Le mythe de Cousteau et de sa muse est toujours aussi vivace comme le prouvent les nombreux articles de presse qui tentent de relater depuis des mois les péripéties de la renaissance de la Calypso.
La Calypso, navigua sur toutes les mers et océans du globe jusqu'en janvier 1996 quand elle fut éperonnée, cette année là, à quai par une barge et coula dans le port de Singapour. Après plusieurs semaines dans l'eau, la Calypso fut rapatriée en France pour y recevoir les travaux de restaurations quelle méritait. Elle attendra à Marseille puis à La Rochelle où elle subira les outrages des pilleurs et des malandrins. Le 11 octobre 2007, la Calypso quitte La Rochelle pour être remorquée vers le port de Concarneau afin d'y être complètement remise en état. Le 12 octobre, le convoi arrive en baie de Concarneau puis elle est montée sur la cale le 5 novembre, et, le 9 au matin, elle rejoint le hangar des chantiers Piriou où elle doit être restaurée. Mais en 2009, suite à des désaccords sur sa restauration, entre les chantiers Piriou et l'Equipe Cousteau, les travaux s'arrêtent. Mais, selon Franck Machu, le projet de l'Equipe Cousteau était bel et bien de poursuivre l'ouvrage avec Piriou. Ce n'est que depuis le 3 décembre 2014 que le projet est finalement arrêté et qu'il a fallu tout reprendre à zéro. Dans le même temps, la cour d'appel de Rennes avait condamné l'Équipe Cousteau à faire procéder à l'enlèvement de la Calypso du hangar avant le 12 mars 2015 et Piriou de menacer de lancer une saisie vente si les décisions de justice n'étaient pas respectées par le propriétaire du bateau.
Un combat médiatique partial ?
Depuis, les médias se pourlèchent de copier-coller et d'informations alarmantes "très people", d'informations qui dénigrent systématiquement une Equipe Cousteau qui travaille, selon cette dernière, ardemment à une solution de restauration à Brest. Alors si le positif des choses, dans cette polémique autour de l’avenir du bateau, est de refaire parler de Cousteau et de son œuvre, le problème c'est que les journalistes ne semblent pas poser certaines questions clés sur le conflit qui oppose l'Equipe Cousteau et les chantiers Piriou.
Franck Machu nous en dresse quelques pistes : "Piriou dit, dans sa communication presse, lancer une procédure de saisie-vente de la Calypso parce qu’il est sans nouvelles de l’Equipe Cousteau (EC) et qu’il ne sait rien de ses intentions. Comment croire cette affirmation quand on apprend qu’il a refusé un versement partiel par chèque de l’EC le 12 février, un mois avant la date d’échéance fixée par le juge ?
Pourquoi, également, lorsque l’EC a fait part de son intention de venir faire des photos des matériels entreposés chez lui pour préparer l’enlèvement, à la demande de l’assureur du transport, il a refusé l’accès à ses ateliers ?
Lorsque la nouvelle fausse étrave était en fabrication,
les parties historiques du bateau étaient mises à l'abri.
Photo de 2009
L’indemnité mensuelle d’occupation du bâtiment demandé par Piriou est-elle totalement fairplay ? Certes la monopolisation d’un hangar comme celui qui contient la Calypso depuis 6 ans est une immobilisation couteuse d’un outil de production, mais lorsqu’on voit le défaut de préservation fait au bateau, il y a de quoi être interpellé : la coque de la Calypso n’est réellement protégée des intempéries que sur les deux tiers. Par ailleurs, tous les équipements annexes du bateau sont entreposés dans une cours exposée aux intempéries, sans aucune protection, progressivement gagnée par la végétation. Comment comprendre que la fausse étrave de la Calypso, appendice légendaire du bateau servant de chambre d’observation, ait été replacées dehors, au vu de tout le monde, mais surtout soumise aux agressions du climat breton, sans aucune protection, alors qu’elle avait été retirée et stockée ailleurs lorsqu’une fausse étrave neuve avait été fabriquée. Cette nouvelle fausse étrave est actuellement stockée dans la coque du bateau. Pourquoi ce désintérêt à protéger des parties si emblématiques du navire ?
Photos de juillet 2013
D'autres questions sont sans réponses :
Comment Piriou peut baser sa défense sur le fait que l’EC a changé en cours de travaux la destination du navire (je cite « de simple musée flottant à bateau capable de traversée océaniques ») alors que l’architecte Ribadeau Dumas avait établi un dossier complet, que le bureau Veritas avait validé la conformité du bateau avec les normes de navigation en vigueur, que des moteurs neufs ont été sélectionnés et achetés, que des bois de la meilleure qualité ont été sélectionnés et approvisionnés ? Et comment la justice a pu valider cet argument fallacieux ?
Pourquoi la justice n’a pas tenu compte du rapport d’expert naval (Monsieur Gouze), dont le rapport d’expertise a constaté les malfaçons dénoncées par l’EC sur le travail bois. Quelle part du montant versé par l’EC (environ 500 000 euros) a réellement touché la société SCOP, sous-traitante des travaux bois pour Piriou? Qu’est devenue cette société SCOP ? Que sont devenus les stocks de bois payés pour restaurer le bateau ?
Pourquoi Piriou, alors qu’il sait qu’une porte de sortie est en passe d’être trouvée par l'Equipe Cousteau, cherche-t-il à entraver ses actions et à communiquer autant par voie de presse alors qu’il était resté silencieux jusque récemment ?"
Voici des questions qui semblent vraiment pertinentes mais que l'on ne voit dans aucun article et reportage. Pourquoi ?
Alors certes, le sort de la Calypso peut finalement sembler anecdotique au lendemain des attentats de ce début d'année à Paris, face aux exactions de DAECH, au chômage et à la crise, mais l'actualité est ainsi et je ne peux me résoudre à perdre cette partie si intime de mon être. Certains, à l'instar du directeur d'un fameux Institut océanographique toulousain, diront pourtant, qu'alors qu'ils ont "découvert l'océanographie grâce à Cousteau et à sa soif de transmettre, le sort de la Calypso, les touchent moins, que cela est dans le cours normal des choses, que c'est son destin en somme". Plusieurs fois j'ai entendu ce genre de propos. "A quoi bon ? Tout ne doit-il pas disparaître un jour ? Puis ce n'est qu'un bateau. Il y a plus important dans le monde, non ?" etc … Je trouve cette tournure d'esprit totalement dramatique. Dirait-on cela du château de Versailles ou de Chenonceau et de bien d'autres symboles de l'oppression royale sur le peuple ? Dirait-on cela alors que la Calypso, elle, a fait avancer la science et les consciences humaines ? En ces périodes de crises, la culture et le savoir ne doivent pas être sacrifiés sur l'autel du pragmatisme économique mortifère car nous ne pouvons résumer nos vies à la rentabilité et aux bilans financiers. Nous sommes fait de rêves, de passions, de beautés et d'histoires. Les djihadistes de DAECH, ne s'y trompent pas, en détruisant, livres, sculptures, musiques, bâtiments culturels, ils asservissent les Humains. C'est bien la problématique développée dans "Fahrenheit 451". En tuant l'Histoire et la culture on tue l'humanité, on tue la liberté. La Calypso est un morceau de notre culture collective. Voila pourquoi il faut sauver la Calypso et voila pourquoi elle sera sauvée.
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Breaking news : selon Nice-Matin en date du 19 Mars 2015, Le prince Albert II, via sa fondation, serait en négociation, depuis le début de cette année, avec l'Equipe Cousteau pour acquérir l'héritage scientifique et pédagogique du célèbre explorateur, composé de films, de livres, de photos et, par-dessus tout, de "La Calypso". Si les discussions aboutissent, elle pourrait se retrouver exposée près du Musée Océanographique de Monaco, que le commandant Cousteau a dirigé pendant de longues années, de 1957 à 1988. L'EC devrait confirmer l'information dans la journée du 20 mars 2015.
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