En Ile-de-France, entre l’aéroport du Bourget et l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, on s’apprête à détruire, 300 hectares de terres agricoles parmi les plus fertiles de France. Cela se passera sur le «triangle de Gonesse», à moins de 7 kilomètres du Parc des Expositions de Paris-Le Bourget où fut signé, à l’issue de la COP21, l’accord de Paris sur le climat.
La filiale immobilière du Groupe Auchan a en effet jeté son dévolu sur ce terrain afin d’y construire Europa City, un complexe à la fois gigantesque, démesuré et contre-nature dont l’ouverture est envisagée entre 2021 et 2024. Près d’un milliard d’euros d’investissement public seront mobilisés pour y bâtir 230 000 m2 de galeries marchandes, 50 000 m2 de parc d’attractions, 2 700 chambres d’hôtel, un parc aquatique de 20 000 m2, une piste de ski, un cirque, un auditorium et plusieurs salles de spectacle, le tout destiné à accueillir plus de 30 millions de visiteurs par an, soit deux fois plus que Disneyland Paris. Tout cela dans un contexte bien connu où les grands complexes commerciaux en France et les galeries marchandes déjà sur place peinent à attirer plus de la moitié du trafic projeté au moment de leur création.
Le projet est même tellement insensé qu'il a reçu, par le site l'abeille et l'architecte, dans leur petit exercice annuel et plutôt perfide qui permet aux professionnels de la profession d'architecte de se moquer d'eux-mêmes, le prix du "Parpaing d'or du projet qui, à vue de nez, est absurde, nuisible et sans lendemain". Ce prix a été donné, en 2015, à la jeune et très médiatique agence danoise BIG qui a concouru et remporté la commande révoltante, détestable, honteuse, obscène, ridicule (ajoutez les adjectifs de votre choix) d'Europa City, sorte d'attrape consommateurs-couillons, tueur de commerces de centres-villes et saccageur de terres agricoles ! Il arrive donc, de temps en temps, que les architectes se posent aussi de bonnes questions. S'interrogent sur la finalité politique de leur métier, sur les limites de la recherche à tout prix — à n'importe quel prix ? — de la commande qui fera tourner leur agence. Mais cela ne suffit visiblement pas, puisqu’aujourd’hui le débat public commence, montrant que le projet avance. Et il est à parier que, là comme ailleurs, tout est ficelé, que les coups sont partis, que les jeux sont fait comme nous le décrypte très bien Françoise Verchère dans son livre "Notre Dame des Landes : la fabrication d'un mensonge d’État".
[...] "Toutes les procédures ont été respectées." C'est le leitmotiv qui est régulièrement asséné pour faire taire l'opposition et convaincre l'opinion publique du bien fondé d'un projet. D'ailleurs, beaucoup de citoyens sont persuadés que les nombreuses concertations, consultations, enquêtes publiques qui jalonnent de fait le processus d'élaboration d'un projet sont le gage du bon droit final de la décision... […] Mais ceux qui y participent, loyalement, constatent (ndt : très rapidement) qu'en réalité « les jeux sont faits » et que « la démocratie participative » n'est qu'un simulacre... […] La définition de l'utilité publique en est le cœur du problème. En effet c'est l'utilité publique, décidée par le Préfet ou le Ministre, après enquête, qui donne au porteur du projet le droit capital d'expropriation puis justifie les transformations du site retenu (destruction de zones humides, d'espèces protégées ou non, modification des écoulements, perte de terres agricoles, artificialisation, etc.) au nom de « l'intérêt général ». Tout le monde peut s'accorder assez facilement sur l'intérêt général que représente la construction d'un nouveau collège ou d'une nouvelle école … (ndt : mais un centre commercial ? Une piste de ski en IdF ? Là, honnêtement, il est beaucoup plus compliqué d'établir ce qu'est l'intérêt général.) […] Il en est comme si le fait que ce projet soit désiré par des élus, par l’État ou par une entreprise privée soutenue par des élus, suffisait à le justifier. En théorie pourtant, le débat public qui est mené en amont d'un projet ou l'enquête publique qui devrait valider ou non son utilité publique permettant de discuter de l'opportunité du dit projet et pas seulement des modalités de sa réalisation. Ce premier moment de débat devrait donc en bonne logique permettre à la population concernée de discuter du projet au fond : cette ligne Grande Vitesse est-elle utile ? A qui ? Quel est le besoin ? Comment a-t-il été détecté et mesuré ? Vaut-il mieux une LGV ou une amélioration des trains du quotidien ? Quel serait le coût pour l'usager, pour le contribuable de tel ou tel choix ? Sur le papier du journal officiel, tout semble presque pour le mieux dans le meilleur des mondes […] et ainsi la première question qui devrait être posée aux citoyens est celle du besoin réel. […] Mais en réalité le débat public passe, assez vite, sur la question du besoin, parce que le projet a déjà été choisi, et le débat se concentre uniquement sur la forme et les modalités de réalisation. « C'était hier ! Aujourd'hui, ce n'est plus vrai, la parole citoyenne est vraiment reconnue ! » diront ceux qui voudraient nous faire prendre des vessies pour des lanternes et nous faire croire que la démocratie n'est pas sous contrôle. […] "Braves gens, vous avez participé et nous vous avons écoutés mais nous continuons « notre » projet." […] La vérité, c'est que l'étape du « débat démocratique » est un passage obligé, une sorte de concession politiquement correcte. La vérité c'est qu'il n'y a pas d'alternatives réelles proposées par le porteur du projet. Celles qui sont présentées le sont pour la forme, pour faire croire au choix possible. Tout le monde le sait bien, qui a un jour été dans un endroit de décision où l'on présente trois scénarios. Trois pour amuser la galerie, le bon scénario a déjà été choisi mais évidemment si le groupe le choisit de son plein gré, c'est encore mieux ! Menée avec talent, la consultation du public aboutira non pas à modifier substantiellement un projet ou à l'abandonner mais à le rendre plus acceptable car doté d'un vernis démocratique. Au mieux à l'amender à la marge…." […]
Une nouvelle ZAD ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire