Les bien-pensants sont à l’œuvre dans une absurdité et un aveuglement qui frise l'irresponsabilité. A avoir voulu réduire le racolage et à avoir voulu rejeter les prostitués en périphérie des villes, cachées des regards des bourgeois qui ne sont pas les derniers à aller leur rendre visite, nous favorisons un système qui engendre esclavage, drogues, maladies et violence.
N’en déplaise à certains, si cette activité est nommée « le plus vieux métier du monde » c’est qu’il doit avoir une bonne raison, non ? La raison en est à la fois belle et toute simple. La sexualité (la belle, pas la maladive), de tout temps, a été et est un élément vital dans la vie des adultes, au même titre que se nourrir, se loger ou même rire. Je dis souvent que s’il existe un dieu, il ne nous a pas permis d’obtenir du plaisir avec notre sexe, pour nous interdire d’en profiter à notre guise dans un consentement mutuel. Le plaisir sexuel, chez chacun, est bien trop fort pour que quiconque n’arrive à le bâillonner, même si les intégristes de tous poils s’y efforcent. Cependant nous ne sommes pas tous égaux devant la possibilité de jouir de ce plaisir divin, ainsi je ne pense pas que nous puissions, un jour, éradiquer la prostitution, car outre les pervers et autre malades qui sont, eux, à soigner, il existe beaucoup d’hommes qui sont délaissés ou qui sont célibataires et qui ont, eux aussi, le droit à avoir une vie sexuelle autre que le plaisir solitaire.
J’entends toujours les gens heureux me dire que la sexualité c’est à deux, c’est au sein du couple, que cela est lié à du sentiment amoureux. Fadaises que cela ! Certes dans un monde idéal, où l’amour serait roi, la sexualité pourrait être cela, mais c’est oublier qu’aujourd’hui beaucoup d’hommes (et de femmes) sont seuls … pas obligatoirement par choix. Beaucoup d’hommes et de femmes sont seuls … même au sein de leur couple. Dès lors de quel droit interdirions nous, à ceux qui n’ont pas de partenaire, d’avoir une sexualité. Je trouve cela inhumain, tout droit sorti d’une dictature puritaine qui me fait gerber. Alors dans un premier temps rappelons-nous que chacun est libre de faire ce qu’il veut de son sexe au sein d’une relation libre, adulte et consentie.
De plus et il ne faut pas se le cacher, comme je pense que l’une des devises des français est, « quand on n’a pas le droit on prend le gauche », ceux qui souhaitent du plaisir tarifé, trouverons toujours les moyens d’arriver à leur fins, soit par des rendez-vous via internet, soit par des petites annonces, soit par des codes SMS ou que sais-je encore ? Les exemples, dans certains états des États-Unis, de volonté de pénalisation des clients ont montrés que cela était un véritable échec car cela n’a jamais éradiqué la prostitution. En Europe, l'Ukraine est devenue la première destination du tourisme sexuel alors que la prostitution y est pourtant interdite. Même dans ces pays à la vertu islamiste et à la charia aveugle, la prostitution existe, ayant pour clients ces pieux barbares de dieu. L’éradication de la prostitution ne sera qu’un effet d’annonce mais ne sera jamais effective. Juste une belle hypocrisie de plus dans un monde absurde. La seule chose à laquelle nous arriverons, en fin de compte, sera de mettre les prostitués, encore et toujours plus, dans une situation de précarité inhumaine. Soit dit en passant, c’est ce qu’a réussi à faire Sarko avec sa loi pour la sécurité intérieure (LSI ou Loi Sarkozy II) adoptée par le parlement, le 18 mars 2003.
Le combat n’est donc pas dans la pénalisation des clients ou bien des professionnelles, mais bel-et-bien dans la lutte et l’éradication des proxénètes et autres dealers. Car, en vérité je vous le dit, la prohibition n’a jamais amené que misère et trafic. Il est donc temps de revoir notre vision sur la prostitution et d’arrêter le politiquement correct qui est plus néfaste qu'autre chose. Il est temps d’arrêter, dans des relents de puritanisme religieux, de diaboliser cette activité. Il est temps de la mettre au grand jour, temps d’arrêter de faire de cette activité une insulte. Il est temps de l’encadrer afin de protéger les travailleuses (ou travailleurs) du sexe contre les proxénètes, la drogue, le sida et autres malheurs qui touchent cette frange de la population. Il est temps de libérer les prostitués, d’en faire des hommes et des femmes libres de louer, à leur seul profit, leur corps comme bon leur semble et cela, en toute sécurité. Seule cette vision de la sexualité tarifée ouvrira sur plus d'humanité, de sécurité publique et de paix sociale.
Bruno BOMBLED
5 commentaires:
Voir aussi la contribution thématique au congrès de Toulouse (2012) du Parti Socialiste :
http://contrib.tumblr.com/
Prostitution : du déni aux réalités.
Extraits :
"Quel que soit le positionnement que l’on peut avoir sur la prostitution, force est de constater que la loi de pénalisation du racolage contenu dans la Loi pour la Sécurité Intérieure (LSI) de 2003 a été un échec, tant vis à vis des desseins qu’elle prétendait défendre, protéger les victimes, que dans son application."
"La pénalisation des clients : une mauvaise idée ... L’exemple de la Suède est probant ... La prostitution n’a pas disparu ou diminué : elle s’est transformée et s’est adaptée en se cachant."
"Ce qu’il faut combattre dans la prostitution, c’est l’exploitation par la contrainte de la prostitution d’autrui, tant par des moyens physiques que psychologiques."
" Ce qui est choquant, ce qui n’est pas admissible sur le territoire d’une République comme la nôtre, ce n’est pas d’échanger une relation sexuelle contre de l’argent, c’est d’y être contraint et d’être abandonné face à cette contrainte."
Les Inrock (25-07-2012) : Pourquoi est-il si difficile de reconnaître le sexe comme un travail ?
Maria Nengeh Mensah (professeur à l’Ecole de travail social de l’Université du Québec à Montréal) : Le terme "sex worker" aurait été employé pour la première fois par l'Américaine Carol Leigh dans un colloque féministe, en 1978. Il réapparaît dans un texte à la fin des années 90 et se propage. Ce terme autorise un nouvel angle d’analyse et une nouvelle façon de penser l’activité qui neutralise la charge morale et idéologique pour trouver des solutions réalistes. On s’imagine émancipé, mais on est toujours très coincé. Le sexe est encore sacré. Il devient ce lieu qui devrait être égalitaire, pur, alors que dans les faits ce n’est pas ça. On peut aussi se demander pourquoi le sexe est perçu comme dangereux. Il y a une réflexion autour de la sexualité qui n’est pas menée. On imagine également que si l’on commence à parler de travail du sexe on banalise les choses, qu’on aura par exemple un kiosque des métiers du sexe dans les écoles. Pourtant, considérer les personnes comme des travailleurs permettrait de lutter contre la violence ou la corruption. Tant qu’il y a criminalisation, on ne peut pas considérer l’exercice comme un travail. La crainte est aussi liée à la notoriété des analyses féministes, qui ont (heureusement) illustré à quel point la sexualité est un lieu de pouvoir, de domination. Un lieu qui place généralement les femmes du mauvais côté du rapport de domination. La prostitution est souvent analysée selon cette grille. Dans notre ouvrage (Luttes XXX, remue-ménage Ed.), on essaie de montrer que la revendication des travailleurs du sexe est profondément féministe.
"Après une hypothétique « loi Najat Vallaud-Belkacem », les tenants de l’interdiction pensent probablement que les hommes ne chercheront plus à coucher avec des femmes pour de l’argent. Ils seront « guéris » par cette mini révolution culturelle qui amènera l’Etat à pouvoir légitimement contrôler la nature des relations sexuelles entre les individus pour déterminer si, tenez vous bien, elles étaient tarifées ou pas ! Mais pour faire respecter la loi, il faudra un appareil de surveillance et de répression dont on peut déjà deviner la nature insupportable et menaçante : contrôle des communications téléphoniques et des connexions Internet des présumé(e)s prostitué(e)s et de leurs clients, surveillance des comptes bancaires, des hôtels, des locations, et même des déplacements suspects. Et puis, pourquoi pas, séances de rééducation pour sensibiliser les récalcitrants sur l’immoralité de leurs actes ... " Alain Cohen-Dumouchel
Aux Etats-Unis comme en France, la bataille s’est engagée en même temps contre la pornographie et contre la prostitution.
Pour faire le lien entre les deux, il faut bien voir que les deux féminismes que j’ai évoqués ignorent, ou du moins négligent, les conditions réelles des femmes qui participent à l’industrie pornographique -leurs salaires, leurs contrats, leur protection sociale. Car c’est une industrie, un business énorme, avec des profits considérables. Et s’il est vrai qu’il peut y avoir une violence, non pas métaphorique, mais littérale, en particulier dans les snuff movies, force est d’admettre que les conditions de travail varient considérablement : certaines sont bien payées, d’autres non, certaines sont en sécurité, d’autres non. Il y a loin de la call-girl à la fille qui fait le trottoir -sans parler de celle qui se contente de fantasmes virtuels, par téléphone ou autre.
Les féministes ont tardé à venir en aide aux travailleuses du sexe, en termes de protection sociale, de syndicalisation ; or, il y a par exemple beaucoup de mères célibataires, qui vivent dans des conditions précaires. Ce sont les « féministes socialistes » (socialist feminists) qui se sont saisies de la question : ce qui leur importait, ce n’était pas la liberté d’expression, mais les conditions sociales de ces femmes.
Ce qui est vrai pour la pornographie ne l’est pas moins pour la prostitution. MacKinnon passe à côté de la question de la liberté concrète. Quelles sont les conditions du consentement ? Selon elle, puisque la prostitution est dégradante pour les femmes, elles sont incapables de consentement : leur abaissement les prive de la capacité de consentir. Si des femmes disent que la prostitution résulte d’un choix stratégique de leur part, MacKinnon ne veut y voir qu’une fausse conscience, et un faux consentement, en disant par exemple qu’elles ont été victimes d’abus sexuels dans leur enfance.
Il reste que pour des femmes des classes populaires, dans un pays comme les Etats-Unis, il peut être préférable d’être une travailleuse du sexe qu’une travailleuse tout court : les horaires peuvent être moins commodes avec un poste de secrétaire, sans parler des revenus, moins élevés. Les choix sont structurés par des contraintes inscrites notamment dans l’économie. Qu’il s’agisse d’une secrétaire, d’une femme de ménage ou d’une prostituée, chacune expose son corps en première ligne ; chacune négocie une soumission du corps pour des horaires et des conditions de travail qui n’offrent pas toujours grand-chose en retour.
Il y avait ce groupe formidable, Coyote, qui dans les années 1980 se battait pour la syndicalisation des prostituées. Car il y avait de quoi faire : les conditions économiques, les conditions de sécurité, les conditions de santé - je pense en particulier au sida. Pour moi, il est incompréhensible que des féministes se désintéressent de ces questions, trop occupées sans doute par la condamnation morale pour s’occuper des vies concrètes de ces femmes.
Il faut donc se demander en quoi l’échange sexuel est plus problématique que d’autres formes d’échange économique dans le monde du travail. D’autant qu’il y a bien d’autres situations où les femmes ne retirent guère de plaisir de leur sexualité : pourquoi pas une étude comparant l’aliénation de la sexualité dans le mariage et dans la prostitution ? La prostituée peut dire : « 50 dollars la pipe », ou bien : « on monte une demi-heure ». Dans le mariage, on ne pose pas des conditions de la sorte. Et il faut en plus se lever, lui préparer le petit déjeuner, et faire comme s’il avait été merveilleux. Au moins, dans la prostitution, la femme peut demander au souteneur de garantir son temps et son prix.
tiré de "une éthique de la sexualité" entretien avec Judith Butler (http://www.vacarme.org/article392.html)
...] Depuis le mois de mars 2011, trois magistrats lillois ont découvert que des soirées privées étaient organisées, en France et à l’étranger, pour un client particulier : DSK. L’enquête à établi que les défraiements des "filles" de Dodo, les déplacements des participants et la location des chambres étaient supportés par plusieurs chefs d'entreprise de la région lilloise, à hauteur de 50 000 euros pour l'un d'eux, spécialisé dans le BTP. Un commissaire de haut rang, participait à ces virées "canailles" [...] L'express N°3209, 2 janvier 2013, pg 31.
Sans juger du caractère moral de la chose on remarquera que les riches et les puissants ont les moyens et la possibilité d'acheter toutes les prostituées qu'ils veulent dans les plus beaux hôtels et en presque toute impunité.
La fin de la prostitution par la pénalisation des clients est donc bel et bien une fausse bonne idée puisque que ceux qui en auront les moyens trouverons toujours la possibilité d'acheter les charmes de femmes cachées et donc encore et toujours plus vulnérables.
La lutte contre le trafic humain passe uniquement par la lutte contre le proxénétisme ... c'est là qu'il faut mettre tous les moyens policiers et judiciaires.
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