Manuel Valls versus Daniel Cohn-Bendit. C'était le duel du jour, hier matin en direct sur Europe 1. L’ancienne figure des Verts au Parlement européen a invité le Premier ministre a renoncer au chantier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour offrir un symbole concret et très français à la Cop21. En vain. Retour sur cette passe d'armes.
Ce fut plus qu’une turbulence dans la matinale d’Europe 1 "spéciale Manuel Valls". Un crash.
Au lendemain de l’ouverture de la COP21, l’occasion était trop belle pour Daniel Cohn-Bendit, chroniqueur maison, de placer le Premier ministre face à ses responsabilités sur le dossier Notre-Dame-des-Landes : Manuel Valls n’avait-il pas répété, à plusieurs reprises, la détermination du gouvernement à mener à bien le projet d’aéroport du Grand Ouest (entre Nantes et Rennes) qui déchaîne la colère des écologistes depuis des années ?
Des déclarations à la limite de la provocation au moment où le PS tentait laborieusement de constituer des listes communes aux régionales avec ses frères et sœurs ennemi(e)s d’EELV.
Le feu vert administratif donné le mois dernier aux défricheuses chargées d’ouvrir une voie aux travaux a entraîné un logique carton rouge des écologistes de la majorité, pour une fois d’accord entre eux pour se rebeller contre l’incroyable obstination de Matignon.
Dany "ne comprend pas" cet acharnement
Ce mardi matin, "Dany" est donc reparti bravement à l’assaut avec les solides arguments contre "l’Ayraultport" (l’ancien Premier ministre était son grand promoteur) qu’il ne cesse de répéter avec constance, et depuis des mois, à l’oreille sourde du pouvoir.
Pourquoi s’accrocher à ce "Toutankhamon de l’aménagement du territoire", imaginé au temps du plan des années 1970… pour faire voler Concorde de Nantes à New York ? C’est de l’ordre de l’irrationnel. Dany "ne comprend pas" cet acharnement anachronique.
Pourquoi déployer tant d’énergie politique pour un chantier qui va ravager un espace naturel exceptionnel au nom d’une ambition de développement aérien non seulement dépassée mais qui, aussi, défigure les horizons du développement durable ? Pourquoi cette contradiction au moment même où la France organise le plus grand rassemblement de l’histoire pour l’avenir de la planète ?
Ce mardi matin, en direct, Cohn-Bendit, délibérément positif, a proposé au Premier ministre de saisir l’occasion offerte par la COP21 pour renoncer solennellement à la funeste entreprise qui va, immanquablement, ravager un milieu jusque-là préservé. Une porte ouverte formidable pour faire entrer un peu de soleil réconfortant sur le gris paysage du futur climatique.
Inflexible, Valls a fait du Valls
L’espace d’un instant, on a rêvé que le chef du gouvernement de la France allait profiter de ce grand courant d’air frais et se libérer, à la façon d’un personnage de Cabu, de toutes ses anciennes certitudes.
Qu’il allait se laisser emporter par le vent de l’audace. Qu’il allait, enfin, retrouver un peu de légèreté dans cette atmosphère si lourde, et faire une croix verte sur les ailes noires des avions doublement carbonifères.
Mais non. Inflexible, Valls a fait du Valls. Il a tenté une contre-offensive avec un argumentaire fatigué : l’aéroport de Nantes est déjà saturé, urbain et il provoque une pollution sonore continue sur toute l’agglomération nantaise. [...] Il faudrait, si on le comprend bien, régler des nuisances environnementales urbaines au prix d’un désastre écologique rural.
Pour faire bonne figure, et dans la panique il a aussi avancé que les "petits aéroports" bretons seraient fermés au profit d’un seul grand, comme si c’était une bonne nouvelle : Quimper et Lorient, notamment, vont apprécier...
Des airs de ministre de l’ère pompidolienne
La démonstration a donc explosé en vol en répandant des ondes négatives immédiatement perceptibles à l’oreille. Dany a bien essayé, jusqu’au bout, de sauver Manuel de ce piqué en vrille, en invoquant l’efficacité, prouvée, de l’interconnexion TGV avec Paris et même la solution démocratique : un référendum régional… En vain.
Le Premier ministre a jugé que le processus démocratique était déjà largement suffisant… On aurait cru entendre un ministre de l’industrie de l’ère pompidolienne. Que dire de plus, sinon qu’on est triste ?
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