"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

jeudi 16 février 2012

En 2012, un grenelle de la Recherche

La recherche à reconstruire après les années Sarkozy

Par Alain Trautmann, le 4 janvier 2012 - Mediapart

Fin novembre 2011, on a appris que, sur décision du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) avait annulé son programme 2012 de financement sur les contaminants de l’environnement et leurs effets, programme qui avait été lancé à peine un an plus tôt... On sait que les cancers liés à l’environnement sont en forte croissance, et que l’étude de l’impact des contaminants environnementaux sur les écosystèmes, les organismes et la santé humaine sont des sujets de recherche d’une grande importance sociétale. La décision ministérielle appliquée par l’ANR indique l’importance réelle qu’accorde notre gouvernement à ces questions. Pour protester contre cette irresponsabilité, des chercheurs viennent de lancer une pétition demandant le rétablissement immédiat de ce programme de l’ANR.

Mais il ne faut pas se contenter de cela et, à partir de la question de la recherche sur les contaminants de l’environnement, poussons un peu plus loin l’analyse de l’organisation actuelle de la recherche et de la pérennité de son financement. Dans le contexte électoral actuel, un tel approfondissement de l’analyse peut avoir quelque utilité.

L’ANR est une agence de financement dont on voit une fois de plus qu’elle constitue une structure grâce à laquelle le gouvernement peut décider seul des sujets de recherche qui lui paraissent conjoncturellement importants, en se passant de l’avis des scientifiques et des parlementaires. Son horizon est politique, ce sont les prochaines élections, et non pas le développement à long terme de la recherche. Or les questions de toxicité environnementale ne sont évidemment pas des questions conjoncturelles, susceptibles d’être réglées avec des programmes de 3 ans -en imaginant même qu’ils ne soient pas annulés au bout d’un an-. De telles questions de long terme devraient être prises en charge et financées par des structures sachant fonctionner sur cette durée : les organismes de recherche (CNRS, INSERM, INRA) et les universités. Pour les étudier, il faut créer des postes, car le développement d’un secteur de recherche ne peut se faire sans investissement humain. Et d’ailleurs, parmi les promesses du Grenelle de l’environnement, figuraient la création de postes d’enseignants-chercheurs. Ces postes n’ont existé que sous forme d’annonce, puis ils ont été oubliés. Lorsqu’il s’adresse aux médias, le souriant ministre de la recherche, Laurent Wauquiez, est un ardent défenseur du Grenelle de l’environnement. Puis il décide de faire le contraire de ce qu’il a annoncé, pour des raisons sur lesquelles on peut s’interroger. Volonté de faire des économies tous azimuts ? Volonté de satisfaire des lobbies de l’industrie chimique qui n’aiment pas que l’on examine de trop près les risques liés à leurs produits, que l’on développe une expertise indépendante sur ces sujets qu’ils aimeraient contrôler ?

Les citoyens-électeurs doivent savoir que, concernant les recherches portant sur les risques environnementaux, comme pour toutes les recherches, y compris fondamentales, dont on ignore l’utilité immédiate mais dont notre pays a également besoin, nous disposons d’universités et d’organismes de recherche dont certains, en particulier le CNRS, attirent des chercheurs du monde entier. C’est à ces structures que des moyens importants doivent être attribués. Y compris en période de crise, la recherche a besoin d’investissements soutenus. La solution ne saurait être de multiplier les nouvelles structures du type ANR (agence de financement) ou AERES (agence d’évaluation de la recherche), ou LABEX et IDEX (outils de restructuration de la recherche et de l’enseignement supérieur qui, dans les faits, retirent aux organismes de recherche la possibilité de mener une politique scientifique). Il faudrait au contraire renforcer les structures de recherche conçues pour travailler sur le long terme. La politique actuelle, en tournant complètement le dos à ces principes, nous mène droit dans le mur, vers une recherche désarticulée, hoquetant au rythme de la conjoncture politique immédiate. Nicolas Sarkozy a amplement démontré son savoir-faire en matière d’annonces non suivies d’effets, son ignorance abyssale des principes de fonctionnement de la recherche. S’il est réélu, l’avenir de ce secteur d’activité sera extrêmement sombre.

Dans le contexte actuel, les petits ajustements et autre demi-mesures ne sauraient suffire. Pour pouvoir développer la recherche dans notre pays, dans sa dimension fondamentale comme dans les aspects plus appliqués (comme l’étude des risques environnementaux), il faut rompre avec les structures d’organisation de la recherche mises en place au cours des années Sarkozy, il faut donner aux organismes de recherche et aux universités les moyens de mener une politique scientifique au long terme. Cette analyse a été abondamment développée par les professionnels de la recherche et de l’enseignement supérieur. On pourrait espérer que le candidat du Parti Socialiste s’engage clairement dans cette remise à plat radicale, puis dans l’annonce d’un programme précis, chiffré. Hélas, pour l’instant on n’a rien entendu de tel dans la bouche d’un François Hollande, indécis et flou en la matière. S’il ne s’engageait pas franchement sur ces questions, son élection ne changerait pas fondamentalement la donne pour l’avenir de la recherche et de l’enseignement supérieur.

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Les investissements d'avenir : une politique absurde, dirigiste et anti-démocratique

Toulouse vient d'obtenir son IDEX (initiatives d'excellence), avec une gouvernance qui sera une université unique ayant statut de grand établissement. Les universités actuelles se transformeront en collège. L'Université de Toulouse sera ainsi dirigée par un directeur exécutif qui ne rendra compte que devant un conseil de surveillance de 12 membres dont 3 seulement seront élus ( 1 Enseignant, 1 ATOS, 1 étudiant). Pour rendre le processus irrévocable, il est prévu de faire signer un pacte dès 2012 à toutes les universités et écoles de Midi Pyrénées.

En clair, la grande place donnée à des élus dans les systèmes de gouvernance universitaire ou les comités d'évaluation hérissent les libéraux. Il s'agit donc de profiter de la disparition des structures universitaires existantes au profit des nouveaux IDEX, des ensembles géants susceptibles d'être shangaïsés en 1ère colonne, pour mettre en place des Directions Générales Exécutives nommées, avec un Conseil d'Administration où on laisse un minimum d'élus juste pour faire joli. A côté de cela, ce qui est proposé à Toulouse c'est qu'il puisse y avoir des sanctions quasi-automatiques à l'encontre des Directions des composantes de l'IDEX qui n'appliqueraient pas la politique de la Direction Exécutive : il faudrait qu'il y ait unanimité d'un "panel composé d’une majorité de membres indépendants réuni pour évaluer les dérives et proposer un recours ou des sanctions adaptées" contre les sanctions pour qu'elles ne soient pas appliquées ! N'est-ce pas merveilleux ?

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L'autonomie des Universités : une duperie dangereuse

Extrait de la lettre d'Anne Fraisse, présidente de l'Université Montpellier 3 à François Hollande - 7 Février 2012.

"comment voulez-vous que je préfère une université sous tutelle à une université autonome ?" déclarait Axel Kahn en mai 2009. C'est tout le danger de la "com" que d'enfermer les esprits savants dans une dialectique perverse. Mais comment peut-on croire que les universités sont autonomes quand elles doivent maintenant obtenir l'accord préalable de l'Etat pour voter leur budget alors que ce contrôle était exercé a posteriori lorsqu'elles n'étaient pas autonomes ? comment croire un instant que les universités sont autonomes lorsque les crédits de fonctionnement sont supprimés au profit de financements "sur projet" qui font d'elles les prestataires de service d'une politique définie par d'autres ?

Même les plus favorables à l'autonomie dénoncent aujourd'hui l'investissement financier insuffisant qui oblige les universités à geler des postes, fermer des formations, réduire les heures de cours aux étudiants ou stopper leurs investissements ... Les universités sont victimes, comme en leur temps les collectivités territoriales, d'un transfert de charges sans transfert de moyens.

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