Une réflexion pas très élégante et parfaitement suffisante d’une personne de la LDH m’oblige à revenir sur le sujet de la prostitution. Je crains de n’être, encore une fois, obligé de clarifier mon positionnement face à ce phénomène aussi vieux que l’humanité. Je vais être obligé de redire qu’il est bien évident que je suis contre et archi-contre tout esclavage sexuel … mais que je me méfie, aussi, des moralisateurs et autres vertueux qui cachent des part d’ombre souvent bien dégueulasse.
Quatre principes guident ma réflexion sur la prostitution :
- La lutte contre l’esclavage
- La liberté de faire ce que l’on veut avec son corps même si cela choque la morale
- Pas d’angélisme ni de manichéisme, la prostitution est polymorphe
- L’enfer est pavé de bonnes intentions.
Ainsi, ce militant des droits de l’Homme - après avoir lu, sur mon blog, mon texte de décembre 2011, "La fin de la prostitution. Une bonne chose ?" - pensait n'y avoir trouvé que (je cite) "préjugés, stéréotypes, idées préconçues, clichés, lieux communs et poncifs". Ma première réaction fut de mépriser cette réflexion non argumentée, puis je me suis dis qu’il me fallait tenter d'être plus intelligent que cela et remettre mon travail sur le métier, dans toutes les limites de mes capacités intellectuelles.
Rappelons les faits afin que chacun puisse comprendre. Ce Monsieur soutient le projet de son épouse et députée PS qui souhaite lutter contre la prostitution en pénalisant les clients et moi je m'y oppose ouvertement, persuadé que c'est prendre le problème par le petit bout de la lorgnette. Sur le principe de la lutte contre l’esclavage sexuel je ne peux qu’être d'accord, mais là où je ne le suis plus, c’est sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir. Ainsi j’avais envie de lui dire, ironiquement, qu’en prenant cette disposition il est sûr que nous allions, tout de suite, ôter toute envie et toute pulsion aux hommes qui vont voir les prostituées. Toujours moqueur, j’imaginais l’image d’un monde tout rose, tout beau où, grâce à cette nouvelle prohibition, nous aurions enfin construit une belle société de maris fidèles ou de sages branleurs. Nous pourrions enfin - les pires abjections cachées (pas disparues, juste cachées) - dire, à l'instar de Candide, que tout est bien dans le meilleur des mondes. Et c'est moi que l'on dit irréaliste !
"Un animal dénaturé"
Mais pourquoi, diable, ne parviendrait-on pas à éradiquer la prostitution ? Question légitime, non ? Pourquoi nous ne parviendrons jamais à supprimer la recherche de relations tarifées ? Basiquement parce que la sexualité humaine est un programme génétique issu de l'évolution, comme l'ont démontré les anthropologues : "Du fait de sa bipédie, Lucy avait certainement perdu les signes de l'œstrus (l’ovulation visible). On peut donc supposer qu'elle avait une sexualité permanente, à la différence des grands primates qui ont des périodes de rut (traces olfactives, vulve saillante...) induisant des combats entre mâles pour accéder à la femelle le jour même de l’ovulation. On sait aujourd'hui que la perte de l'œstrus conduit à une transformation profonde des rapports entre les sexes." Claudine Cohen - Paléontologue et historienne des sciences. Ainsi, puisqu'il ne pouvait plus savoir, visuellement, quand sa femelle était féconde, l'évolution a programmé le mâle humain pour être en permanence disponible à l'accouplement, induisant une recherche permanente de partenaires. Malgré notre modernité nous restons un primate avec les signes des société de grands singes : hiérarchisation entre mâles dominants et dominés dans un groupe d'hommes, l'homme bombe le torse devant une femme ou lance des objets, quand il se laisse aller à la colère, cela comme n'importe quel gorille etc ... Nul homme n'échappe à cette condition évolutive et pour s'en convaincre, observons combien et sans pour autant faire de nous des obsédés ou des détraqués sexuels, notre regard tombe très souvent, malgré nous, sur les seins ou sur les fesses féminines, caractères sexuels secondaire et mesdames regardez, avec honnêteté, la demande sexuelle de vos hommes. L'Homme est bel et bien cet animal dénaturé comme nous le dit Vercors. Aujourd'hui l'homme moderne - qu’il soit bien élevé, marié, président de la république, curé de campagne, ouvrier chez Renault ou père la morale - n’échappe donc pas à cette condition, mais il la contrôle et la maîtrise grâce à l’éducation et aux règles de savoir vivre (c’est la société qui civilise). "[...] Ce qui ne l'empêchait pas, comme son fils, d'être convaincu de la toute-puissance du sexe dans ce bas monde. Première leçon du métier de flic : le cul est partout, tout le temps. Sous le vernis de la culture, des discours, des religions, des uniformes, il y a la chair. Le besoin de toucher des mamelles, de plonger son dard dans fente humide et brûlante. Le reste, c'était de la littérature. [...]" J-C Grangé - Lontano - Roman - Pgs 52-53. Ainsi, à moins de castrer tous les hommes après qu'ils se soient reproduits ou bien de les mettre sous camisole chimique, il y aura toujours de la demande masculine ... car nous sommes programmés pour cela. C'est peut-être déplaisant pour ces dames, mais c'est une réalité physiologique que l'on ne peut ignorer. Mais tout le monde n’est pas égal devant la vie sexuelle en effet : Soit on a de la chance d’être avec quelqu’un qui nous aime et c’est possiblement Byzance, soit on est un tombeur et on multiplies les relations consenties (toujours protégées, of course). Soit on est seul parce que pas doué en drague, timide, handicapé, délaissé dans son couple … et alors, les expériences se résument à sa main droite ou gauche, seul ou devant un petit porno (qu’il faudra aussi interdire ?) ce qui, à la longue, peut-être assez triste et déprimant comme perspective de vie. Ainsi, si l’on ne souhaite pas voler sa relation sexuelle par un viol toujours immonde, reste l’achat de services sexuel. En fait, n’en déplaise aux féministes intégristes, sans compassion, ni compréhension, il n’y a pas 36 000 solutions pour avoir cette part de la vie qui est si impérieuse pour un homme car s'il n'existe pas, à priori, de droit à la sexualité (ce qui devrait pourtant faire débat), celle-ci est pourtant "universellement reconnue comme une dimension fondamentale de la personne humaine, nécessaire au plein développement de sa santé, de sa personnalité" Pascale Ribes (présidente de l’association CH(s)OSE). Ainsi dire, à ceux qui n’ont pas de partenaire, qu’ils n’ont qu’à s’en passer est tout juste une abomination !!!!
Une fausse bonne idée
En vérité je vous le dis, il ne faut pas se tromper, le politiquement correct ne supprimera pas le trafic humain, ainsi depuis les années 90, le tourisme sexuel frappe les pays de l'ancien bloc communiste : la Pologne, la République tchèque, les Pays baltes, la Bulgarie..., et plus encore l'Ukraine sont devenus des destinations renommées de tourisme sexuel. Or, la plupart de ces pays interdisent la prostitution. L’exemple de la Suède est également probant ... La prostitution n’a pas disparu ni diminué, elle s’est juste transformée et s’est adaptée en se cachant. La pénalisation des clients est une mauvaise idée ...
"[…] Après une hypothétique "loi Najat Vallaud-Belkacem", les tenants de l’interdiction pensent probablement que les hommes ne chercheront plus à coucher avec des femmes pour de l’argent. Ils seront « guéris » par cette mini révolution culturelle qui amènera l’Etat à pouvoir légitimement contrôler la nature des relations sexuelles entre les individus pour déterminer si, tenez vous bien, elles étaient tarifées ou pas ! Mais pour faire respecter la loi, il faudra un appareil de surveillance et de répression dont on peut déjà deviner la nature insupportable et menaçante : contrôle des communications téléphoniques et des connexions Internet des présumé(e)s prostitué(e)s et de leurs clients, surveillance des comptes bancaires, des hôtels, des locations, et même des déplacements suspects. Et puis, pourquoi pas, séances de rééducation pour sensibiliser les récalcitrants sur l’immoralité de leurs actes ... […]" Alain Cohen-Dumouchel
Si ce projet de flicage n'était pas une catastrophe humaine et sanitaire annoncée, cela me ferait marrer. Mais je ne rigole pas car ces gens sont sérieux. Pourtant véritablement "ce qui est choquant, ce qui n’est pas admissible sur le territoire d’une République comme la nôtre, ce n’est pas d’échanger une relation sexuelle contre de l’argent, c’est d’y être contraint et d’être abandonné face à cette contrainte." (Contribution thématique au congrès de Toulouse (2012) du Parti Socialiste)
Ne pas faire d’affichage
C'est pourquoi je suis pour que l'on travail à trouver un moyen, efficace et non d'affichage, pour faire cesser l'esclavage sexuel car il est facile d’être dans l’incantation mais il est plus dangereux de se frotter au milieu.
Je suis pour une méthode radicale et musclée d’éradication du trafic humain et contre des mesurettes qui ne feront plaisir qu’à ses promoteurs.
J’ai toujours été contre une république à deux vitesses, une école à deux vitesses, une justice à deux vitesses et donc, en cohérence avec cela, je ne souhaite pas que cette nouvelle prohibition n’engendre, une fois de plus, des différences de traitements dont on peut penser qu'elles auront lieu. Et ainsi j’ai des doutes sur la capacité et la volonté de l’état et de ses fonctionnaires ("Dans la police, il y a aussi des clients" Françoise Gil) à verbaliser ou mettre en examen de riches héritiers saoudiens, de riches hommes d’affaires ou de riches américains en goguette à Paris et qui seraient pris en présence d’Escort Girls (Cf : "Les Michetonneuses" – TF1 - 7 à 8 - 27-01-13). Non on ne touchera pas à ces clients là ! Ainsi et dans les faits, même si elle est votée, la proposition de loi PS, visant à pénaliser le client ne sera pas appliquée. Tout le monde le sait. Il s'agit plutôt de faire peser une réprobation morale plutôt que de réellement "pénaliser" le client. Il s'agit de donner une bonne conscience à la République.
Ainsi donc définitivement la lutte contre l'esclavage sexuel ne passera pas par la pénalisation des clients, mais par la chasse aux proxénètes et aux réseaux mafieux. Alors que l'on lutte, oui que l'on lutte mais lorsque l'on voit que l'Office central de répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), ne regroupe qu'une cinquantaine de policiers pour tout le territoire ( Françoise Gil, sociologue) et que la Brigade de répression du proxénétisme (BRP) n'a assurément pas assez de moyens on peut s'interroger sur la volonté politique de s'attaquer réellement aux réseaux.
Que l'on poursuive les vrais coupables ! Que l'on poursuive les vrais criminels que sont les proxos souvent associés aux trafics des drogues ! Que l'on combatte vraiment le crime afin que l'esclavage sexuel ne puisse plus être possible mais sans organiser le flicage des citoyens. Que l'on lutte oui, que l'on lutte, mais que, en parallèle, l’on garantisse, à chaque personne, la liberté de faire ce qu'elle veut de son corps.
Bruno BOMBLED