"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

mardi 30 avril 2019

Brésil : 100e jour de deuil pour l’environnement et la pensée

Élu avec le soutien du puissant lobby agroalimentaire, Jair Bolsonaro vient de fêter son 100e jour à la tête de l’État brésilien. L’environnement, lui, est en deuil. Depuis son arrivée au pouvoir, on ne compte plus les coups de boutoir que le nouveau président a portés à la politique environnementale de son pays. Si ce travail de sape porte préjudice avant tout à la population brésilienne, en particulier aux peuples autochtones, il a aussi des répercussions sur notre assiette et notre climat.



1. Neutralisation du ministère de l’Environnement

Avant même son élection, le nouveau président avait annoncé qu’il supprimerait le ministère de l’Environnement. Les nombreuses critiques l’ont contraint à renoncer à ce projet, mais il n’en a pas moins réussi à totalement démanteler le ministère. Tout d’abord, il a nommé à sa tête un avocat d’affaires, Ricardo Salles. Alors qu’il était secrétaire à l’environnement de l’État de São Paulo, il a été condamné pour fraude administrative au profit de compagnies minières, et a déclaré que le changement climatique est un problème « secondaire ».

Ensuite, le président Bolsonaro a adopté une flopée de mesures et de décrets visant à affaiblir le ministère de l’Environnement en le privant, à petit feu, de ses moyens d’action.

2. Liquidation des territoires autochtones

Lors de ses 100 premiers jours au pouvoir, J. Bolsonaro a commencé à mettre à exécution ses promesses de campagne, à savoir en finir avec la démarcation des terres indigènes et ouvrir ces dernières à l’exploitation minière, agricole et forestière.

Il a privé la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI) de sa responsabilité de délimiter les territoires indigènes, la transférant au ministère de l’Agriculture. Teresa Cristina, à la tête de ce ministère, a déclaré être « favorable au développement de l’agro-négoce sur les terres indigènes ». Selon la FUNAI, 115 territoires indigènes étaient en attente d’être démarqués au début de l’année.

Ces mesures mettent en péril la forêt amazonienne, où se situent la plupart des territoires indigènes, et aggravent la détresse des peuples autochtones et les violences qu’ils subissent.

Les terres indigènes, qui représentent 13 % du territoire brésilien, constituent un rempart contre la destruction de la forêt : seulement 2 % de la déforestation de la forêt tropicale a lieu à l’intérieur des territoires autochtones.

Lire l’appel des peuples indigènes du monde entier à protéger la nature.

3. Bazardage de la forêt amazonienne

Le président, tout comme ses ministres, ne cessent de répéter dans les réunions internationales que le Brésil va ouvrir encore davantage ses forêts à tous types d’industries. Il a par exemple proposé à D. Trump un partenariat pour explorer l’Amazonie. Cela serait non seulement illégal mais, en outre, irait à l’encontre de la souveraineté du Brésil puisque les zones protégées et les terres indigènes, qui appartiennent aujourd’hui à l’État, pourraient tomber aux mains d’une poignée d’entreprises étrangères.

4. Autorisation en masse de pesticides dangereux

En à peine trois mois, le nouveau gouvernement a autorisé l’utilisation de 121 nouveaux pesticides – un record (à titre de comparaison, 13 pesticides avaient été autorisés sur toute l’année 2010). Or 41 % de ces substances sont classées comme très toxiques ou extrêmement toxiques.

La majeure partie de ces pesticides sont utilisées pour les cultures du maïs ou du soja, qui servent ensuite à alimenter le bétail, au Brésil mais aussi dans le monde entier, et notamment en Europe (37 % du soja importé dans l’UE vient du Brésil). Ainsi, même si certains de ces pesticides sont interdits en Europe car trop dangereux, ils pourraient bien se retrouver directement ou indirectement dans nos assiettes.

La politique de sape environnementale de J. Bolsonaro sert les intérêts des industriels qui l’ont fait élire, au détriment de la santé de la population brésilienne, des droits des peuples autochtones et de la préservation de la biodiversité. Alors que la déforestation est repartie à la hausse au Brésil, l’ouverture des territoires autochtones et des forêts aux industriels ne présage rien de bon non plus pour le changement climatique. C’est aussi le climat mondial qui porte le deuil.

Texte : Greenpeace

4. Breaking news : l'interdiction de penser

Le président du Brésil a une vision bien singulière de ce que doit être l’enseignement. Selon maître Jair Bolsonaro, penser par soi-même, aiguiser son esprit critique, relève du supplément d’âme. Dans la lignée des brûleurs de livres, ce chantre de l’extrême droite a ainsi décrété vendredi, dans un tweet hallucinant, que la philosophie et la sociologie ne feraient plus l’objet de financements publics dans les universités fédérales. Au diable les sciences humaines, place aux filières rentables,...

samedi 13 avril 2019

TRIBUNE Lettre ouverte de SOS Méditerranée à Christophe Castaner

SOS Méditerranée a souhaité réagir aux propos du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner qui, le 5 avril dernier, s'est exprimé sur les ONG venant en aide aux migrants. Il a notamment évoqué une « collusion » entre les ONG et les passeurs. Francis Vallat, président, et Sophie Beau, directrice générale de SOS Méditerranée ont donc décidé de rédiger une lettre ouverte au ministre.


« Marseille, le 9 avril 2019

Monsieur le Ministre,

Nous avons pris connaissance de vos déclarations concernant les ONG de sauvetage en mer, lors de la conférence de presse clôturant la réunion des ministres de l’intérieur du G7, vendredi 5 avril.

A la question suivante d’un journaliste : « Nous savons que M. le Ministre italien Matteo Salvini, a une position très claire concernant le rôle des ONG en mer Méditerranée, c’est-à-dire que les ONG aident les filières de passeurs. Je voudrais savoir si sur ce point en particulier il y a un accord entre les pays européens au sein du G7 ? », vous avez répondu :

"Vous semblez découvrir une réalité documentée et évoquée depuis juillet 2017. (…) Ce que nous savons, c’est que les ONG jouent un rôle essentiel pour apporter une aide aux migrants, cela ne fait aucun doute. Toutefois, en Méditerranée centrale, on a observé de façon tout à fait documentée, je vous le dis, une réelle collusion, à certains moments, entre les trafiquants de migrants et certaines ONG. On a observé que certains navires d'ONG étaient ainsi en contact téléphonique direct avec des passeurs qui facilitaient le départ des migrants depuis les côtes libyennes dans des conditions effroyables, souvent au péril de leur vie. Les ONG, dans ce cas-là, ont pu se faire complices des passeurs. Les ONG doivent avoir une attitude responsable."

Ces propos relaient de graves accusations à l’encontre des ONG de sauvetage en mer, dont l’action a été attaquée en Italie dès le début de l’année 2017, dans un climat politique délétère. Or à notre connaissance il ne s’agit que de rumeurs : aucune de ces accusations n’a jamais été démontrée ni étayée par la moindre preuve. Aucune des procédures judiciaires entamées n’a abouti. Aucune de ces allégations ne peut viser SOS MEDITERRANEE.

Parce que vos déclarations portent atteinte à leur honneur et à leur considération et jettent un discrédit général sur les acteurs du sauvetage en mer, dont l’action est plus que jamais aujourd’hui entravée en Méditerranée centrale, nous vous demandons instamment des précisions, des preuves, à l’appui de ces allégations.

Nous vous demandons également de rétablir les faits concernant les ONG de sauvetage, telles que SOS MEDITERRANEE, qui travaillent systématiquement dans le respect absolu du droit maritime international, en toute transparence et en totale coordination avec les autorités maritimes, ce que vous n’ignorez pas. Nous n’avons jamais eu et n’aurons jamais le moindre contact avec les passeurs et trafiquants d’êtres humains dont nous sommes les premiers à condamner les agissements criminels.

Nous vous rappelons que la mer Méditerranée centrale reste l’axe migratoire le plus mortel au monde où plus de 18.000 personnes ont perdu la vie ces cinq dernières années. Pourtant, le droit y est bafoué depuis le mois de juin 2018, avec la fermeture des ports italiens et le transfert des responsabilités du sauvetage aux garde-côtes libyens. Depuis, aucun mécanisme de débarquement des rescapés conforme au droit maritime n’a été mis en place par les Etats européens.

Pour conclure, Monsieur le Ministre, vous demandez que les ONG aient une attitude responsable. Nous en appelons à votre responsabilité pour faire cesser les attaques infondées, et protéger les acteurs du sauvetage en mer injustement incriminés. Car, alors que l’Union européenne a progressivement abdiqué son devoir d’assistance en Méditerranée centrale, il est de votre responsabilité et de celle des autres Etats européens de faire appliquer le droit. Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.

Francis Vallat Président
Sophie Beau Cofondatrice et directrice générale SOS MEDITERRANEE France »

Photo : Laurin SCHMID / SOS MEDITERRANEE / PICTURE ALLIANCE