En 1986, l'Equipe Cousteau décide de partir, pour 5 ans, à la redécouverte du monde. Leur première étape sera pour Haïti dont elle tirera un épisode nommé : Haïti, L’eau de chagrin. A l'heure où François Hollande fait son tour des Caraïbes, ces épisodes me reviennent en mémoire. Cuba et Haïti, deux documentaires contrastés qui, à l'époque, m'avaient fait comprendre bien des choses sur le lien intime que notre humanité possède avec la Terre et qui conditionne sa vie. Et ainsi, à l'heure du dégel des relations internationales envers Cuba, je m'interroge, sans trop d'illusion, sur l'impact que celui-ci va avoir sur les Hommes et l'Environnement préservé, de la plus grande île de l'arc Antillais.
Ainsi donc, en 1986, la Calypso accoste à Port au Prince pour ré-explorer l'île que Christophe Colomb découvrit en 1492 et qui devint, après la révolte des esclaves contre l'armée Napoléonienne et grâce, notamment, à Toussaint Louverture, qui lutta pour l'indépendance de Saint-Domingue, le 1er janvier, la première République noire libre du monde. Dessalines redonna alors, à Saint-Domingue, son nom indien d'Haïti (Ayiti). Depuis, les années et les siècles sont passées et c'est un territoire désolé et miséreux que les Hommes de la Calypso visiteront. Il y verront un pays meurtri par la surpopulation comme une répétition des affres qui se sont abattus, en d'autres temps, sur l'île de Pâques et où, pour survivre et sans énergie, les Hommes sont contraints de couper les forêts autrefois luxuriantes, afin d'en faire du charbon de bois. Ne disposant ni de pétrole ni d'électricité, la plupart des Haïtiens n'ont que le charbon de bois comme combustible et même s'ils sont conscients que leur fours à charbons sont en train de décimer les derniers arbres, ils savent aussi que s'ils ne produisent pas de charbons ils n'ont pas de nourriture. Ainsi, la terre n'étant plus retenue par les arbres, sous l'effet des pluies tropicales, celle-ci s'érode et s'écoule en mer, étouffant les récifs et détruisant les habitats sous-marins. Le résultat de cette gestion catastrophique sera donc une agriculture impossible entraînant un exode rural pour une vie de misère dans les grandes villes et une pêche misérable, à peine vivrière, dans une mer désertée par ses habitants. Dès lors tous les éléments de la chute sont en place : surpopulation, manque d'énergie renouvelable et destruction de l'environnement.
A contrario lorsque, cinq siècles après Christophe Colomb, la Calypso jeta l'ancre dans les eaux de Cuba, c'est une toute autre situation que le commandant Cousteau et ses hommes découvriront. Là-bas les coraux sont intacts et les poissons abondent, au cœur d'épaves sublimes. Les coquillages et les crustacés pullulent. A Cuba, la gestion des richesses de la mer aura été conduite avec sagesse. La célèbre langouste n'est pas surpêchée... Les plongeurs évoluent dans les bancs de poissons-anges, de bonites, de carangues et de barracudas. Ils ont la chance d'observer le repas d'un requin-baleine de huit mètres de longueur. Le géant des poissons, "debout" à la surface, filtre des quintaux de sardines. Cuba, bien sûr, c'est aussi l'espoir de liberté d'un peuple rebelle, joyeux et debout, vivant sous un régime fort en contrastes mais qui avait compris combien gérer avec sagesse, intelligence et respect, les ressources marines et l'environnement cela est indispensable pour la durabilité d'un pays pauvre.
Aujourd'hui, trente ans après, les choses ne semblent pas avoir changé et montrent combien la protection de l'environnement devrait être la priorité pour un pays afin de garantir la vie humaine. Ainsi de son coté, Haïti est toujours le pays du dénuement sur lequel s'abat tous les fléaux naturels et humains, un pays où environ 80% de sa population vit dans une très grande pauvreté et où 84% des enfants des campagnes vivent dans une situation de grave privation. Un pays fortement dépendants de la Diaspora qui chaque année injecte environ 800 millions de dollars dans l’économie du pays. Un pays qui a connu une dégradation alarmante de son environnement, comme le reconnait le PNUD, qui s’est accélérée au début des années 60 pour devenir critique à partir de 1985. La couverture forestière est aujourd’hui estimée à moins de 2%. En mer rien ne semble s'être arrangé et même dans les environs de l'île à vaches, les eaux sont peu poissonneuses et les fonds paraissent toujours plus morts. En revanche Cuba, qui a toujours misé sur la préservation de l'environnement, reste le pays de la profusion marine, aux fonds splendides et possédant encore du corail noir comme en témoigne Yves Gen qui y aura navigué à la voile, dans ces eaux, il y a trois ans. Marine Etard qui y sera allée en 1993 ne dit pas autre chose. Pourtant une ombre plane sur cette situation cubaine en cette période de "désembargo" ... L'ombre du capitalisme sauvage et carnassier. Quel va-t-être l'impact du dégel des relations internationales envers Cuba, s'est interrogé, le 11 mai, le soir 3 ? Ben je crains que cela ne soit assez simple en somme, cela va être le pillage culturel et patrimonial de l'île par les capitalistes qui ont commencé à se positionner. Puis cela sera la destruction de l'environnement, que le régime castriste avait réussi à préserver, comme Cousteau avait bien été obligé de le reconnaître. Ainsi, soyez en sûr, les changements ne se feront pas avec les cubains mais avec des investisseurs étrangers qui construiront et bétonneront le littoral afin que des gros lards d'occidentaux puissent venir polluer les plages dans un tourisme de masse destructeur. Les cubains auront le droit aux miettes.
Passer d'un joug à un autre, voici l'avenir écrit de Cuba.
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