Depuis leur percée aux européennes de juin, les Verts sont rejoints par tous les autres partis et par Nicolas Sarkozy sur le terrain de l'écologie politique. Les électeurs "ne sont pas dupes", affirme Cécile Duflot. A trois mois des régionales, la secrétaire nationale des Verts affirme leur ambition d'être une alternative au PS et marque sa volonté de passer devant Jean-Paul Huchon en Ile-de-France. En contre-pied de Daniel Cohn-Bendit qui annonce ses sympathies pour le MoDem, elle affirme : "l'écologie politique est de gauche".
Etes-vous confiante sur l'issue du sommet de Copenhague ?
Je suis moins pessimiste qu'il y a quelques semaines. On sent un ressaisissement collectif en Europe, aux Etats-Unis et même en Chine. Il ne faudra pas juger ce sommet sur les déclarations des uns et des autres mais regarder le degré de contrainte pour la réduction des émissions de CO2 et le montant des fonds de compensation qui aideront à la transition énergétique.
L'activisme de Nicolas Sarkozy sur le terrain de l'écologie n'est- il pas un handicap pour vous ?
C'est vrai qu'on est dans une drôle de période politique. Nicolas Sarkozy peut tout dire, il n'a aucun problème avec les mots. Que ce soient ceux du Front national, de la droite, de Jean Jaurès, des écologistes. Quand ce sont nos mots, c'est difficile d'être en désaccord mais nos compatriotes ne sont pas dupes de ce marketing politique.
On n'a pas bien compris votre position sur la taxe carbone. Vous êtes pour ou contre ?
Bien sûr qu'on est pour la fiscalité écologique mais ce n'est pas une taxe que l'on redistribue en donnant un petit chèque avant les élections. C'est une contribution que l'on affecte directement à des dépenses d'économies d'énergie.
Est-ce électoralement porteur de défendre, en pleine récession, la décroissance ?
La décroissance n'est qu'un mot. Ce que nous souhaitons c'est engager la conversion écologique de l'économie. Notre modèle de production et de consommation ne répond pas à un équilibre durable de la planète. Je veux bien qu'on nous donne des leçons mais je vous rappelle que le paquet fiscal de M. Sarkozy était fait pour attraper le troisième point de croissance avec les dents !
Pourquoi parlez-vous de décroissance et non de développement durable ?
A cause de la récupération politique. Aujourd'hui, tout le monde prône le développement durable et cela se traduit comment ? Par des rapports d'activité sur papier recyclé. Vous parlez d'un progrès !
Noël Mamère affirme que les Verts resteront à gauche. C'est aussi votre position ?
Oui mais pour moi c'est une question de valeurs, pas d'alliances. Une partie de la gauche a été contaminée par cette espèce de folie ultralibérale, dérégulatrice, qui s'appuyait sur l'idéologie de la croissance à tout prix et de la concurrence des années 90. L'écologie politique ne peut qu'être l'héritière de ceux qui ont défendu des projets de transformation sociale depuis que la politique existe. Dans ce sens-là, elle est de gauche. Pour moi, c'est une évidence.
C'est assez éloigné de ce que dit Daniel Cohn-Bendit sur la gauche "rétrograde".
Je suis une femme simple. Pour moi la politique, ce sont des valeurs, un projet et des propositions concrètes. Ce n'est qu'après que se pose la question des alliances. Aujourd'hui, quelles sont les valeurs et le projet politique de François Bayrou, à part être président à la place de Nicolas Sarkozy ?
Ne partagez-vous pas ses critiques sur l'hyper-présidence ?
Là-dessus, on peut être d'accord avec le MoDem et même avec une partie de la droite, mais ça ne suffit pas. Pour porter un projet de gouvernement commun, il faut être d'accord sur l'essentiel.
Si des primaires sont organisées à gauche, en serez-vous ?
Aux dernières nouvelles, elles ne concernent que les socialistes. Et je ne suis pas optimiste. Je ne sens pas de volonté au PS d'avoir un projet partagé. Les rivalités personnelles dans ce parti empêchent toute réflexion sur le projet. Vous avez dénoncé le fonctionnement "dépressif, dépréciatif et déprimant" du PS. C'est dur. Ce que je reproche aux socialistes, c'est que beaucoup préfèrent faire perdre leurs rivaux dans leur camp plutôt que de gagner tous ensemble. Ceci dit, ce n'est pas bon pour la démocratie que le PS soit dans cette situation.
Vous pensez que la recomposition de la gauche va se faire autour de vous ?
Non mais j'espère que les électeurs aux régionales vont déclencher un petit électrochoc, qu'en votant pour nous ils diront à la gauche : "c'est possible de gagner mais bougez-vous, changez !" Nous-mêmes avons connu nos années dépressives mais nous avons su en sortir. Je n'ai pas la solution magique, ni sur ce que doivent faire les écologistes après les régionales ni sur la rénovation de la gauche mais on réfléchit sur la méthode et les moyens.
Votre projet est-il de bâtir une maison commune ?
Il y a trois pôles dans l'opposition de gauche : les sociaux-démocrates, la gauche de la gauche, et les écologistes. Traditionnellement, le PS écrasait tout le monde en prenant un petit bout de chacun. Il existe maintenant, et c'est nouveau, une opposition centriste. La question est de savoir si on parvient à construire un équilibre différent entre ces sensibilités. Sans dire : "Il y a un truc moderne qui serait de faire avec le MoDem" et "une pensée ringarde qui serait d'agir avec la gauche".
Espérez-vous dépasser le PS dans certaines régions ?
Personne n'aurait imaginé qu'on pouvait faire élire Karima Delli, qui était en quatrième position pour les européennes en Ile-de-France. Il y a eu un déclic qui nous a dépassés. Alors qui sait ce qu'il va se produire cette fois ? Arriver à la tête d'une région pour changer les choses en matière d'emplois, se poser la question des transports, de la ruralité, ça m'intéresse ! Rêvons un peu : si au soir du 21 mars, on avait non pas deux ou trois mais dix présidents de région écologistes, alors on pourrait faire un véritable contrepouvoir. Peut-être y a-t-il de la part de certains une fatigue des responsabilités.
C'est un "Scud" contre le PS ?
Chaque président de région s'est replié sur son périmètre. Je ne sais pas si c'est dû à leurs querelles internes mais quand on voit la puissance financière et politique des régions pouvant agir ensemble, on se dit que c'est dommage.
Comment réagissez-vous au débat sur l'identité nationale ?
Ça me met en colère car ça réveille les mauvais réflexes en désignant des coupables sans se poser la question des solutions. Ce n'est pas un sujet sur lequel les politiques ont à prendre position. Si cela contribue à attiser les tensions sociales, il y aura des responsabilités à rechercher.
Vous n'avez pas hésité à défendre la rappeuse Diam's avec son voile. Pourquoi ?
J'ai été élevée dans une cité très mélangée. Dans ma classe de CP, on n'était que deux Blancs. Ça m'a donné une vision pragmatique de ces questions. Si Diam's avait décidé d'être bouddhiste, on aurait parlé de cheminement spirituel personnel. Mais là forcément, c'est du communautarisme. Pour moi, c'est une jeune femme qui est une super-musicienne et qui est en survêtement. Après, son foulard c'est son choix. On peut être ferme sur l'intégrisme et laisser les gens vivre leur choix religieux.
Propos recueillis par Françoise Fressoz et Sylvia Zappi
Le Monde.fr
Photo : AFP/Archives/Stephane de Sakutin
Etes-vous confiante sur l'issue du sommet de Copenhague ?
Je suis moins pessimiste qu'il y a quelques semaines. On sent un ressaisissement collectif en Europe, aux Etats-Unis et même en Chine. Il ne faudra pas juger ce sommet sur les déclarations des uns et des autres mais regarder le degré de contrainte pour la réduction des émissions de CO2 et le montant des fonds de compensation qui aideront à la transition énergétique.
L'activisme de Nicolas Sarkozy sur le terrain de l'écologie n'est- il pas un handicap pour vous ?
C'est vrai qu'on est dans une drôle de période politique. Nicolas Sarkozy peut tout dire, il n'a aucun problème avec les mots. Que ce soient ceux du Front national, de la droite, de Jean Jaurès, des écologistes. Quand ce sont nos mots, c'est difficile d'être en désaccord mais nos compatriotes ne sont pas dupes de ce marketing politique.
On n'a pas bien compris votre position sur la taxe carbone. Vous êtes pour ou contre ?
Bien sûr qu'on est pour la fiscalité écologique mais ce n'est pas une taxe que l'on redistribue en donnant un petit chèque avant les élections. C'est une contribution que l'on affecte directement à des dépenses d'économies d'énergie.
Est-ce électoralement porteur de défendre, en pleine récession, la décroissance ?
La décroissance n'est qu'un mot. Ce que nous souhaitons c'est engager la conversion écologique de l'économie. Notre modèle de production et de consommation ne répond pas à un équilibre durable de la planète. Je veux bien qu'on nous donne des leçons mais je vous rappelle que le paquet fiscal de M. Sarkozy était fait pour attraper le troisième point de croissance avec les dents !
Pourquoi parlez-vous de décroissance et non de développement durable ?
A cause de la récupération politique. Aujourd'hui, tout le monde prône le développement durable et cela se traduit comment ? Par des rapports d'activité sur papier recyclé. Vous parlez d'un progrès !
Noël Mamère affirme que les Verts resteront à gauche. C'est aussi votre position ?
Oui mais pour moi c'est une question de valeurs, pas d'alliances. Une partie de la gauche a été contaminée par cette espèce de folie ultralibérale, dérégulatrice, qui s'appuyait sur l'idéologie de la croissance à tout prix et de la concurrence des années 90. L'écologie politique ne peut qu'être l'héritière de ceux qui ont défendu des projets de transformation sociale depuis que la politique existe. Dans ce sens-là, elle est de gauche. Pour moi, c'est une évidence.
C'est assez éloigné de ce que dit Daniel Cohn-Bendit sur la gauche "rétrograde".
Je suis une femme simple. Pour moi la politique, ce sont des valeurs, un projet et des propositions concrètes. Ce n'est qu'après que se pose la question des alliances. Aujourd'hui, quelles sont les valeurs et le projet politique de François Bayrou, à part être président à la place de Nicolas Sarkozy ?
Ne partagez-vous pas ses critiques sur l'hyper-présidence ?
Là-dessus, on peut être d'accord avec le MoDem et même avec une partie de la droite, mais ça ne suffit pas. Pour porter un projet de gouvernement commun, il faut être d'accord sur l'essentiel.
Si des primaires sont organisées à gauche, en serez-vous ?
Aux dernières nouvelles, elles ne concernent que les socialistes. Et je ne suis pas optimiste. Je ne sens pas de volonté au PS d'avoir un projet partagé. Les rivalités personnelles dans ce parti empêchent toute réflexion sur le projet. Vous avez dénoncé le fonctionnement "dépressif, dépréciatif et déprimant" du PS. C'est dur. Ce que je reproche aux socialistes, c'est que beaucoup préfèrent faire perdre leurs rivaux dans leur camp plutôt que de gagner tous ensemble. Ceci dit, ce n'est pas bon pour la démocratie que le PS soit dans cette situation.
Vous pensez que la recomposition de la gauche va se faire autour de vous ?
Non mais j'espère que les électeurs aux régionales vont déclencher un petit électrochoc, qu'en votant pour nous ils diront à la gauche : "c'est possible de gagner mais bougez-vous, changez !" Nous-mêmes avons connu nos années dépressives mais nous avons su en sortir. Je n'ai pas la solution magique, ni sur ce que doivent faire les écologistes après les régionales ni sur la rénovation de la gauche mais on réfléchit sur la méthode et les moyens.
Votre projet est-il de bâtir une maison commune ?
Il y a trois pôles dans l'opposition de gauche : les sociaux-démocrates, la gauche de la gauche, et les écologistes. Traditionnellement, le PS écrasait tout le monde en prenant un petit bout de chacun. Il existe maintenant, et c'est nouveau, une opposition centriste. La question est de savoir si on parvient à construire un équilibre différent entre ces sensibilités. Sans dire : "Il y a un truc moderne qui serait de faire avec le MoDem" et "une pensée ringarde qui serait d'agir avec la gauche".
Espérez-vous dépasser le PS dans certaines régions ?
Personne n'aurait imaginé qu'on pouvait faire élire Karima Delli, qui était en quatrième position pour les européennes en Ile-de-France. Il y a eu un déclic qui nous a dépassés. Alors qui sait ce qu'il va se produire cette fois ? Arriver à la tête d'une région pour changer les choses en matière d'emplois, se poser la question des transports, de la ruralité, ça m'intéresse ! Rêvons un peu : si au soir du 21 mars, on avait non pas deux ou trois mais dix présidents de région écologistes, alors on pourrait faire un véritable contrepouvoir. Peut-être y a-t-il de la part de certains une fatigue des responsabilités.
C'est un "Scud" contre le PS ?
Chaque président de région s'est replié sur son périmètre. Je ne sais pas si c'est dû à leurs querelles internes mais quand on voit la puissance financière et politique des régions pouvant agir ensemble, on se dit que c'est dommage.
Comment réagissez-vous au débat sur l'identité nationale ?
Ça me met en colère car ça réveille les mauvais réflexes en désignant des coupables sans se poser la question des solutions. Ce n'est pas un sujet sur lequel les politiques ont à prendre position. Si cela contribue à attiser les tensions sociales, il y aura des responsabilités à rechercher.
Vous n'avez pas hésité à défendre la rappeuse Diam's avec son voile. Pourquoi ?
J'ai été élevée dans une cité très mélangée. Dans ma classe de CP, on n'était que deux Blancs. Ça m'a donné une vision pragmatique de ces questions. Si Diam's avait décidé d'être bouddhiste, on aurait parlé de cheminement spirituel personnel. Mais là forcément, c'est du communautarisme. Pour moi, c'est une jeune femme qui est une super-musicienne et qui est en survêtement. Après, son foulard c'est son choix. On peut être ferme sur l'intégrisme et laisser les gens vivre leur choix religieux.
Propos recueillis par Françoise Fressoz et Sylvia Zappi
Le Monde.fr
Photo : AFP/Archives/Stephane de Sakutin
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