"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

dimanche 24 juin 2018

Destruction de la nature : un crime contre l’humanité

Personne n’aurait imaginé que nous perdrions aussi les hirondelles, en même temps que les abeilles. Les humains seront-ils les prochains ?


C’est la première fois. La première fois depuis quinze ans pour l’un, quarante ans pour l’autre, que nous travaillons dans la protection de l’environnement, que nous entendons cela. Dans notre réseau professionnel et amical, des directeurs de grandes associations naturalistes, des responsables de réserves naturelles nationales, des naturalistes de terrain sont de plus en plus nombreux à le dire, en «off» : «C’est fichu !» Ils n’y croient plus. Pour eux, les politiciens, les industriels mais aussi le grand public, personne ne comprend la catastrophe environnementale qui s’est enclenchée.

Ils continuent la lutte car il faut bien le faire, mais au fond, ils pensent que l’homme ne pourra pas faire machine arrière, c’est terminé. Nous courons à notre perte.

Quand on a, comme nous, consacré sa vie à la protection de l’environnement, de tels discours font froid dans le dos. Jusqu’ici, nous autres naturalistes, pensions que nous arriverions un jour à faire bouger les choses, à faire prendre conscience à l’humanité de son autodestruction. Mais si même nous n’y croyons plus, qui y croira ?

Ce printemps est un printemps vide. Les hirondelles, il y a encore quelques années très communes dans les villages, sont en train de disparaître à grande vitesse. On savait qu’on risquait de perdre un jour les éléphants. Que les guépards suivaient la même piste. Mais personne n’aurait imaginé que nous perdrions aussi les hirondelles, en même temps que les abeilles. Est-ce vraiment cela dont nous voulons ? Un monde sans éléphants, sans hirondelles ? Sans abeilles ? Aujourd’hui, plus de 12 000 espèces sont menacées d’extinction (et sans doute bien plus, certaines étant encore inconnues de la science). Depuis combien de temps n’avez-vous pas vu un hérisson autrement que sous forme de cadavre en bordure de route ? Depuis combien de temps n’avez-vous pas vu un hanneton butiner la haie fleurie au fond du jardin ? Ces animaux étaient communs, il y a encore peu de temps. Et plus besoin de nettoyer la calandre de la voiture après un long voyage. Il n’y a quasiment plus d’insectes écrasés dessus…

Les apiculteurs constatent un effondrement sans précédent au niveau des abeilles et des insectes pollinisateurs en général, avec toutes les questions agricoles et environnementales que cela pose. Comment allons-nous continuer à produire des fruits et des légumes sans insectes pollinisateurs ?

Dans le milieu des agriculteurs sensibles à l’environnement, une autre inquiétude est bien présente, depuis quelques années maintenant : les risques de grandes famines à venir, dues à l’agriculture industrielle, à la surexploitation des sols, à l’érosion et à la diminution des terres agricoles.

Contrairement à certains de nos amis naturalistes et scientifiques, nous espérons qu’il est encore possible pour l’homme de réagir, de se sauver, et donc de sauver ses enfants. Mais seulement si nous réagissons maintenant. Chaque jour, chaque heure compte désormais dans le compte à rebours.

Certains journalistes ont une grande part de responsabilité dans ce qui est en train de se passer, eux, qui sont censés donner l’alerte, eux, qui sont au courant des chiffres terrifiants de la situation écologique. Eux qui, lors des interviews des hommes politiques, ne posent presque jamais de questions sur l’environnement. Eux qui préfèrent consacrer des journaux entiers à des faits divers et autres informations malheureusement tellement dérisoires au regard de ce qui est en train de se jouer pour l’humanité.

Nous continuons de nous regarder le nombril, pendant que tout s’effondre autour de nous.

A chaque fois qu’un naturaliste essaie d’alerter l’opinion publique, on lui retourne qu’il est «moralisateur» ou «culpabilisant». Dirait-on à un assistant social qui explique à des parents mettant en danger leurs enfants l’urgence de changer de comportement qu’il est «moralisateur» ? Qu’il est «culpabilisant» ? Alors pourquoi, sur l’environnement, avons-nous le droit de mettre en danger l’avenir des enfants ? Pourquoi avons-nous le droit de leur donner à manger des aliments gorgés de pesticides ? De respirer un air pollué ?

Il est possible de retourner la situation, si ceux qui nous gouvernent et si les journalistes, qui doivent alerter l’opinion, prennent leurs responsabilités. Aujourd’hui, les politiques accouchent de «COP 21» médiatiquement parfaites mais dont les objectifs (inatteignables) font grimacer la communauté scientifique tant ils sont désormais irréalistes et non soutenus par des actions concrètes. C’est à nous citoyens qu’il appartient de montrer le chemin, en faisant pression pour que l’environnement devienne une priorité absolue.

On rétorque depuis des années aux scientifiques et aux naturalistes qu’ils sont «anxiogènes». Mais ce n’est pas d’alerter, ce n’est pas de parler du problème qui est anxiogène. C’est de laisser faire les choses sans réagir, alors qu’on a encore quelques moyens d’agir. Ce qui est anxiogène, ce sont les résultats d’études scientifiques qui s’accumulent depuis des décennies et qui vont aujourd’hui tous dans le même sens de l’accélération et de l’irréversibilité.

Nous devons urgemment apprendre à vivre avec mesure. Avant de se demander quelle énergie utiliser, il faut faire des économies d’énergie. Nous sommes dans une surconsommation énergétique, à l’échelle de la société comme à l’échelle individuelle. Cela pourrait être changé.

Nous devons aussi nous remettre à réfléchir à un thème banal dans les années 80 et devenu au fil du temps complètement tabou : la surpopulation. La société française reste profondément nataliste, tout comme le reste de la planète. Nous serons bientôt 8 milliards d’êtres humains sur Terre, engloutissant toutes les ressources.

Pourquoi faire autant d’enfants si c’est pour leur laisser une planète ravagée et l’impossibilité d’avoir une vie correcte ? A l’heure des enfants rois, nous leur faisons le pire des cadeaux : un environnement dévasté, une planète à bout de souffle.

Ne pourrions-nous pas faire preuve d’intelligence, nous, qui nous sommes hissés de facto au sommet de la pyramide du vivant ? Faire de deux domaines porteurs et concrets, l’alimentation bio et l’écoconstruction, des urgences prioritaires. Arrêter la course à la surconsommation. Réfléchir à notre façon de nous déplacer. Adhérer aux associations de protection de la nature. Ces dernières sont toutes extrêmement fragiles. Elles œuvrent à protéger l’humanité, mais leurs (maigres) subventions sont en permanence réduites, quand elles ne sont pas coupées. Cela demande un courage réel que de non plus changer de logiciel de vie, mais plutôt le disque dur de nos existences.

Nous appelons le gouvernement à écouter désormais Nicolas Hulot et à lui laisser la place et la marge de manœuvre promises. Nous sommes au-delà de l’urgence. Ceux qui auront contribué à la destruction de la nature, et donc des hommes, seront accusés, et peut-être même qui sait un jour jugés, pour «crime contre l’humanité». Car plus que la planète encore, c’est l’homme qui est aujourd’hui en danger.

Photo Christian Décout. Biosphoto

mercredi 13 juin 2018

Naufrages


À bord de l'Aquarius se trouvent 629 réfugiés dont 123 mineurs, 7 femmes enceintes et relativement peu de vivres. Qui va donc "oser" venir en aide à l’Aquarius ? Sûrement pas la France "qui a déjà pris sa part" selon le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux qui obtient la palme de l’ignominie chez LREM. De son côté pour le député Eric Ciotti (LR), “aucun port français” ne doit accueillir l'Aquarius et ses migrants qui devraient être renvoyés en Libye, qu'importe le sort qui est réservé à ceux qui ont été renvoyés dans leurs pays d'origines. Mais qu'attendre d'autre du toujours odieux Ciotti ? Qu'attendre d'autre du parti du toujours odieux Wauquiez ? Manque de vivres, mauvaises conditions météo, et port espagnol trop éloigné : face à l'urgence, le Conseil exécutif de Corse, via Gilles Simeoni, a proposé à SOS Méditerranée d'accueillir l'Aquarius dans un port Corse. La Corse aura donc redonné son honneur à la France. Finalement ce sera en Espagne que le navire accostera et ainsi, pendant que l’Italie et Malte se drapent de honte, que l’Europe se tait, la France regarde ses pieds.

Par ailleurs et au moment où Macron estime que les "aides sociales coûtent un pognon dingue", les députés apprennent en commission des finances à l’Assemblée Nationale que le coût de l’« exit tax », cadeau fiscal aux patrons au nom de la lutte contre les délocalisations, pourrait coûter 6 milliards au budget de l’Etat. Rappelons que le coût des minima sociaux est très inférieur à celui de la fraude fiscale. Et non, les aides sociales ne sont pas inefficaces : la France a un des taux de pauvreté les plus faibles d'Europe. S'il sabre dans ce budget, Macron va détériorer la situation de 7 millions de Français. La politique d'Emmanuel Macron a le mérite de la simplicité : responsabiliser les pauvres en leur donnant moins, responsabiliser les riches en leur donnant plus. La vérité c'est que les riches nous coûtent un pognon de dingue et ça augmente sans arrêt. Personne ne sait ce qu’ils font de tout leur fric mais ça ne résout rien du tout, ça ne résout pas le chômage, aucun ruissellement, rien.... Et ça fait quoi ? 30 ans, 40 ans que ça dure, à leur en donner toujours plus sans que cela ne ruisselle jamais.

Par ailleurs encore, la FNSEA s’est dit est opposée à l'utilisation de l'huile de palme dans les biocarburants … non pas pour des raisons environnementales (c'est fou comme je ne suis pas étonné) mais pour des raisons capitalistes et depuis le début de la semaine bloque les dépôts de carburants de la métropole. Ainsi la FNSEA ne mobilise ses troupes que pour défendre les intérêts du groupe Avril, concurrencé par le pétrolier Total, pour capter le marché des agrocarburants, nous informe la Confédération Paysanne. Pour rappel, le groupe Avril importe, par an, 200.000 tonnes d'huile de palme quand Total, à La Mède, s'est vu autoriser par l’État la possibilité d'en importer 300.000 tonnes par an. Rappelons également que le gouvernement maintient l'autorisation d'importer massivement de l'huile de palme par Total afin de vendre des avions Rafale à la Malaisie, producteur d'huile de palme. Définitivement j'adore ce gouvernement qui sait si bien entretenir la destruction et la mort.

Alors devant tous ces naufrages je préfère penser qu’il y a 20 ans disparaissait Eric Tabarly. Bizarrement, cet homme qui était militaire donc probablement attaché à l’ordre et l’obéissance, m'a fait découvrir l'insoumission. A l'instar de Bernard Moitessier il m'a fait découvrir les plaisirs de la contemplation océane. Je pense à lui et à tous les gens de mer que j'aime. Devant tous ces naufrages je préfère aussi penser que lundi dernier, le 11 juin, c’était le Cousteau Day et l'occasion pour nous tous de réfléchir sur notre impact écologique et sur notre durabilité afin de trouver la force de la sobriété heureuse et du renoncement, de trouver également, encore et toujours, les meilleures actions individuelles et collectives pour préserver notre seul et unique vaisseau spatial, siège de notre seul avenir. Amitiés à tous et que la bienveillance inspire toujours vos pensées malgré une humanité fort peu humaine.