenu, on en reste à ce constat et comme Mme Fontenoy est une grande navigatrice et qu'elle défend la cause, ben elle doit avoir raison... la peopolisation de la politique, un vrai bonheur !!! 
  2. Son contenu : en résumé, le programme politique écologique de l'UMP, pensée et solutions écologiques à minima... faut pas fâcher... et hop, tu mets sous le tapis toutes les réflexions, politiques et solutions qui proposent une transition de fond indispensable pour sortir du merdier... 

Faut pas fâcher mais surtout, faut pas trop réfléchir... Exemple: l'agriculture raisonnée prônée par cette chère dame et pourquoi pas le bio, le bio issue d'une agriculture paysanne bien entendu ? Aucune traçabilité, aucune charte, de l'OGM si tu veux, de la productivité encore et encore aux mains des lobbies agro industriels etc... et toute sa conception de l'écologie est résumée dans cet exemple... Du survol, aucune réflexion de fond... de la bouillie !!! Si certains en ont "ras le bol des écolos", d'autres en ont ras le bol des écolo tartuffes...

Christophe Bombled : C'est typiquement ce que je n'aime pas chez nous, les écolos, c'est cette incapacité à envisager que d'autres personnes, d'un autre bord politique, puissent partager quand même un certain nombre d'idées. Tout de suite, leur discours est dénigré au seul motif qu'ils sont proches du PS, ou pire de l'UMP. Souvent, les écolos passent leur temps à se déchirer sur ce qui les sépare et sans essayer de se regrouper autour de valeurs communes et à agir. Il est normal qu'il y ait des divergences de vues (et plus on creuse le sujet de l'écologie, moins on a de certitudes). Mais non, le débat se résume à : c'est à celui qui sera le plus vert, le plus saint. Nicolas Hulot, lors des primaires avait ressenti la chose quand il avait indiqué qu'il avait l'impression d'être devant une sorte de tribunal de l'inquisition écolo. J'ai lu pendant des années "la décroissance, le journal de la joie de vivre" (la décroissance j'ai vu, la joie de vivre j'attends encore) qui a inventé le concept d'écolo-tartuffe et qui s'est autoproclamé juge de ce qui est bon ou non en la matière. J'ai cessé de lire cette revue, car si elle m'a ouvert les yeux sur certaines problématiques, il n'en demeure pas moins qu'elle est mortifère dans le sens où elle n'a d'autre projet que de critiquer le système en place. Rien n'est parfait dans ce monde, tout est compromis. Le défis aujourd'hui c'est de faire évoluer massivement les mentalités. J'ai beaucoup d'admiration pour les avant-gardistes comme les fondateurs du hameau des buis, qui font en quelque sorte de la recherche fondamentale. Mais, il ne faut pas non plus être naïf, leur mode de vie demeure dépendant d'un process industriel moderne (ils ont des voitures, des ordinateurs et internet, des panneaux photovoltaïques, ils ont recours à l'hôpital et à tous les services publics, ils roulent sur des routes goudronnées,...). La question n'est pas donc de rejeter la modernité technologique (je serai bien embêté sans lave linge qui, soit dit en passant, à largement participé à l'émancipation des femmes dixit mes grand-mères et mère), mais de l'interroger sans cesse, de faire en permanence la balance avantages/inconvénients afin que le plus grand nombre et de manière durable puisse correctement vivre (car c'est quand même cela le but ultime, il me semble). Les idéaux sont par nature inatteignables. Le fait de ne pas les atteindre ne doit pas pour autant nous empêcher d'avancer. Ils doivent être la source de notre inspiration. Ils ne doivent pas être des obstacles, mais des guides puissants.

Catherine Pigré : Vous êtes à ce point naïf... il ne s'agit pas d'être plus vert que le voisin mais les compromis ne se font pas avec des renoncements de fond... l'exemple de l'agriculture raisonnée est quand même parlant, on va vous faire une p'tite touche de verditude et pendant ce temps on ne touche pas aux lobbies des OGM et on ne réforme ainsi surtout pas la PAC parce que l'agriculture raisonnée, ça va aussi de pair avec la productivité et le modèle concentrationnaire agricole... y'a pas de transformation de fond, pas de heurt et tout le monde est content... il faut vous secouez un peu, vous faiblissez... Les écolo tartuffes, oui... ceux qui survolent les dossiers sans vision systémique , ceux qui font de l'écologie light sans approfondir les connaissances et les ramifications de fond, ceux qui donc entretiennent la pauvreté du discours politique et ainsi la paresse citoyenne... le livre de Mme Fontenoy, c'est aussi tout ça...

Bruno Bombled : @ Catherine : Pour info, mon frangin est tout sauf naïf, sa pensée est issu d'une profonde réflexion qui oblige à la prendre en compte. J'aime sa pensée qui cherche toujours à construire des ponts plutôt que de creuser des fossés. Non il n'est pas naïf, sois en sûr.

Catherine Pigré : construire des ponts, pas de problème mais pas avec ceux qui veulent le dynamiter...

Bruno Bombled : Oui c'est ce que je reproche au titre du bouquin de Maud Fontenoy, c'est qu'il creuse un fossé et ne construit pas de ponts, son ouvrage est donc inutile dans le débat qui devrait être partout.

Catherine Pigré : et pas seulement le titre...

Christophe Bombled : "construire des ponts, pas de problème mais pas avec ceux qui veulent le dynamiter...", je suis désolé, mais avec de telles idées on ne va pas bien loin. Penser ainsi, c'est empêcher tout débat. Non, mon expérience (je n'ai pas à montrer patte verte, si quelqu'un doute de mon engagement et de mes actions, qu'il commence par m'expliquer ce qui lui permet de penser que lui il sait ce qu'il faut faire et qu'en plus il fait "bien" les choses) montrent que pour faire avancer les choses, il faut discuter, discuter, discuter, discuter et accepter de faire des compromis pour permettre à chacun de s'approprier les changements de ligne, que chacun puisse être entendu et se sentir gagnant. Arriver dans un débat en disant : écoute coco, t'es bien gentil mais je vais t'expliquer la vie et tu vas voir comme tu te trompes et comme j'ai la lumière, c'est (d'expérience) le meilleur moyen de se casser les dents. En revanche, écouter l'autre, le questionner, essayer de comprendre ses convictions, ses besoins, ses craintes, avoir la modestie de savoir que l'on ne connait jamais tout d'un sujet et que d'autres personnes ont des savoirs complémentaires, proposer ses solutions, laisser les autres les critiquer afin de voir si celles-ci sont de bonnes idées ou de fausses bonnes solutions, voilà les bases d'une discussion plus riche me semble-t-il. Mais c'est long, diablement long. Ainsi, pour l'agriculture, évidemment que le bio (mais à quel niveau de label, le label bio européen, le label Nature et progrès, ou encore le label demeter ?) est le but à atteindre (cela dit penser bio sans penser réduction de la consommation de viande, ce n'est pas possible). Mais maintenant, entre une agriculture dite conventionnelle massive actuelle et une agriculture raisonnée massive demain matin, je préfère la seconde. Une personne qui se lance dans cette démarche est sur la bonne piste, il ne faut donc pas la décourager en lui faisant la leçon, mais l'encourager à pousser sa réflexion. Idem pour le consommateur. Pour ce qui est de l'habitat, que vaut-il mieux : des maisons bioclimatiques neuves perdues dans la pampa comme on en voit plein dans les pages de "la maison écologique" qui entretient le mythe de la maison individuelle pour tous, ou alors des logements collectifs rénovés BBC bien desservis par des transports en commun ? Evidemment que l'idéal se sont des immeubles passiv'hauss dans des zones d'habitation plus denses, mais pour l'instant, ce n'est pas possible de façon massive pour beaucoup de raisons. Il faut y aller progressivement et réfléchir collectivement à la question. Au lieu de tirer à boulets rouges sur Maud Fontenoy qui a l'outrecuidance de nous critiquer, nous ferions bien de nous demander comment se fait-il qu'une personne comme elle, sensible à nos thématiques, réagisse ainsi ? Quel est le point de blocage dans notre discours ?

Catherine Pigré : Je comprends bien votre désir de rassembler mais la réalité est bien plus cruelle: reprenons, l'exemple de l'agriculture raisonnée, vous vous en satisferiez et bien pas moi.....un seul exemple: les OGM, l'agriculture raisonnée non seulement ne la remet pas en question mais l'intègre donc vous amplifiez le pouvoir des multinationales comme Mosanto, Syngenta, Dupont and co, vous amplifiez la dépendance des paysans pour l'achat des semences, vous amplifiez la contamination des parcelles sur laquelle ces mêmes multinationales réclameront leur dû de brevet, donc vous appauvrissez les paysans ce qui implique la disparition des agricultures à échelle humaine, la prise en main de l'agro-industrie et en prime vous mettez en péril la biodiversité du vivant qui elle sait produire de l'adaptation pourtant... c'est pour demain, non, c'était déjà hier et c'est aujourd'hui... et c'est ainsi que Mme Fontenoy soutient ce qu'elle nomme le développement durable et auquel vous semblez souscrire... cette écologie là, désolée mais je n'y souscris pas, pas parce que je suis plus verte qu'une autre mais parce qu'elle met en péril le devenir du monde...

Christophe Bombled : Effectivement l'agriculture raisonnée n'interdit pas les OGM. Toutefois, en France, sauf erreur de ma part, seul le maïs OGM peut être cultivé et encore sous certaines réserves. Dès lors, je ne vois pas en quoi l'agriculture raisonnée intègre nécessairement, du moins chez nous, les OGM. Maintenant je ne souscris à rien, j'essaye (mais c'est difficile) de ne pas m'enfermer dans une case (je suis DD, je suis décroissant,...). Une fois encore il y a des idéaux et puis il y a la réalité humaine qui a du mal à tenir compte des réalités physiques. L'homme n'est pas un animal censé, c'est un émotionnel. Si vous le braquez vous n'arrivez à rien. Cela ne sert à rien d'avoir raison tout seul, sauf à se faire plaisir (quoique). Il faut plus de subtilité, il faut accompagner le mouvement qui ne peut se faire qu'en douceur. La plupart des gens adorent le Mac Do et de but en blanc vous voulez les convertir à une alimentation bio limite végétarienne ? Moi aussi j'aimerais bien, mais ce n'est pas possible. L'écologisme (du moins tel que je le conçois) doit être pacifiste, il n'est pas question d'imposer sa volonté par la force. C'est pourquoi, en fois encore, il faut être subtile. Par ailleurs, je repose ma question, comment se fait-il qu'une personne comme MF, plutôt, quoique vous en disiez, proche de nos idées (protection des océans, réalité du changement climatique, épuisement des ressources énergétiques,...) en arrive à produire un tel titre ? Quel est le point de blocage dans notre discours ?

Catherine Pigré : Pour ce qui concerne les OGM, vous êtes quand même au courant des combats constants qui doivent être menés pour ne pas les voir inonder l'Europe...En résumé, votre position très louable omet les rapports de force qui sont loin d'être en faveur de l'écologie, je ne pense avoir à vous citer le poids des lobbies de tout poil (pétrole, OGM, etc...) qui n'ont rien de pacifique, ni de démocratique... un petit exemple comme l'accaparement des terres par Bolloré et le Crédit Agricole vous parle, je pense... Mme Fontenoy leur laisse la porte grande ouverte... dans le développement dit durable ou capitalisme vert, il y a capitalisme, je ne pense pas là aussi devoir vous rappeler, ce qui est son "éthique" et sa finalité... si cela vous convient... Et pourquoi ce serait "notre discours" qui serait un point de blocage ? Quel est "notre discours"? Je pense que c'est celui qui ne remet pas en cause des fondamentaux : un monde au service de l'écologie et des générations futures et pas l'inverse...Pourquoi arrive-t-elle à produire un tel titre... là, il faudrait lui demander... on peut quand même retenir qu'elle a été candidate de l'UMP et qu'elle souscrit à leurs thèses sur l'écologie... Vous voulez accompagner les choses en douceur mais n'y a-t-il pas urgence ? Vous prenez la rhétorique, comme Mme Fontenoy, de remettre en question ceux qui alertent depuis des décennies et qui proposent un autre projet de société qui doit se construire sur le fond et non pas des mesurettes et des petits pas, ne faisant que renforcer ceux qui nous amènent dans le mur....pour ma part, je reste sur celle qui consiste à ce que ce soit ceux qui nous mènent droit dans le mur qui soient bousculés... ceux qui se sont imposés par la force de leur pouvoir hégémonique, Mac Do par exemple....et woui, la force est quand même de ce côté ci, il me semble... ne vous trompez pas d'ennemi... vous invoquez le pacifisme, pas de problème... dans ce cas, un des seuls moyens en notre possession pour marquer les choses à grande échelle, est celui des urnes, à l'échelle nationale et européenne... mon choix est tout trouvé et ce sera celui qui porte l'écologie comme fondement et non comme substrat... vous êtes dans le "ce n'est pas possible"... il fut un temps où contre le servage, ce n'était pas non plus possible et on peut multiplier les exemples... vous invoquez la passion contre la raison, effectivement là, gros problème, on peut aussi évoquer le principe de plaisir et celui de réalité: en psychologie, celui qui attend le principe de réalité, c'est l'adulte... effectivement nous sommes dans une société consumériste (merci les multinationales et le primat de l'économie sur tout le reste) basée sur le principe de plaisir qui fait de nous des immatures centrés sur notre toute puissance... vous voulez en rester là, pas moi...

Bruno Bombled : Oui il y a beaucoup de choses justes dans ce que tu dis là, mais non je ne crois pas que mon frère ait jamais dit qui souhaitait "en rester là". Il a juste une approche plus pragmatique que la notre qui sommes des révoltés et des impatients, mais comme nous, il est conscient des méfaits des notre monde et s'il le pouvait il changerait tout d'un seul coup ... mais il sait très bien que ce n'est pas possible, qu'il faut faire avec les humains qui l'entour, aussi il déplore que les choses soit longues à changer mais il n'y peut rien, aussi il passe par l'explication, les petites avancées. Et c'est utile car il est crédible pendant que nous, nous qui nous agitons, qui vociférons, qui râlons contre tout (à juste raison par ailleurs) nous perdons chaque jours plus d'audience ... ce qui est contre productif. Nous ne pouvons malheureusement pas faire le bonheur des gens contre eux, il nous faut faire avec eux. Et c'est lent, très lent, trop lent.

Catherine Pigré : J'ai bien compris son point de vue... mais pourquoi n'avons nous pas d'audience ? vous voulez vous soumettre à la grande majorité qui n'a pas d'exigence, qui ne veut pas se remettre en question, qui n'entend répondre qu'à ses désirs de toute puissance... c'est de ça que nous sommes malades... désolée mais je ne choisis pas le nivellement par le bas...

Christophe Bombled : J'entends très bien vos arguments avec lesquels je suis d'accord pour la plupart. Je pense aussi que Bruno a été très clair sur ma position. Ce que je nous reproche, c'est l'absence de discours positif, nous sommes au fond des conservateurs qui nous opposons à tout. Je ne dis pas qu'il faut tout accepter, être naïf, la critique est indispensable, mais il faut quand même reconnaître que si nous sommes doté d'une certaine lucidité pour faire certains constats, nous ne sommes pas doués pour ce qui est d'entraîner la société dans notre sillage. Maintenant j'irai plus loin, nous reprochons à "nos adversaires" leur incapacité à changer de logiciel. Mais nous, sommes nous capables de changer de logiciel et d'interroger nos modèles de pensée qui, pour beaucoup, sont nés dans les années 1970, au regard des enjeux présents et futurs et des savoirs actuels ? Par exemple (attention, je m'attaque à un sujet tabou, âme sensible s'abstenir), plus le temps passe, plus je m'interroge sur la fixation que nous faisons sur le nucléaire. Les choses étant ce qu'elles sont et compte tenu de l'urgence et de la gravité climatique, je pense par exemple qu'il conviendrait de faire un moratoire sur la lutte contre le nucléaire et se mobiliser nos forces sur les économies d'énergie et l'efficacité énergétique et sur notre sevrage au pétrole qui passe par une réorganisation du territoire (en gros, repeupler les petites villes et vider les banlieues pavillonnaires) et par une réflexion sur les transports en commun et par un travail sur les huiles d'algues auxquelles je crois beaucoup pour le remplacer (au moins partiellement). Je m'explique, compte tenu du niveau de notre consommation d'énergie électrique en France, il est illusoire de penser que l'on pourra remplacer (et en plus rapidement) celle-ci par de l'électricité issue exclusivement des énergies renouvelables (sauf à noyer des vallées entières dans les Alpes, couvrir le pays d'éoliennes, couvrir les toits de PV, repenser entièrement le réseau électrique, le tout à un prix astronomique, cela me fait beaucoup de mal de le dire, mais c'est malheureusement le constat que l'on peut faire quand on se penche sur les chiffres). En plus, l'exemple allemand montre que les énergies renouvelables (qui sont extrêmement consommatrices en métaux dans des proportions bien plus importantes que les autres énergies) ne viennent pas remplacer les énergies fossiles et nucléaires, mais viennent se rajouter à elle. Par ailleurs, la sortie du nucléaire entraîne chez nos voisins un boum du charbon qui est une vraie saloperie. Le Japon va pour sa part se doter massivement de centrales au gaz, ce qui, compte tenu de sa consommation, va tendre un peu plus le marché et donc creuser encore plus les déficits publics français ce qui va encore plus nous ralentir dans la prise de virage nécessaire, encourager l'exploitation des gaz de schiste (étant précisé que les japonais travaillent à récupérer les hydrates de méthane pour sortir de leur dépendance énergétique, s'ils y arrivent, ce sera une vraie catastrophe climatique car les réserves mondiales sont immenses) et accélérer le relargage de tonnes supplémentaires de co² dans l'atmosphère. Est-ce cela que nous voulons ? Moi pas. Je me répète, si je ne crois pas, pour beaucoup de raisons, que la solution à terme passe par le nucléaire, je pense qu'actuellement, nous devons peut-être accepter de faire avec, pour nous concentrer sur les économies d'énergie qui rendront certainement a terme plus pertinentes les énergies renouvelables. Je ne sais pas si la vérité est là, ce que j'essaye de faire, c'est d'interroger mon logiciel et de voir honnêtement si je suis capable de le changer face à des arguments pertinents. C'est un exercice bien difficile(en tous les cas pour moi) et qui force à la modestie.

Catherine Pigré : "Il faut sans cesse s'appuyer sur une avant-garde agissante. Il n'existe jamais de consensus préalable à l'innovation. On n'avance pas à partir d'une opinion moyenne qui est, non pas démocratique, mais médiocratique ; on avance à partir d'une passion créatrice. Toute innovation transformatrice est d'abord une déviance." Edgar Morin...

Christophe Bombled : Intéressant, Edgard Morin parle de passion et non de raison (voir plus haut). Toutefois, cette phrase n'est qu'un constat et ne démontre nullement qu'être à la marge est suffisant pour penser que l'on a raison. Hitler, Staline, Pol pot et beaucoup d'autres grands criminels (la liste est effroyablement longue) étaient d'abord à la marge, mais ils ont su, en jouant sur le registre émotionnel et en bridant tout débat démocratique, entraîner des millions d'hommes dans leur folie de haine destructrice. Maintenant, je pense qu'effectivement il est indispensable qu'il y ait des gens à la marge qui remettent en cause le fonctionnement de nos sociétés, mais pour autant cela ne doit pas les dispenser de se soumettre à la critique démocratique, c'est même le seul moyen pour tout le monde d'évaluer si les thèses qu'ils défendent sont bénéfiques (fin de l'esclavage, égalité des sexes, mariage homosexuel,...) ou maléfiques.

Catherine Pigré : Passion CREATRICE et INNOVATION transformatrice... n'oubliez pas tous les termes...on est dans la conviction mais aussi la transformation, le projet et pas le projet DESTRUCTEUR (à la différence de Hitler, Staline PolPot) donc la raison... E.MORIN se situe dans le champ de la démocratie...On n'avance pas à partir d'une OPINION MOYENNE qui est, non pas démocratique mais MEDIOCRATIQUE"... L'opinion moyenne aujourd'hui, c'est celle qui s'incarne dans le consumérisme et donc la toute puissance (passion) qui n'a rien de créateur (soumission au pouvoir des marchés et perte de la notion du politique par la PERTE DU LIBRE ARBITRE, condition essentielle pour bouleverser les choses : un beau conditionnement... Hitler et consort doivent être vexés car on peut savoir réagir à la force physique, mais peu à la force mentale et psychologique, en tout cas, c'est encore trop long dans nos sociétés peu au fait de ces mécanismes)... l'opinion moyenne est donc bien médiocratique (constat et non jugement) et le désir de rassemblement pour une transformation ne tient donc pas... l'absence de conscience de cette opinion moyenne est bien un obstacle car elle se suffit seulement d'ajustements et non de transformation...

Christophe Bombled : Certains vous diront que votre projet n'est pas créateur puisqu'il consiste au préalable à détruire le système capitaliste. Par ailleurs, les monstres sanguinaires dont nous parlons étaient dans une passion créatrice (délirante et abjecte) et une innovation transformatrice (mais destructrice). Maintenant, je suis d'accord, il est exact que l'innovation ne provient pas du consensus (ce serait d'ailleurs contraire au principe de l'homéostasie). En revanche, il est nécessaire qu'il y ait consensus pour que l'innovation perdure. Une innovation imposée de force ne survit pas très longtemps (car là encore contraire à l'homéostasie). Il suffit de voir ce qu'a donné comme résultat le mythe de la dictature du prolétariat. On ne commence pas à avancer à partir d'une opinion moyenne, certes, mais on ne peut pas continuer à avancer sans cette opinion moyenne (sauf à vouloir considérer que la société est au service de nos idées personnelles, ce qui est de la dictature). On en revient donc à ce que je soutenais au début de ce long échange (dont je vous remercie bien chaleureusement au passage), à savoir que pour qu'une idée innovante perdure, elle doit nécessairement faire l'objet au minimum d'une adhésion majoritaire en démontrant qu'elle n'est pas mortifère lors du passage de l'application particulière à l'application générale pour ensuite faire consensus jusqu'à la prochaine innovation. Dans ce processus, l'idée innovante initiale fera nécessairement l'objet d'ajustements et de compromis (notamment en raison du changement d'échelle : on passe d'une application micro à une application macro : par exemple, c'est peut-être une bonne idée au niveau individuel d'avoir une piscine particulière de 40 m², cela l'est surement moins au niveau collectif si tout le monde en a une de cette surface, le compromis serait peut-être que soit chacun ait une petite piscine à boudins ou encore qu'il y ait de grandes piscines collectives) afin que la majorité puisse se l'approprier et en bénéficier. Et tout cela, de mon point de vue, ne peut se faire que dans le dialogue, ce qui est long, très long.

Catherine Pigré : Nous sommes d'accord : ce qui est long, très long... or, il y a urgence, on fait comment ? "on ne peut pas continuer à avancer sans cette opinion moyenne", certes mais je pense que vous ne prenez pas assez en compte l'état des mentalités de nos sociétés : l'opinion moyenne est aujourd'hui dans une démarche individualiste qui a oublié le sens de l'intérêt général, un beau travail de la pensée consumériste, bien joué... on opère sur le terrain du conditionnement et ce n'est pas une mince affaire, il est en marche à l'échelle mondiale depuis la fin de la guerre, je vous raconte pas le boulot... des générations entières sont inscrites dans ce conditionnement... pourquoi l'écologie politique (qui a pour essence l'intérêt général et un intérêt général élargie à tout le vivant) ne marche pas et bien pour cette essentielle raison, je pense... On est dans l'esprit social d'avoir pour être... Votre exemple de la piscine est intéressant comme illustration : la piscine collective suffit, je pense, il y en a à foison, car elle s'inscrit dans une rationalisation de l'eau et offre l'ouverture vers l'autre...la piscine à boudins est encore une manifestation de l'avoir pour être car elle est à multiplier en millions (et woui, nous ne sommes pas seuls) et pas de rationalisation de l'eau, utilisation de matières douteuses à la fabrication et peu d'ouverture à l'autre... et mieux que tout cela, il y avait les rivières, les lacs... pollués ou à sec par notre soif d'avoir... dommage... urgence et dégradation du sens de l'intérêt général... on fait comment? Et merci aussi pour cet échange...

Bruno Bombled : C'est moi qui vous remercie tous les deux pour ces échanges véritablement intéressants.