Les sénateurs ont analysé l'impact environnemental de quatre grands projets d'infrastructure
Peut-on compenser les atteintes faites à la nature lors d'un grand chantier en protégeant ou en réparant ailleurs ce qui y est détruit ? La question anime sans fin les experts de l'écologie. Cette fois, ce sont les sénateurs qui s'en mêlent. Ils ont formé une commission qui a examiné quatre cas concrets : l'autoroute A65 reliant Pau à Langon (Gironde), la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux, la réserve d'actifs -naturels de Cossure dans la plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône) et... le projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).
Ce dernier dossier n'en finit pas de semer le trouble, jusque dans le rapport que le Sénat a rendu public jeudi 11 mai. Une commission d'enquête de la Chambre haute, mise en place le 29 novembre 2016, s'est penchée sur "la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d'infrastructure". Ce travail établit de fait la quasi-impossibilité de compenser les pertes de terres agricoles et de zones humides là où doit être construit le futur aéroport, au nord de Nantes.
Les membres de cette commission se gardent bien de commenter le bien-fondé de cette infrastructure ni d'ailleurs d'aucun des autres cas étudiés. "Donner un avis a tout simplement été impossible à cause des divisions sur le sujet de Notre-Dame-des-Landes, mais notre but était d'abord de définir des mesures compensatoires plus claires et de préciser le cadre d'application de la loi biodiversité - adoptée le 20 juillet 2016 - ", explique Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique et rapporteur de la commission.
Coûts sous-évalués
Pour aboutir à un compromis que M. Dantec juge finalement " ambitieux ", les membres de la commission ont dû éviter les questions sensibles. Ils avancent trente-cinq propositions, sans s'accorder sur le cas du futur aéroport. Mais pour l'élu, aucun doute n'est permis. La conduite du projet actuel ne répond pas au principe " éviter-réduire-compenser ", introduit en droit français par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Ce concept a, depuis, notamment été renforcé par la législation européenne sur la question de l'obligation de résultats. Mais, ainsi que le suggère le rapport, il reste à préciser comment l'appliquer et comment encadrer sur le plan juridique le contenu des mesures à prendre.
Ronan Dantec explique que le projet de Notre-Dame-des-Landes et le choix de sa future implantation, arrêté dans les années 1960, ont été décidés " sans prise en compte de la biodiversité ". La phase dite d'évitement - autrement dit l'étude d'alternatives - n'a pas été menée, comme en ont témoigné les représentants des agriculteurs ainsi que les associations d'opposants auditionnés par la commission. L'étape de la réduction des atteintes à la biodiversité n'a pas été mieux respectée.
Enfin, s'agissant de la compensation, elle serait de fait impossible. Les mesures envisagées par l'Etat et le porteur du projet, Aéroport du Grand Ouest, filiale de Vinci, ont été " surévaluées ", avance-t-il, et les surfaces nécessaires à la compensation tout autant sous-évaluées. De même que le coût, qui pourrait s'élever " en moyenne de 1 à 2 millions d'euros par an, alors que les -maîtres d'ouvrage annoncent 300 000 euros ". Enfin, la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire Ouest-Bretagne - Pays de la Loire, destinée à améliorer la desserte entre le futur aéroport et les deux régions n'a pas été prise en compte dans la compensation.
Au-delà de ce cas d'espèce, les sénateurs, après plus de soixante-quatre heures d'auditions et des visites sur les quatre sites étudiés, ont retenu plusieurs propositions innovantes. Parmi les plus marquantes, on relève la nécessité de définir dans le code de l'environnement les principes applicables à la mise en oeuvre de l'évitement et de la réduction, comme cela existe pour la compensation.
Sont également avancées la prise en compte des atteintes à la biodiversité " ordinaire ", comme les oiseaux communs ou les pollinisateurs, dans les processus d'autorisation; la nécessité d'appliquer aux travaux eux-mêmes le principe éviter-réduire-compenser, et l'association plus étroite du monde agricole à toutes les étapes de définition et de mise en oeuvre de ces mesures. Les sénateurs soulignent, par ailleurs, la nécessité de davantage de transparence dans les coûts. Ceux-ci sont en effet très rarement déterminés avant la réalisation d'un projet lors de la phase d'étude.
Rémi Barroux
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De son coté, Emmanuel Macron, sur le projet de NDDL, s'est montré ouvert à l'étude d'une modernisation de l'aéroport actuel. « Aujourd'hui, on ne lancerait pas un projet du type de Notre-Dame-des-Landes », a-t-il concédé, tout en disant ne pas vouloir « écarter » le résultat de la consultation publique de l'an dernier, qui a débouché sur un avis favorable au projet. Ainsi dans les six mois suivant son élection à l'Élysée, il a dit vouloir nommer « un médiateur » pour qu'on « regarde en parallèle (...) le projet Nantes-Atlantique », l'actuel aéroport qui pourrait être modernisé. Dans ce dossier, le candidat souhaite « une dernière fois, regarder les choses » en termes « économiques, environnementaux, d'empreinte carbone, de capacité à développer ». Et enfin il a écarté l'idée d'une évacuation des opposants à un nouvel aéroport : « Je ne veux pas d'évacuation (...) il n'y aura pas de brutalité. »
N’étant pas du genre à faire des procès d’intentions, j’attends donc de voir s’il respectera sa parole, et alors, s’il est honnête, je n’ai aucun doute sur le fait qu’il ne pourra que se rendre à l’avis des opposants et reconnaîtra que ce projet se doit d’être abandonné. Mais en attendant on ne lâche rien !!!
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