"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

dimanche 3 janvier 2010

Quand Sarcelles ou Nanterre payeront pour Neuilly

Voici encore une loi qui est passée inaperçue du grand public. Une loi passée en catimini sans renfort médiatique pour éviter toutes réactions hostiles. Les médias auraient-ils répondu à des injonctions de l'état afin de museler toutes réactions et étouffer le scandale du "chèque cadeau éducation" offert aux clients de l'UMP ? Même moi (mais il est vrai que je suis loin d'être infaillible), je n'en avais pas entendu parler jusqu'à ces dernières semaines. Pourtant quand on navigue sur le web on trouve des articles dénonçant, en leur temps, ce nouveau dispositif, mais c'est à croire que si les choses ne sont "vues à la TV" cela ne fait pas bouger les masses. C'est peut être une Nième démonstration des limites d'Internet en matière de révolution.com.

Ainsi la loi Carle, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, institue une obligation de financement par une commune, sans accord préalable entre les parties, pour un élève inscrit dans une école privée hors de sa commune de résidence. En effet le 10 décembre 2008, une proposition de loi du sénateur Jean-Claude Carle, concernant le financement des élèves fréquentant des écoles élémentaires privées sous contrat d’association, hors de leur commune de résidence a été adoptée par le Sénat, ce texte a été, ensuite, adopté par la majorité de l’Assemblée Nationale.

Ce nouveau dispositif législatif est en rupture avec la logique même de la loi Debré du 31 décembre 1959 qui met, à la charge de la commune, les dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat avec l’État implantées sur son territoire, et elles seules. La loi Carle, elle, comme l'article 89 de la loi de 2004 aggrave cette loi Debré et crée de nouvelles obligations, ici l’usager se voit attribuer le droit d’imposer le financement de sa scolarité dans toutes les écoles privées hors de sa commune de résidence.

Alors certes, la loi Carle limite les obligations de la commune aux motifs suivants : obligations professionnelles des parents dans les communes ; l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement scolaire de la même commune ; raisons médicales. Mais les motifs ne sont justifiés qu’a posteriori par les parents autant dire que c'est mettre les communes sur le fait accompli. De plus et enfin, au-delà de ces obligations, la commune a la faculté de financer tous les autres cas.

Cette loi, en substituant au rapport institutionnel école-commune, né des lois Ferry, une relation marchande usager-commune, est un nouveau pas vers la privatisation de l’école laïque. Il constitue une menace prévisible pour l’existence des écoles des communes rurales et une fuite discriminatoire des écoles publiques de la banlieue vers les écoles confessionnelles du centre-ville. Nanterre paierait pour Neuilly…

Les défenseurs de la loi Carle introduisent, pour la première fois, une corrélation entre "liberté de l’enseignement" et obligation d’un financement public. Ils imposent aussi, pour la première fois dans une loi de l’éducation, le concept de "parité" de traitement public-privé. Manipulation éhontée, que nul n’oserait s’hasarder à établir ailleurs que dans l’enseignement. La "liberté d’aller et venir" est, après tout, tout aussi fondamentale que la liberté de l’enseignement. Pour autant, la puissance publique n’a d’obligation que pour les transports en commun et l’usager qui, par convenance personnelle et intérêt particulier, choisit le taxi, à la décence citoyenne de ne pas revendiquer le financement public de sa course.

C'est donc une loi ouvertement favorable à l’école privée, donc injuste pour plusieurs raisons :
  • Elle met en danger l’école publique de proximité, en particulier dans les campagnes, et va faire peser sur le budget de communes pauvres le financement des établissements privés voisins

  • Elle confond droit à l’éducation et droit à s’inscrire dans l’enseignement privé. Or celui-ci ne peut pas être mis à égalité avec le public, car il n’a pas les mêmes obligations, notamment l’accueil de TOUS les élèves et l’éducation à la laïcité, composante essentielle de notre citoyenneté !

Ainsi comme et avec Europe-Ecologie, je refuse que le service public d’éducation soit remplacé par un marché scolaire favorable aux plus riches, où l’argent des contribuables servirait à financer un enseignement confessionnel. Même s'il est vrai que ce billet arrive un peu tard il a le mérite de dénoncer une fois de plus les manipulations graves que nous subissons de la part d'un gouvernement résolument hostile aux services publics et les transformations majeurs, de notre pays, vers une organisation ultra-libérale injuste et élitiste. Ne les laissons plus faire, les années restantes avant 2014 sont notre dernière chance avant l'état totalitaire (cf. le billet du 16 décembre sur ce blog sur la réforme territoriale) ... faisons gagner la Gauche.


Sources : http://www.laicite-laligue.org/ ; http://www.bakchich.info/ ; Europe-Ecologie

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