"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

dimanche 6 avril 2014

le paysage a changé, l'urgence attendra.


Le premier mars j'écrivais, en tant qu’élu sortant, mes ambitions pour un Développement Durable aux Ulis, mais aujourd'hui l'heure n'est plus à ces ambitions car le paysage a changé depuis une semaine, tant dans ma ville qu'en France. Le printemps est arrivé avec un mois d'avance, l'air est doux mais l'ambiance n'y est pas. Les municipales sont passées par là et un sentiment de coup d’arrêt, de perte de temps devant les urgences, se développe chez moi. Un sentiment de lassitude s’est abattu sur moi.

Les vieilles lunes du capitalisme, du consumérisme et de la croissance dogmatique - causes des crises sociales, écologiques et climatiques - ont redébarqué sur la France en une vague bleue morne. Dans le même temps, le GIEC dévoilait son rapport, probablement le plus alarmant depuis que le groupe d’experts en publie. "Sécheresses, inondations, maladies, migrations contraintes, pénuries alimentaires, risques de conflits..." sont des événements maintenant tenus comme hautement probable pour le futur proche, avertit le 5e rapport du Groupe d'experts de l'ONU sur l'évolution du climat. Et pour aujourd'hui, "la probabilité d'impacts graves, étendus et irréversibles, s'accroît avec l'intensification du réchauffement". Ainsi ces dernières décennies, le changement climatique a eu des impacts "sur tous les continents et dans les océans", essentiellement sur les systèmes naturels. Dans de nombreuses régions, le changement dans les régimes de précipitations et la fonte des neiges/glaciers ont modifié les systèmes hydrauliques, "affectant les ressources en eau en quantité et en qualité". Le changement climatique a eu un impact plus "négatif" que positif sur la production alimentaire (blé et maïs), et l'aire de répartition, le nombre d'individus ou les pratiques migratoires de nombreuses espèces marines et terrestres se sont modifiés. Le GIEC dévoile son rapport probablement le plus alarmant et avons-nous entendu de quelconques réactions de ministres, de députés, de sénateurs autres qu'écolos sur ses conclusions ? Non, un silence assourdissant, une chape de plomb, une omerta se sont abattus sur ce rapport. Quelle ironie.

Non, nous n’avons rien entendu car le show grotesque doit reprendre vaille que vaille. Avec l’aide des chaines de télévision, qui auront voté Front National, la rengaine aura tourné en boucle sur tous les médias officiels en ce dernier weekend de mars : "la poussée Bleu Marine". Pourtant ce jeu, qui sert la soupe à l’extrême-droite et arrange les partisans du bi-partisme, pourrait bien cacher une réalité dérangeante : EELV a obtenue de très bons résultats. "Dans ce contexte de désolation le score des listes écologistes est plus qu’une consolation, il est un espoir et constitue le socle du renouveau des forces du changement. " Combien de villes sont aujourd'hui gérées par les écologistes ? Vingt-six. 26 maires de villes de plus de 1000 habitants sont écologistes avec de belles conquêtes comme Grenoble, Sevran, Bègles ou bien encore le second arrondissement de Paris.

26 villes contre 10 au FHaine ?!?! Silence radio sur cette poussée-là. Circulez, il n’y a rien à voir !

Abstention, retour en force de l'UMP, rejet du PS, report sur les écologistes … le gouvernement se devait de réagir et donner un coup de barre à Gauche. Il n'en a pas été ainsi et le Président de la République de répondre d'une bien étrange façon : à une question d'orientations politiques il nous répond par un people libéral et sécuritaire. Alors les écologistes, faisant confiance à l'expérience de leurs deux ministres, ont décidé de ne plus participer au gouvernement parce qu'ils n'étaient "plus en communion d'idées et d'espérance" selon Cécile Duflot citant les mots de Léon Gambetta. Nous savions, alors, que nous ouvririons la porte aux inévitables esprits chagrins et autres pourvoyeurs de bons conseils, qui, toujours fort à propos, savent nous rappeler que ce que nous faisons n'est pas ce que nous devrions faire. Qu’importe car nous savons aussi que si "nous refusons de rentrer dans le gouvernement, la critique s'élève ! On est immature, on laisse la porte ouverte aux lobbies, les électeurs ne vont pas comprendre notre refus de participer à la transition énergétique ! En même temps si nous y étions allés, alors la critique se serait élevée, car nous aurions pactisé avec le libéralisme, renié nos valeurs, les électeurs n'auraient pas compris notre compromission !" Dans les accords politiques tout est une question de balance entre les "Profits et Pertes". Ainsi, si la balance continue de pencher du côté des bénéfices alors oui, cela vaut le coup de participer mais, en revanche, si notre présence ne doit être qu'une caution verte d'une politique qui s'éloigne de nos fondamentaux (social-libéralisme, politique d'émigration, NDDL, dogme de la croissance et de la consommation, maintien du diesel, frilosité sur le bio et les OGM, cadeaux au patronat …), d'une politique aussi intransigeante avec nous qu’elle est, au contraire, conciliante avec les pigeons et autres bonnets rouges, alors il nous faut prendre le risque de dire "non" et résister. J'ai le sentiment que c'est ce que nous avons fait et que véritablement, quoi que nous ayons fait, cela n'aurai jamais été bien. Alors je préfère me dire que nous avons pris une décision, qu'il nous faut l'assumer et regarder la liberté de parole que nous avons retrouvé.

"Si j’avais eu le sentiment qu’il était possible d’agir encore avec utilité au sein de ce gouvernement, ne doutez pas que j’aurai poursuivi dans cette voie. La perspective d’avoir un - ou une - écologiste numéro 2 du gouvernement était alléchante pour nous tous. C’est le propre d’un appât que d’être alléchant. Mais je crois sincèrement que se jouait là quelque chose d’essentiel qui demandait à regarder au-delà du trompe l’œil proposé. Sans changement de cap, sans davantage de fermeté face aux lobbies, sans bras de fer avec Bruxelles, sans faire le choix d’une politique de relance écologique, la transition restera un mot creux, une opération de communication destinée à être vidée de son sens comme le fût jadis le Grenelle de l’environnement. " Cécile Duflot au conseil fédéral EELV du 5 avril 2014

Ainsi même si nous ne serons pas "une quelconque opposition de gauche" nous lutterons pourtant sans faiblir, encore et toujours, contre ce système moribond que les vieilles lunes nous remettent en sauce.

Comme pour nous donner raison, Pascal Lamy, ex-directeur général de l'OMC et membre du PS proche de Jacques Delors, se sentant pousser des ailes, a plaidé, le 2 avril dans l'émission "Questions d'info", pour ce qu'il nomme l'audace et la transgression … tant que cela ne s'applique pas à lui : "je pense qu'à ce niveau de chômage il faut aller vers davantage de flexibilité, et vers des boulots qui ne sont pas forcément payés au smic" nous dit-il. Audace et transgression … pour autres que lui, s'entend. Mais a-t-il vraiment conscience de ce qu'il dit ? Méprisant pour ces pauvres gueux qui refusent de faire des efforts pour que les capitalistes puissent s'engraisser, il poursuit "Aussi longtemps qu'on ne changera pas cela, les Français resteront ce qu'ils sont aujourd'hui : les champions du monde du pessimisme, de la déprime". Il est vrai que la perspective de devenir un travailleur pauvre a de quoi soulever l’enthousiasme. "Quand on regarde ce qui se passe ailleurs, chez les Suédois, les Canadiens, les Allemands, il y a des tas de moyens de se redresser, à condition de voir le monde tel qu'il est" termine-t-il. Un tel aveuglement, un tel cynisme me laisse sans voix. Pourtant nous serions bien tentés de lui dire qu'il est encore bien trop bon, bien trop à Gauche et qu'il nous faut oser pousser le raisonnement jusqu'au bout afin d’envisager le servage pour les blancs et l'esclavage pour les noirs. Là nous serions véritablement compétitifs par rapport au dumping de la Chine, du Mexique, de la Roumanie ou bien encore des salariés aux 1€ de l'heure en Allemagne. Oui poussons l'absurdité du capitaliste jusqu'au bout afin de mesurer la descente en enfer que ces braves gens, si bien habillés, nous préparent depuis des années.

Les menteurs, bonimenteurs et illusionnistes assurent le spectacle devant un public aux anges "d'oublier, toute une heure, la pendule d’argent" de la réalité et de l'horreur qu'ils ont, eux-mêmes, mis au pouvoir en votant pour l'ordre, la sécurité, la mondialisation inhumaine et la fuite en avant. Sentiment de lassitude devant un tel gâchis. Sentiment que l'on va se prendre 6 ans de retard pour la mise en place de la transition écologique et énergétique. Mais soyez sûr que malgré tout, devant les forces réactionnaires, de l’immobilisme, du vieux monde et le refus du coup de barre à Gauche, nous qui avons "payé pour savoir que pour certains, les mots ont vocation à rester des mots" et que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, que nous affirmerons notre présence rebelle, vivante et debout.

Le premier mars j'écrivais mes ambitions pour un Développement Durable aux Ulis, mais aujourd'hui l'heure n'est plus à ces ambitions car je ne suis plus élu. Mais les voies d'actions n’en sont pas moins importantes, ni diversifiées et me voici pleinement investi dans l’association Citoyens Écologistes et Solidaires et EELV pour ne pas baisser les bras et affronter la lassitude.

Bruno BOMBLED

Source : Reporterre, Sciences et Avenir, Le Monde, discours de Cécile Duflot.

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