Avec ou sans projet inutile et imposé à Notre Dame des Landes, la ZAD reste une belle expérience alternative, écologique et pacifiste qui montre ce qu'est l'essentiel dans la vie et je comprends combien ce doigt, pointé sur notre consumérisme, bouscule notre tranquillité, notre chacun pour soi, notre compétitivité, notre monde artificialisé et monétarisé, nos certitudes technologiques et modernistes, notre haine pour la nature sauvage et qu'ainsi elle devienne la priorité à abattre. Longue vie à la ZAD !!!
Bruno Bombled
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La remise du rapport de médiation sur Notre-Dame-des-Landes, mercredi 13 décembre, marque un tournant majeur dans une longue et passionnante histoire. Les trois médiateurs concluent - conclusion avalisée par le Premier ministre Edouard Philippe - que l’aménagement de l’aéroport nantais existant est réaliste, possible, et moins coûteux que la construction d’un nouvel aéroport dans le bocage.
C’est la confirmation de ce que suggéraient les opposants depuis de longues années. Un rapport gouvernemental vient enfin donner raison à ce que les citoyens proposaient bien antérieurement. Que de temps et d’énergie perdus !
À mots couverts - « constats erronés » -, la mission de médiation constate aussi les erreurs commises, pour ne pas dire les mensonges, par la Direction générale de l’aviation civile, et dont Reporterre avait établi plusieurs exemples, dont une ahurissante manipulation des chiffres.
Les médiateurs éclaircissent aussi la question des nuisances sonores et innovent en soulignant les enjeux d’étalement urbain qu’impliquerait la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
En revanche, ils ne remettent pas en question les perspectives de trafic aérien, et continuent à tabler sur 9 millions de passagers en 2050 - comme si les émissions de gaz à effet de serre du trafic aérien pouvaient être négligées, et comme si les prévisions passées n’incitaient pas à la prudence : en 1973, une étude prédisait pour l’an 2000 six millions de passagers à Nantes [1] - un chiffre qui n’a toujours pas été atteint en 2017 (5,7 millions de passagers)...
En tout cas, le gouvernement a en main les éléments lui permettant de prendre la décision rationnelle qui s’impose : abandonner enfin ce projet de Notre-Dame-des-Landes.
L’ordre public, c’est la paix, pas les gaz lacrymogènes
On ne peut affirmer qu’il le fera. Mais il est légitime d’en faire l’hypothèse. C’est alors un autre problème qui se pose : celui du destin des 1.650 hectares de terres disputés, et que l’on appelle la « Zone à défendre », la Zad.
Des pro-aéroport, des députés, des "sources" au ministère de l’Intérieur multiplient les déclarations sur le terrible danger que représenteraient les zadistes et appellent à l’évacuation, comme si le sort de la République était en jeu. Un article délirant de Valeurs actuelles assure même que des zadistes « menacent de se jeter du haut d’un arbre pour se tuer sur un gendarme ».
Il ne fait pas de doute que le gouvernement soupèse la possibilité de tenter une « évacuation » de la Zad, avec force gendarmes, CRS, drones, et autres engins et armes de toutes sortes. Mais si M. Macron avait assuré en février qu’il se « préoccupait de l’ordre public », il assurait : « Je ne veux pas d’évacuation, il n’y aura pas de brutalité ».
Mercredi, M. Philippe a parlé d’ordre public : la décision du gouvernement permettra « de garantir un retour à la normale, notamment s’agissant des questions relatives à l’ordre public ». Mais l’ordre ne signifie pas mécaniquement la présence de soldats et de policiers ; il désigne une situation calme, où l’on vaque à ses activités dans le respect des règles collectives et d’autrui.
Voici la porte qui s’ouvre : les paysans et les habitants de ce qu’on appelle encore la Zad veulent simplement vivre là, dans un coin de bocage qui reste un milieu écologique riche et divers. Un lieu où s’est élaborée en quelques années une façon d’être ensemble différente de la société de consommation, mais originale et prometteuse, où se vit la sobriété matérielle qui est une voie d’avenir pour éviter le chaos climatique et la dégradation accélérée de l’environnement. Des naturalistes, des paysans observent qu’il est possible de mettre en œuvre, ici, une agriculture fructueuse mais respectant le milieu. Et les médiateurs proposent que la Zad devienne « un terrain d’expérimentation de pratiques agroenvironnementales rénovées, sous le pilotage des acteurs locaux. »
Il est temps de transformer la Zad en Zaï : Zone à imaginer. De la concevoir comme un bien commun, un terrain d’expérimentation, une zone où le collectif de celles et ceux qui y vivent pourrait élaborer les formes écologiques et sociales d’une communauté écologique exemplaire. Il faut du courage imaginatif des deux côtés : du côté du gouvernement, pour ne pas céder aux sirènes hystériques qui l’appellent à la guerre civile ; du côté des opposants - zadistes, paysans, associatifs, naturalistes, habitants, élus - pour accepter de la rendre possible cette évolution, en négociant avec l’Etat. Il s’agit au fond d’imaginer la paix, qui est l’ordre librement consenti par tous.
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Notre-Dame-des-Landes. Des consultations défaillantes ?
Dans leur rapport sur le projet du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les médiateurs abordent, pour le balayer, l’argument du non-respect du choix démocratique.
Les supporteurs du transfert, au premier rang desquels l’ancien Premier ministre et maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, crient à l’avance au « déni de démocratie » si le projet était abandonné.
Dans leur rapport, les médiateurs commencent par fustiger le processus de consultation du débat public de 2002. Puis ils poursuivent leur raisonnement jusqu’à celle de 2016, au terme de laquelle les électeurs de Loire-Atlantique s’étaient prononcés en faveur du transfert (55,17 %).
Ils parlent de « défaillances de fond dans le déroulement du processus » . Selon eux, le public était dans « l’impossibilité d’appréhender globalement les différents enjeux et impacts du projet » . Ils remontent pour cela au débat public de 2002-2003 mené « sans vision globale » , notamment sur les dessertes en transports collectifs ou sur les impacts environnementaux. « Des questions qui sont pourtant apparues ensuite essentielles » .
État de malaise
Ils évoquent, il y a quinze ans déjà, un « état de malaise et de suspicion manifeste dès le démarrage des procédures » .
Les médiateurs estiment que « la question de l’opportunité du transfert n’a jamais été tranchée aux différentes étapes de la procédure consultative » . Et le nombre des décisions de justice (178) en faveur du transfert ne constitue pas, à leurs yeux, un argument solide. C’est au contraire un « révélateur du dysfonctionnement du processus de construction de la décision publique » .
Pour eux, la « défaillance » se poursuit jusqu’à la consultation demandée par François Hollande, alors président de la République, en 2016. « Elle n’a fait que cristalliser la situation » en raison de son périmètre (La Loire-Atlantique), de la question posée et du contenu du dossier d’information.
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