Une étude réalisée par une équipe d’universitaires et relayée par le journal en ligne Marsactu révèle que les habitants du pourtour industriel de l’étang de Berre sont victimes des rejets de l'industrie lourde.
Une épaisse fumée s'étend sur l'étang de Berre le 14 juillet 2015,
lors d'un incendie dans une raffinerie de pétrole.
Photo Boris Horvat. AFP
C’est un scandale sanitaire qui ne surprend malheureusement personne. Les habitants des villes de Fos-sur-Mer et de Port-Saint-Louis-du-Rhône, dans le département des Bouches-du-Rhône, sont deux fois plus frappés par le cancer, ainsi que par des maladies chroniques comme l’asthme et le diabète. Pouvait-il en être autrement ? Depuis les années 60, la population locale est sacrifiée sur l’autel de l’industrie lourde. Raffineries, dépôts pétroliers, usines chimiques et métallurgiques, traitement des déchets etc., les habitants du pourtour de l’étang de Berre vivent et travaillent à proximité de sites ultra-polluants. L’étude publiée en janvier par un collectif de scientifiques américains et français, mise en exergue par le journal Marsactu, rend compte pour la première fois de façon chiffrée des conséquences sanitaires de ces activités industrielles.
Une étude prise en main par la population
Les autorités ont longtemps cherché à minimiser les risques pour la santé. «Il a souvent été répondu aux habitants qu’il ne s’agissait que de rumeurs, que la pollution n’était pas plus importante ici qu’ailleurs. Et s’il y avait beaucoup de personnes dans leur entourage atteintes de cancer, c’est parce qu’ils se connaissaient tous», explique Yolaine Ferrier, anthropologue doctorante à l’EHESS Marseille et co-auteure de l’étude.
Désormais, les habitants des zones industrialisées de l’étang de Berre pourront brandir l’étude comme une arme afin de défendre leurs intérêts et peser dans les discussions locales. Car les résultats du rapport sont aussi accablants qu’indiscutables. Sur les 800 personnes interrogées, 11,8% «ont ou ont eu un (ou plusieurs) cancers», contre une moyenne française de 6%. A l’intérieur de cette statistique les femmes payent le plus lourd tribut avec 14,5% d’habitantes touchées par le cancer, contre une moyenne nationale de 5,3%.
Cette surreprésentation s’explique par une exposition quotidienne à une très forte pollution atmosphérique. Un «cocktail» formé à partir de centaines de rejets nocifs qui vont de la poussière de métaux, de l’amiante au plomb, en passant par le chlore et les PCB. Le tableau dressé est d’une noirceur absolue. Les risques sont accentués par la consommation de poissons et de coquillages très souvent chargés en perturbateurs endocriniens. La méthode utilisée pour l’étude a été importée des Etats-Unis. Elle a préalablement été testée dans plusieurs sites industriels du monde et consiste à faire directement participer les habitants en soumettant un questionnaire à un échantillon aléatoire, à la manière d’un sondage. Ces personnes sont ensuite invitées à prendre part à l’analyse des résultats via des ateliers organisés dans chacune des deux villes. Afin de «réfléchir à la présentation et à l’utilisation de ces résultats», indique le rapport.
«Sous-estimation»
Fort de cette méthodologie, l’étude se veut extrêmement fiable. «S’il y a un biais dans notre étude, c’est un biais de sous-estimation et non pas de surestimation. Premièrement, parce que les gens les plus gravement malades n’étaient pas en mesure de participer à l’étude. Deuxièmement, il y a beaucoup de pathologies qui ne sont pas encore diagnostiquées, comme les maladies auto-immunes», précise Yolaine Ferrier. Outre le cancer, le rapport présente un taux de diabète et d’asthme deux fois supérieur à la moyenne nationale parmi la population de la zone d’étude. Un premier aperçu des conséquences de la pollution industrielle, car comme l’explique Yolaine Ferrier, «ce n’est qu’un début». Faute de financement, l’étude n’a pas encore pu traiter la totalité des analyses récoltées. Ce qui n’a pourtant pas empêché l’agence régionale de santé PACA de saisir sa tutelle nationale pour analyser les résultats de l'étude.
"Où est le progrès quand les gens meurt trop tôt et en plus grand nombre ...
à cause de ce progrès ?"
Bruno BOMBLED
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