"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

dimanche 5 février 2017

Ce que m’inspire l’affaire Fillon

Celui qui a écris le scénario de cette présidentielle 2017 devrait être nominé aux césars. Je n’ai jamais vu une campagne aussi déroutante, une campagne où tout se mêle, un « dégagisme » - pour reprendre le mot de la France Insoumise - révélateur d’un immense ras-le-bol des élites méprisantes, l’espoir de voir l’idée d’écologie sociale et solidaire émerger enfin à gauche, mais aussi l’ancrage du nationalisme, du remplis sur soi, de la peur, du retour en arrière, de la remise en cause de la République par ceux même qui sont sensés vouloir la représenter et une clémence décomplexée, pour leur train de vie à la moralité douteuse, par ceux qui les soutiennent.

Ainsi depuis quelques semaines nous découvrons, au travers du « PenelopeGate », que « Monsieur Propre » ne semble plus l’être autant que cela. Un « PenelopeGate », qui se transforme, peu à peu, en « Affaire Fillon » tant son épouse ne semble plus qu’être une victime collatérale, une victime suppliciée et non une coupable, victime d’un homme qui se serait servi d’elle pour enrichir - au mieux - sa famille. Titiou Lecoq, dans le Slate du 3 février 2017, résume assez bien le doute qui s’installe : « Je m'étais déjà dit que quand tu filais un emploi fictif à ta femme, ça me paraissait logique de la prévenir. Histoire qu'elle ne dise pas, dans plusieurs interviews, qu'elle n'a jamais travaillé pour toi. Pourquoi cette erreur? À moins que cette femme soit tellement considérée comme quantité négligeable que, du coup, tu ne lui expliques rien. Et des années plus tard, à cause de toi, cette femme se retrouve au milieu d'un scandale politique qui la dépasse largement ». Alors qu’on était en train de se demander comment Monsieur allait se sortir de ce mauvais pas, on a entendu, admiratif d’une telle abnégation, Gérard Longuet déclarer que Pénélope Fillon se serait résignée à un salaire de misère (non mais sur quelle planète vivent-il ?) en étant l'assistante de son époux malgré l'absence de preuves, à l'heure où j'écris ces lignes, de travaux effectués et de présence sur le lieu de travail. C’est alors que leur avocat, pensant trouver l’argument imparable, nous a révélé que la permanence parlementaire de François Fillon se trouvait … dans son manoir (journal 20 minutes). Impayable !!! Avec un avocat comme ça, on n’a pas besoin d'adversaires politiques. Alors c’est lorsqu’enfin a entendu Fillon dire qu’«elle a toujours travaillé dans l’ombre car ce n’est pas son style de se mettre en avant» que l’on s’est dit qu’il ne s'en sortait vraiment pas !

Ainsi à l’entendre dire, « Je le dis ce soir, je la défendrai, je l'aime, je la protégerai et je dis à tous ceux qui veulent s'en prendre à elle qu'ils me trouveront en face », on a envie de lui répondre, «Ce n’est pas ta femme qui est en cause, ballot, c'est toi ! ».

Quoi qu'il en soit, entre vous et moi, vivre comme un nabab du moyen-âge (Le Seigneur de Beaucé se voit recevoir, par fermage, 218kg de viandes fraîches et 21 quintaux de blé), aux frais des français pendant que ces derniers tirent la langue à chaque fin de mois, tout en leur demandant de faire encore et toujours plus d'efforts, a quelque chose de profondément immoral. « Pour le commun des salariés, obtenir une augmentation - en général modeste - peut être un parcours de négociations souvent difficile. Mais certains ont une idée tellement élevée de leur rôle, de leur mérite et de leur personne que leur rémunération ne leur apparait jamais suffisante. Ainsi tous les moyens sont bons, y compris utiliser leur femme (à son insu ?) » Nous dit Marc. Comme quoi, avoir une foi revendiquée, en caution d’une politique que l’on sait violente et antisociale, ne veut pas obligatoirement dire que l'on a une morale. « François Fillon, qui appelle tous les jours les chômeurs et les malades à se serrer la ceinture, qui veut supprimer des milliers d'emplois de fonctionnaires, était non seulement un député fictif (12% de présence à l'assemblée nationale) mais a aussi embauché ou fait embaucher sa femme sur un emploi fictif. C'est scandaleux » résume assez bien Yannick Jadot.

Mais l’affaire Fillon, a révélé d'autres aspects tout aussi choquants. Ainsi, outre une moralité pécuniaire finalement assez douteuse de l’intéressé, nombre de ses soutiens se sont lâchés dans des postures et des idées qui me semblent inquiétantes pour la démocratie.

Ainsi le 3 février au matin sur France-Inter, on a pu entendre, à la sortie du meeting de « sa majesté qui reçoit le bon peuple au château », un militant de déclarer « la presse ça fout la merde ! ». Michèle Alliot-Marie ne dit pas autre chose « toute cette transparence rappelle à une dictature communiste ». Bruno Retailleau, chez Jean-Jacques Bourdin, ira dans le même sens : « le début de la campagne de François Fillon a été volée. On nous aura volé le début de cette campagne, c’est très grave ». Proposons-lui de déposer plainte contre Le Canard enchaîné pour « vol de campagne ». Et alors quoi ? Vous voulez un pays sans presse ou aux ordres ? Hé ! Vous savez ce que c'est qu'un pays sans presse libre ? Ainsi, après les propos, plus que douteux, d'un certains nombres de militants LR de Nice et de ses environs, sur l'immigration, en voici d'autres qui remettent en cause la légitimité de la liberté de la presse. L'extrême droitisation de la droite dite « républicaine » est plus que préoccupante.

De son coté Marine Le Pen, celle-là même qui fait éjecter, violemment, des journalistes (Cf. Paul Larrouturou - « le quotidien » - 1er février 2017), contre tous les principes de liberté de la presse, en réagissant sur « l'affaire Fillon », tape sur les juges. « La République des juges, qui ont le pouvoir de compromettre un homme ! » dit-elle très offusquée ! Mais une république où les juges ne sont pas là pour garantir la justice et appliquer le droit, ça s'appelle comment ? Ceci ne serait-il pas un petit avant goût de ce que nous réserve un FN qui serait au pouvoir ? Bienvenu dans la fachosphère, j'ai envie de dire, mais attention, tout de même, aux chemises brunes qui attendent dans les penderies.



Alors, pour sauver ce qui peut l’être et ripoliner, une dernière fois, ses habits de chevalier blanc, in fine, François Fillon a annoncé qu’il renoncerait à la présidentielle s’il était mis en examen. Quand on connait toutes les étapes qu’il faut passer pour mettre en examen un parlementaire et que l’on apprend qu’il existe une trêve de la justice, de plusieurs semaines, avant le premier tour et pendant toutes la période des présidentielles, on se dit que cette déclaration est une belle posture de pure forme, sans risque et faite à peu de frais ... et il le sait. Ainsi donc il peut se présenter avant d’être mis en examen et s’il est élu ... l’affaire sera balayée !

« Ainsi, aujourd’hui, nous sommes face à une responsabilité historique : ce pays peut basculer du côté du populisme mais aussi choisir l'espoir » nous dit Yannick Jadot. Mais cet espoir ne sera possible qu'avec une coalition EELV-FI-BH, car avec une telle coalition et devant la débandade de la droite, le chemin de l'espoir est un boulevard. Si nous n'arrivons pas à le prendre, ce boulevard, cela démontrera, une fois de plus, que la France possède la Gauche la plus con du monde.

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