"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

mercredi 29 mai 2024

Les névroses d’internet


L'histoire d'Internet remonte au début des années 1960. L'idée d’un réseau informatique, permettant aux utilisateurs de différents ordinateurs de communiquer, se développa par de nombreuses étapes successives pour arriver, dans les années 1990, à sa popularisation moderne mondiale lors de l’apparition du World Wide Web. 

L’idée des débuts de l’internet était de mettre en réseau les ordinateurs des scientifiques du monde entier afin de partager plus vite les informations et ainsi de faciliter la croissance du savoir de l’humanité, mais … 

Mais aujourd’hui la légende dit que 50% du trafic mondial d’internet serait pour diffuser du porno, 25% serait pour montrer des vidéos de petits chats et les 25 % restant seraient réservés au reste de l’information mondiale. Je ne parviens pas à vérifier ces chiffres mais les ordres de grandeurs sont là. On est donc très loin des ambitions initiales de formation des masses populaires à la culture, la science et le savoir. 

On voulait un monde plus intelligent mais au final on fabrique des crétins. On voulait un monde de science et on voit le nombre de platistes croitre. On voulait un monde du savoir et l’on voit des enfants remettre en cause le théorème de Pythagore. Adieu le savoir, bonjour le « bon sens », la « sagesse populaire », l’irrationnel, le « vu sur Internet » et l’évaluation au doigt mouillé. Le travail d’éducation populaire que fit, au moins en France, la télé dans les années 70 et 80 a été réduit à néant avec un Internet vampirisé par les extrémistes, les complotistes, les pornographes, les influenceurs et les influenceuses, les scientifiques du dimanche et les spécialistes de comptoirs. 

On pensait que plus d’informations rendrait les gens plus citoyens, résultat, le complotisme explose. X, avec l’arrêt de la modération voulu par Elon Musk, fait croitre les théories du complot avec la fuite des gens censés, comme le montre le « complément d’enquête » de FranceTV de mai 2024. Les complotistes sont des esprits perdus qu'il est impossible de récupérer car il n'y a aucun moyen rationnel de combattre l'irrationnel. Jamais vous ne parviendrez à récupérer les anti-vax, les climato-sceptiques, tous les complotistes des Chemtrails et conspirationnistes en tous genres avec des arguments rationnels. Ils et elles sont tombé.e.s du côté obscur de l'irrationnel, rien ne peut leur faire ouvrir les yeux. Pire encore ! Plus vous leur montrez, plus vous leur démontrez leurs erreurs d'appréciation, plus vous apparaissez comme élément du complot. 

Alors que ce n’est pas l’outil qui fait le mal mais bien ce que l’on fait de l’outil, Internet a produit une société de l’image et les réseaux sociaux, relayés par les télé-réalités, ont libéré ce qu’il y a de pire chez l’Homme, ont libéré l’égocentrisme et le narcissisme. Monde du selfie, monde du trash, du buzz, de la radicalité, de la haine et de la violence sans limite. Société du procès permanent, de la condamnation sans savoir dans les tribunaux du Net, de la remise en cause de l’État de droit, de l’autorité légitime, de la représentativité alimentée par la médiocrité de nos élites. Société qui ne supporte plus le temps long, qui est dans l’immédiateté. 

Or la réflexion demande du temps. 

Dès lors, sans prendre le temps de la réflexion, la complexité du monde se confronte à la simplicité des analyses de Monsieur Blanc-Cassis et de TataDoc012. Idées simples vs la complexité voici l’une des clefs du problème puisque sur internet tout est devenu simple. La vie est simple sur internet, il y a les bons et les méchants, il y a les hommes et les femmes, il y a les blancs et les noirs, il y a les hétéros et les LGBT, il y a les cathos et les musulmans, il y a les Israélien.ne.s et les palestinien.ne.s, il y a les Flics et les gamins de banlieue, il y a les wokes déclaré.e.s anti-France, … toutes et tous se sentant victimes des un.e.s et des autres. « Plus on divise, plus on affaiblit peut-on lire dans libération du 16 mai 2024. Plus on dresse les travailleurs contre les chômeurs vilipendés comme assistés, les agriculteurs contre les défenseurs du climat, les français contre les étrangers, les centres-villes contre les banlieues, les « parisiens » contre « la terre qui ne ment pas », les «vieux » contre les « jeunes » et plus on aggrave injustice, inégalités, préjugés et discriminations. Et au bout du compte tout le monde y perd…. Sauf les nostalgiques d’un pouvoir autoritaire derrière qui toute la société marcherait au pas. ». 

Sur Internet le monde est binaire et l’on nous somme de prendre position car, comme le dit un certain Dark Vador, dans La Revanche des Sith, « Si tu n'es pas avec moi, alors tu es contre moi!». Difficile de résister aux injonctions du groupe et pourtant il le faut pour garder sa liberté. Toutes et tous se sentent légitimes de se radicaliser pour défendre leurs causes. C’est tout l’objet de la série « La fièvre », une production 2024 de Canal+ qui se termine en se demandant si la guerre civile est commencée ou si elle va débuter. « La fièvre », fiction qui traite de l'emballement infernal des réseaux sociaux et des radicalités, se trouve validée par le documentaire « complètement d'enquête » sur les climato-sceptiques, sur France TV, qui croissent notamment grâce à X. Ces deux productions télévisuelles, diffusées concomitamment, se complètent … le documentaire donnant raison à la fiction. Ces deux programmes nous montrent deux exemples de ce qui se passe quand les modéré.e.s, quand les progressistes abandonnent la partie et désertent le terrain ... Il n'y a plus que les radicalités comme offre politique. 

« La complexité n’est pas un complot. L’extrême polarisation tue la démocratie. Informer, c’est résister aux simplistes et aux manipulateurs. » nous dit très justement Caroline Fourest 

Au final Internet aura échoué là où il voulait faire grandir l’humanité et à lire l’article de Slate du 14 mai, « Les jeunes galèrent de plus en plus à se faire des amis » on comprend combien le virtuel montre ses limites pour améliorer la qualité de la vraie vie. Les jeunes sont de plus en plus isolés et cet isolement n'est pas sans conséquences sur leur bien être mental et physique. 62% des jeunes de 18-25 ans se sentent régulièrement seuls et en souffrent. Avant le COVID, 6% des appels reçus par SOS Amitiés étaient des jeunes, aujourd'hui c'est 25%. Les causes ? La précarité et les réseaux sociaux et leurs amitiés virtuelles nous dit Slate. Je rajouterais le mirage de la vie de rêve des influenceurs et influenceuses, le narcissisme, l'individualisme et le culte du fric qui engendrent des relations faussées et superficielles. Pour lutter contre l'isolement il existe plusieurs solutions et notamment s'engager dans la vraie vie, associations, clubs sportifs, syndicats, groupes politiques ... mais que des trucs de vieux boomers aux yeux des jeunes … et bonjour la fracture générationnelle. 

 Au final Internet aura échoué là où il voulait faire grandir l’humanité. L’IA sera peut-être la fossoyeuse de ce qui reste d’intelligence dans notre humanité. Une humanité qui rédigera, peindra, imaginera, légiférera, délibérera, aimera au travers d’algorithmes, laissant ce qui fait l’Homme et sa liberté au bon vouloir de machines. Une humanité qui, en France, préfèrera le TPMP d’un Hanouna effrayant, une Sonia Mabrouk aux ordres d’un Bolloré fanatisé et bien décidé à sauver la France catholique, une Christine Kelly porte flingue d’un Zemmour fascisant ou bien encore un imbuvable Pascal Praud aux analyses politique dignes de fins de soirées à … « La Grande Librairie», à « En société », à « C Politique », à « France Culture » ou bien encore à « Arte ». car tout est maintenant imbriqué, Internet influence la TV et vis-et-versa. Et nous voici donc avec une France peuplée d’heureux consommateurs et d’heureuses consommatrices, abruti.e.s de certitudes simplistes, qui conchient les écolo-bobo-gaucho-wokes, qui conchient les intellectuel.le.s, qui menacent les scientifiques et cela pour la plus grandes joies des capitalistes, des multinationales, des lobbies et des fascistes qui font leur beurre avec. Et pourtant il n’est pas possible de revenir en arrière, Internet et les réseaux sociaux sont là, impossible de les interdire dans les démocraties. Les démocraties se doivent donc d’encadrer les réseaux sociaux et l’IA. 

Dès lors deux choix se posent à nous, citoyens et citoyennes, soit l’on refuse de rentrer dans le jeu (qui n’en est pas un) et on laisse la voie libre au pire du pire et l’on ne s’étonne pas que la société aille de plus en plus mal, ou bien on rentre, avec prudence et en groupe, dans la bataille et on fait sa part sans garantie que cela ait un impact. En vérité je vous le dis, il nous faut également et véritablement occuper le terrain du virtuel qui a des conséquences très concrètes dans la vraie vie. Des gens meurent à cause des réseaux sociaux !!! 

Rien ne nous oblige à faciliter la vie des pires. 

Et pourtant, malgré tout ce marasme, pour moi, il y a une petite lueur d’espoir dans ce monde virtuel et elle se trouve dans Facebook (Précisons que je n’ai aucune action et aucun intérêt chez Meta), même s’il est de bon ton de lui cracher dessus comme étant un réseau social ringard et de boomers. J’ai juste envie de dire que, pour moi, Facebook est définitivement le seul réseau social qui permet la réflexion. La réflexion étant le propre de l'Homme j'aime m'exprimer sur Facebook qui me laisse l'espace nécessaire à la complexité. Facebook est le seul réseau social qui préfère la réflexion à la réaction. Facebook le seul réseau social qui me permet d'expliciter, de développer ma réflexion, qui me laisse l'espace pour développer ma pensée. À la réaction stérile et souvent à côté de la plaque de X ou autre, je préfère l'espace de réflexion qu'offre Facebook. Ainsi donc le problème de notre société n'est pas l'avènement des réseaux sociaux mais bel et bien l'abandon de la réflexion. Facebook me permet de sortir de ma bulle de mes 10 ami.e.s de la vie réelle et d'avoir un tout petit peu d'influence pour une société, une Europe Écologique, Sociale et solidaire. Facebook est pour moi le seul espace qui permet des échanges intellectuels. Facebook est, pour moi, le seul réseau social intelligent, dès lors je comprends qu'il soit moqué et dénigré.

Aucun commentaire: