"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

vendredi 20 mars 2020

Il nous faudra interroger le modèle de développement

En ces heures de confinement je me dis que c’est exactement le bon moment de s’interroger sur les limites de notre système car, avant l’événement, les humains n’écoutent pas, préférant les sirènes de la consommation et après la crise, trop heureux d’être sortie de la tourmente, ceux qui parleront pour tirer des leçons seront renvoyés dans leurs foyers, comme de vulgaires oiseaux de mauvais augures.

Ainsi donc souvenons-nous toujours de la conclusion du discours télévisé d'Emmanuel Macron, du 12 mars 2020 à propos de la crise sanitaire que le monde est en train de traverser. Souvenons-nous en toujours car il nous faudra toujours la ressortir aux amnésiques de la consommation : « Il nous faudra interroger le modèle de développement qui est le nôtre, dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies, et qui dévoile ses failles au grand jour. Interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenus, de parcours, ou de profession, notre Etat-Providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des voies du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, à d’autres, est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle. Construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France et une Europe souveraines, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai. »

Que de temps, d'énergie et d'argent perdus pour en arriver aux mêmes conclusions que celles des écolos, des altermondialistes et des anticapitalistes mais affirmées depuis des décennies.

Quand on disait que l'on préférait payer un fonctionnaire plutôt que d'engraisser un actionnaire, les français en comprennent-ils le sens maintenant et l'urgence collective qu'il y avait à être dans cette posture ?

Magnifique, par ailleurs, d'entendre Bruno Lemaire, cet ultra libéral dans toute sa splendeur, chantre de la rhétorique Reaganienne qui énonce que "le problème c'est l'état", étudier la nationalisation d'entreprises pour éviter leurs faillites. Définitivement le libéralisme c'est la privatisation des bénéfices et la collectivisation des risques. Amis libéraux, après cet évènement ne venez plus jamais me chanter les louanges des privatisations, du privé supérieur au public, des prises de risques des capitalistes, ne venez plus cracher sur l'état social et solidaire, sur l'état et ses fonctionnaires, vous serez bien reçus. Pour compléter, Pierre Serne dit et je partage : "Comme quoi le libéralisme ne semble pas tout à fait adapté à la gestion de crise ni d'ailleurs au "monde d'après". L'Etat ça a du bon. La protection sociale, les biens communs et services publics forts aussi. Les corps intermédiaires et le tissu associatif aussi. Les mécanismes de solidarité et une fonction publique en nombre et soutenue aussi. À méditer.

Oui à méditer. On a le temps d'y penser, actuellement, en ces temps de début de confinement.

Ainsi, en deux jours, la France a découvert :
  • Qu’il est possible de nationaliser des entreprises
  • Que le libéralisme ne sait pas gérer les crises et que notre système actuel n'est pas durable.
  • Que l'état social et solidaire ça a quand même du bon
  • Qu’il est possible d'écouter les scientifiques et que la Recherche publique n'est pas un luxe.
  • Qu’il est possible de consommer moins et de revenir à l'essentiel
  • Qu’il est souhaitable d'avoir plus de services publics forts et avec de vrais moyens.
  • Que la santé et la protection sociale n'ont pas de prix
  • Que les migrants ne sont pas des lâches qui fuient le danger, ils ont de bonnes raisons.
  • Que l'on a besoin de solidarité et moins de compétition
  • Que la mondialisation a ses limites et que déléguer, à d'autres, le soin d'assurer notre subsistance est une folie ...
En clair, en deux jours la France à découvert qu’un autre monde est possible !

Pour conclure, pendant que l'Homme souffre de par sa propre bêtise, la planète respire, c’est un effet positif, espérons que nous saurons aussi réfléchir, ce sera un autre point positif de cette crise.

"Je vous écris d’une ville coupée du monde. Nous vivons ici dans une parfaite solitude qui n’est pas le vide. Nous prêtons chaque jour un peu moins attention à ce que nous ne pouvons plus faire car Venise, en ces jours singuliers, nous ramène à l’essentiel. La nature a repris le dessus. L’eau des canaux est redevenue claire et poissonneuse. Des milliers d’oiseaux se sont installés en ville et le ciel, limpide, n’est plus éraflé par le passage des avions. Dans les rues, à l’heure de la spesa, les vénitiens sont de nouveau chez eux, entre eux. Ils observent les distances, se parlent de loin mais il semble que se ressoude ces jours-ci une communauté bienveillante que l’on avait crue à jamais diluée dans le vacarme des déferlements touristiques. Le tourisme, beaucoup l’ont voulu, ont cru en vivre, ont tout misé sur lui jusqu’à ce que la manne se retourne contre eux, leur échappe pour passer entre des mains plus cupides et plus grandes, faisant de leur paradis un enfer.

Venise, en ces jours singuliers, m’apparaît comme une métaphore de notre monde. Nous étions embarqués dans un train furieux que nous ne pouvions plus arrêter alors que nous étions si nombreux à crever de ne pouvoir en descendre ! A vouloir autre chose que toutes les merveilles qu’elle avait déjà à leur offrir, les hommes étaient en train de détruire Venise. A confondre l’essentiel et le futile, à ne plus savoir regarder la beauté du monde, l’humanité était en train de courir à sa perte. Je fais le pari que, lorsque nous pourrons de nouveau sortir de nos maisons, aucun vénitien ne souhaitera retrouver la Venise d’avant. Et j’espère de tout mon cœur que, lorsque le danger sera passé, nous serons nombreux sur cette Terre à refuser de réduire nos existences à des fuites en avant. Nous sommes ce soir des millions à ignorer quand nous retrouverons notre liberté de mouvement. Soyons des millions à prendre la liberté de rêver un autre monde. Nous avons devant nous des semaines, peut-être des mois pour réfléchir à ce qui compte vraiment, à ce qui nous rend heureux.

La nuit tombe sur la Sérénissime. Le silence est absolu. Cela suffit pour l’instant à mon bonheur. Andrà tutto bene."

Réfléchissez ! Réfléchissons à ce que nous ne voulons plus, à nos paradis artificiels, à nos limites, à nos chaines, mais aussi à ce qui nous rend vraiment heureux, à ce qui est essentiel. Nous avons le temps.

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