Dans les années 50, Albert Falco, alors jeune équipier de la Calypso, découvre le monde et ses dérives. Déjà, à l’époque, il voit la beauté du Monde et pressent les dégradations à venir que l’Homme, au fur et à mesure de son développement, va infliger à son environnement. D’un chasseur sous-marin émérite, Albert Falco, deviendra rapidement une conscience éclairée de l’urgente nécessité de préserver l’environnement. Cela se sent parfaitement dans son livre, « capitaine de la Calypso » (Arthaud Ed.) et en voici trois courts extrait.
Page 167 : "[...] En 1954, nous entrons dans le Port de Mahé, où nous nous accordons plusieurs jours d'escale. Les Seychelles, avant le tourisme : une pure splendeur ! ... Si la notion de paradis terrestre a jamais signifié quelque chose, c'est ici ... [...]". Falco avait parfaitement compris le danger de l’industrie du Tourisme. " [...] Les plus fameuse îles des Maldives subissent la pression des Hommes, notamment des touristes. [...]" se désole-t-il, en 1967. Le Tourisme, l'un des maux du siècle. Le tourisme, une industrie bien aussi polluante et destructive que n’importe quelle autre industrie. Et en effet, le tourisme de masse est une véritable plaie, tant pour les peuples envahis par des hordes de gras touristes profiteurs et vulgaires, en short et en tongues, que pour l'environnement que ces derniers, rien que par leur unique présence, viennent polluer, transportés par des paquebots aussi polluant que des milliers de voitures (Un paquebot, à quai, pollue comme un million de voitures).
En page 201 Falco énonce assez bien la condition de bête humaine que collectivement nous sommes : "[...] Ce ne sera pas la première fois que la Calypso mettra, sans le vouloir, son faux nez dans un coin un peu trop brûlant de la planète. Nous sommes excellents, à bord, pour deviner les réactions des requins ou des barracudas ; mais nuls quand il s'agit de prévoir les brutalités des Hommes. Cela ne m'étonne pas : les animaux obéissent à un petit nombre de stimulus (la faim, le sexe, le territoire, la hiérarchie ...). On peut analyser - donc prédire assez justement - leurs réponses. Rien de tel avec l'espèce humaine : elle agit sans logique, sous l'empire des passions, avec une brutalité qu'aucune autre espèce zoologique n'égale. Elle fait preuve d'une sauvagerie incroyable, qu'elle attribue abusivement aux requins ou aux barracudas. [...]" Constat peu glorieux pour nous mais qui n’émeut pas grand monde autour de moi.
Enfin, en page 204, Falco raconte un épisode qui s'est passé, dans le carré de la Calypso, avec Le commandant Cousteau et qui évoque sa découverte des prémisses de l’inexorable invasion humaine dans les milieux même les plus lointains : "[...] C'était à l'occasion d'une des premières mission du bathyscaphe. Ici-même dans la fosse de Toulon, en 1953 .... [...] Nous atteignons le fond de la tranchée. Mille cinq cent mètres sous la surface : le record du monde à l'époque. [...] Je distingue (dans le faisceau des projecteurs), posée sur le sédiment noir, une forme fantomatique, blanche et plate. Je m'écrie : "Une raie géante !" [...] Quand nous touchons le "monstre sous-marin", je constate qu'il s'agit ... d'un exemplaire déplié du journal Le Figaro, [...] Je me dis que la première fois que l'Homme descend à mille cinq cent mètres de profondeur, il y rencontre un vieux journal jeté à l'eau - une preuve de sa négligence et de sa saleté ... raconte le Commandant Cousteau. En voyageant autour de la Terre, nous aurons - hélas - bien des occasions de déplorer que l'espèce humaine se serve de la mer comme d'une poubelle commode et gratuite ...[...]"
Tous ces exemples d’alertes anciennes pourraient être multipliées à l’infini tant celles-ci ont été nombreuses, et l'on pourrait faire des livres entiers de toutes celles qui ont été lancées jusqu'à aujourd'hui. Ces exemples pour montrer que les alertes sont sonnées depuis des dizaines et des dizaines d’années sans que cela n’ait jamais vraiment stoppé les dégradations, cela n’ait vraiment mobilisé, cela n’ait vraiment freiné notre développement prédateur. Aujourd’hui les résultats sont là. Tous les signaux sont au rouge écarlate et personne n’ose prononcer le nom de notre état, car il n’est pas très vendeur, pas très électoralement correct, mais pourtant il faudra bien, à un moment, nommer un chat, un chat, car la situation est catastrophique.
Ainsi si en 1953 Cousteau découvrait un journal biodégradable au fond de la mer, nous, au XXIème siècle, nous pouvons observer des continents de plastiques dans les gyres océaniques qui détruisent poissons, tortues marines, oiseaux et mammifères marins. De mon coté je me souviens, lors d'une exploration du fond océanique, en 2011, avec le ROV de l'IFREMER, Victor 6000, à 5000 m au large du fleuve Congo, dans le désert de ses lobes de dépôts, que nous sommes tombés sur une bouteille de Jack Daniel's. Je me souviens, également, en Manche, d'avoir croisé, en surface, des ballons de baudruche, posés là, très certainement suite à un lâché de ballons lors d'une fête ou d’une commémoration, dans une cité anglaise ou française. Je me souviens également de cette balade faite en 2013, sur la plage Napoléon, en Camargue, constellée de déchets à perte de vue. Et c’est sans parler des images ramenées de Méditerranée, par l’IFREMER, et qui montrent des quantités affligeantes de macro-déchets en plastiques au fond de la grande bleue. Les Hommes, encore aujourd'hui, et possiblement encore plus aujourd’hui, ne voient dans la mer qu'une poubelle dans laquelle, pourtant, ils puisent leur nourriture ... en clair nous nous nourrissons dans notre poubelle. "[...] Au fil des missions auxquelles je suis associé, je deviens le témoin de la rapidité à laquelle l'environnement marin se dégrade. Je compare la richesse actuelle de la Méditerranée à ce qu'elle fut du temps que j'apprenais à nager, dans ma calanque de Sormiou. Quel effondrement ! [...] Je constate de plus en plus qu'à une scène de nature superbe succède un spectacle de saccage ou de désolation imputable à la méprisante saleté des Hommes. J'ai mal à ma mer, quand je la vois offerte aux égouts, aux effluents d'usine, au bétonnage, au cancer de l'urbanisation, au tourisme ravageur ou à la surpêche industrielle. [...]" Falco (pg 267)
Tous les signaux sont au rouge et depuis que j’écris ce blog je ne cesse de le dire et de le démontrer mais personne n’entend. En Guadeloupe 80% des récifs de corail ont disparu, d'abord à cause de la surpêche puis de la pollution, puis aujourd’hui à cause du réchauffement climatique qui achève le travail. Résultat, il y a un vrai problème de ressources halieutiques, à tel point que de façon absurde, les Hommes sont obligés de capturer, au large des côtes de l’île aux belles eaux, des alevins puis de les élever en aquarium afin de les relâcher, plus âgées, afin de repeupler des fonds aux habitats détruits. Quelles chances de succès ? Cela me fait penser à la pollinisation manuelle des plantes alimentaires, qui se pratique de plus en plus, afin de palier à la raréfaction des insectes pollinisateurs. Est-ce durable ? Jérôme Salle dit que, pour son film « l’Odyssée » qui retrace la vie de Cousteau, l’un des rares effets spéciaux qu’il a dû utiliser aura été de rajouter des poissons en Méditerranée car lors du tournage il n’y en avait plus.
Tous les signaux sont au rouge, le réchauffement climatique augmente plus rapidement que ce qui était prévu. Chaque année qui passe est plus chaude que la précédente. Les glaciers du Groenland fondent à une vitesse vertigineuse. Le niveau des mers augmente inexorablement inondant et mettant en péril les îles du pacifiques comme les Kiribati ou bien encore Palaos mais aussi les rues de Miami.
Des métropoles comme Pékin sont asphyxiées. Dans le monde, près d’un enfant sur sept, soit quelque 300 millions, vit dans une région où le niveau de toxicité de l’air extérieur dû à la pollution dépasse d’au moins six fois les directives internationales, selon un nouveau rapport de l’UNICEF. La pollution de l’air contribue grandement au décès de quelque 600 000 enfants de moins de cinq ans chaque année.
Les terres agricoles sombrent, à raison de 100 000 ha/an, sous le béton en France, les forêts boréales, au Canada, sont détruites pour extraire les dernières gouttes de pétrole et les forêts en Indonésie sont incinérées pour produire de l’huile de palme au détriment des populations locales, du climat, des derniers rhinocéros asiatiques, des tigres, des derniers orang-outans … de la biodiversité. Les populations de mammifères, poissons, oiseaux, amphibiens et reptiles dans le monde se sont effondrées de 58% en quarante deux ans (entre 1970 et 2012) et ce déclin va se poursuivre si nous ne faisons rien, alerte le WWF dans son rapport Planète vivante 2016. Quand à la biodiversité agricole son sort n'est pas plus enviable, elle est devenue pauvre en espèces et est sous le joug de quelques multinationales aux OGM cancérigènes. "L'Homme n'utilise jamais avec sagesse les richesses de la nature. Sitôt qu'il les connait, et sitôt qu'il en a la possibilité technique, il les surexploite. il puise dans le capital au lieu de se contenter des intérêts." Falco - 1975
Mais au final qu'est-ce qu'on s'en fout de tout ça, hein ? Si on veut voir des animaux on n'a qu'à aller au zoo ou regarder YouTube. Si l'on veut manger on n'a qu'à aller au supermarché ! Y'a quand même plus important dans la vie que de s'occuper de la vie sur Terre, y'a.... Y'a ?!?! Y'a la croissance à maintenir, y'a à sauver les multinationales et leurs profits, y’a à prendre l’avion pour aller se dorer la couenne sur la plage, à l’autre bout de la planète, y’a à frimer avec le dernier téléphone portable ou une belle voiture toute rutilante et toute rugissante, y’a à frimer avec son fric et son harem de filles faciles, y’a à affirmer « puisque je peux, j’ai le droit ! Et fuck le monde !!! » … Y'a plus urgent, point barre !!! Ainsi vous préférez un beau mensonge qui rassure et vous dédouane de vos responsabilités, que cette vérité vous dérange ? Qu'importe ! La réalité est là et à ne pas vouloir ralentir, ni refuser les diktats consumériste et croissantiste, ni renoncer à une bonne partie de ce qui fait notre vie d’occidentaux, ni à retrouver le sens des saisons et du local, ni renoncer aux dernières réserves d'énergies fossiles, ni à devenir sobre et frugal, et bien alors l'Homme disparaîtra par sa faute, par sa stupidité et sa cupidité, dans le sang et les larmes … et bien, bon débarras !!!
1 commentaire:
Bon article Bruno !
Es-tu donc devenu Bio-végétalien toi-aussi pour justement ne plus participer à cette destruction planétaire insensée ?
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