Morceaux choisis de l'entretien paru dans l'Express N°3213 du 30 janvier 2013.
Nicolas Hulot, promu envoyé spécial du Président pour la préservation de la Planète, revient sur le devant de la scène, pourquoi ?
NH : [...] On ne peut se contenter de tirer des sonnettes d'alarme, puis refuser l'occasion d'agir au plus près de ceux qui décident. Il serait tellement facile de céder au fatalisme quand tous les prétextes semblent bons - notamment la crise économique - pour ignorer les impératifs écologiques. [...] Aujourd'hui, je suis persuadé qu'il faut passer aux propositions. Pourquoi ? Parce que nous avons beau savoir que la planète -donc ses habitants - est en très grand danger, on n'arrive pas à y croire. C'est trop énorme, ça tétanise.
L'express : Certain contestent encore ces faits ...
NH : Il y aura toujours des esprits chagrins pour réfuter les conclusions des scientifiques, quasi unanimes, prouvant que l'activité humaine a une part (majeure) de responsabilité dans les changements climatiques. Mais je note qu'à Doha comme à Copenhague aucun chef d'état n'est monté à la tribune de la conférence sur le climat pour réfuter ce diagnostic. Je considère donc qu'il est posé. Autre fait incontestable : nous avons basculé dans la rareté. Or notre économie, parce qu'elle repose sur l'exploitation des ressources naturelles est des matières premières, est sapée dans ses fondements. [...] A la fondation, nous sommes persuadés que le traitement de la crise sociale et économique passe aussi par le traitement de la crise écologique. [...] La Gauche n'a pas plus fait sa conversion écologique que la droite, puisqu'elle a toujours sous-traité ces sujets-là en s'appuyant sur les écologistes. Et je peux comprendre que, face à la crise, ces question puissent sembler abstraites, exotiques ou éloignées des préoccupations concrètes. Il faut donc interpeller l'opinion, mais aussi convertir les décideurs.[...]
L'express : Un mouvement peut-il s'amorcer quand les français sont d'abord préoccupés par le chômage et le pouvoir d'achat ?
NH : Il faudra leur faire comprendre que le prix des produits alimentaires, de l'énergie, la crise économique, les inégalité sont de plus en plus liés à la crise environnementale. La bonne nouvelle, c'est que beaucoup de gens, y compris chez les économistes, réfléchissent à des solutions possibles, même s'ils savent bien qu'en période de crise les décideurs ont tendance à ne surtout rien essayer [...] Pour la première fois, l'humanité est confrontée à un enjeu collectif qui concerne chacun, quelle que soit sa nationalité, sa religion, sa position sociale. [...] Je veux montrer qu'il y a d'autres chemins. Il faut renouer avec l'utopie. [...] Il faut s'ouvrir à la créativité jusqu'aux frontières de l'utopie, car la schizophrénie actuelle produit toujours les même erreurs en s'étonnant de reproduire les mêmes effets. Pour s'en sortir, il faut renouer avec des valeurs très importantes : l'humilité, la responsabilité, la solidarité et la mesure, avoir conscience de la finitude d'un monde dont les ressources ne sont pas infinies. [...] Nous devons nous inspirer des initiatives qui marchent en Australie, en Corée du Sud, en Equateur et même en Chine, où l'on promeut l'économie circulaire, qui permet la réduction des flux de matière. [...]
L'Express : Biodiversité, climat, OGM, énergie alternatives ... Il y a tant de question à aborder. Lesquelles privilégier ?
NH : Aucune, car tout est lié. [...] La crise économique, la crise démocratique et la crise écologique ont une cause commune : l'excès. Et de considérer que derrière tout cela, se profile une crise humaine. Nous avons été incapables de nous fixer des limites, alors que la planète nous en impose. [...] Le futur est le grand absent.
L'express : Faites vous partie de ceux qui pensent que seule une catastrophe majeure, voir une guerre, pourrait permettre ces changement ?
NH : Ce n'est pas ce que je crois, mais ce que je crains et que je veux éviter, car les victimes, à terme, sont toujours les plus faibles. A ceux qui raillent l'écologie, je signale qu'ils sont déjà des centaines de milliers, selon les Nations Unies, à payer cette crise écologique. [...] Alors plutôt que de baisser les bras, j'ai décidé de donner encore plus, mais en me mobilisant sur les idées. A mon petit niveau, je vais essayer de montrer qu'on peut faire mieux avec moins. Ce n'est pas une formule : la vérité est là. nous avons trois ans pour agir, après il sera sans doute trop tard.
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