"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

samedi 8 décembre 2018

Les violents sont les idiots utiles du pouvoir.

Jeudi 29 Novembre, le mouvement des « Gilets Jaunes » a envoyé, aux médias et aux députés, un communiqué comprenant une quarantaine de revendications : Zéro SDF, retraites, salaire maximum... Pour ma part j’y vois du bon et du moins bon (pourquoi ces quelques cibles, ces quelques lignes vis-à-vis de l'immigration ? Y aurait-il des FN et leurs obsessions, dans le mouvement des gilets jaunes ? Quel est le signal donné par ces lignes ? Que les problèmes des français viennent aussi des immigrés !), mais globalement je me vois très en accord avec la majorité des revendications. Pourtant, le samedi suivant, sur la place de l’étoile et ses alentours, la situation a dépassé l‘entendement républicain. Casses, émeutes, voiture brulés, biens public et privés (même si je ne vais pas pleurer sur les boutiques de luxe des Champs-Elysées) saccagés, violence de toute part. Les "Gilets jaunes" visiblement, c'est une évidence, améliorent le niveau de vie des pauvres casseurs qui peuvent se servir dans les magasins le samedi soir. Révolte dans mon cœur ... et une évidence : Les violences des casseurs, empêchent de parler des 42 revendications des GJ. Les violents sont les idiots utiles du pouvoir.

Révolte dans mon cœur de pacifiste et de non-violent. « Pas en mon nom ! » j’ai envie de crier, car je suis aussi du peuple et je réprouve les violences de Paris. TRÈS EN COLÈRE !!! Je n'ai pas de mots pour exprimer ma colère à son juste niveau. VANDALES !!!, voici le mot que vous m’avez inspiré. Vous n'êtes pas le peuple ! Vous n'êtes pas des manifestants !! Vous n'êtes que des vandales !!! Très en colère contre les saccages d'hier comme je suis en colère, depuis 30 ans, contre la violence des exploiteurs de misère, des patrons, des capitalistes, des actionnaires, des politiques, à la solde des lobbies et des puissants, qui maltraitent et sacrifient salariés et environnement, depuis toujours, pour toujours plus de profits indignes. « C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches » nous dit Victor Hugo. Honte à vous tous casseurs, saccageurs, violents, admirateurs de ces violences, patrons bien gros, capitalistes sans âme, hommes et femmes de droite qui avez semé la misère et qui récoltez la colère, honte à vous tous !!!

Grosse colère également contre la Droite Rutabaga, ces pauvres ères qui gagnent 1200 euros par mois mais qui votent pour des gens qui leur garantissent qu’ils resteront à 1200 euros par mois. Grosse colère car voici des années que la droite-rutabaga vote pour leurs oppresseurs. Des années que nous les syndicalistes et les militants écologistes et de gauche on se bat contre ceux qui nous oppressent sans que la droite-rutabaga ne nous soutienne (beaucoup de Gilets Jaunes avouent que c'est la première fois qu'ils manifestent) voir nous conchient. Des années que les français votent pour le libéralisme et le capitalisme, des années qu'on leur dit que c'est de la merde, mais tant qu'ils avaient espoirs de tirer leur épingle du jeu, ils jouaient la carte du chacun pour soi. Maintenant, la droite-rutabaga pleure. Les français récoltent ce pour quoi ils votent depuis des années !!! La dignité n'est pas de casser l'arc de triomphe ! L'indignité c'était de voter pour ceux qui nous exploiteraient et chier sur ceux qui se vouaient à la défense des travailleurs. La dignité n'est pas de saccager car la fin ne justifie pas les moyens. Et en revanche la violence justifie toutes les oppressions, tous les états d'urgence, toutes les restrictions de libertés par ceux qui ont les moyens de le faire. Les violents sont les idiots utiles du pouvoir.

Et pourtant face à la violence le gouvernement réagit. De ce que j'ai retenu de l'intervention du 1er Sinistre, le 4 décembre, c’est qu'ils reculent, de six mois, l'enculade mais qu'elle viendra quand même. Dès lors quid de la justice sociale ? Quid du rééquilibrage de la charge de la Nation entre riches et plus modestes ? Quid du CICE ? Quid de la lutte contre la fraude fiscale ? Quid de la hausse des salaires ? Quid d'une réelle revalorisation du salaire minimum (150 ; 200 euros) ? Quid d'un salaire maximum ? Rien !!! Aucune volonté de travailler pour les citoyens !!! On lâche temporairement sur l'essence mais surtout on ne s'attaque pas aux causes des inégalités !!! Rien, je vous dis ! Rien si ce n'est qu'on nous entubera plus tard. Ces politiciens sont sourds, mais pourtant face à la violence des « Gilets Jaunes », ils réagissent. Quel est le signal qui est envoyé aux autres mouvements revendicatifs, pacifistes et républicains ? Pour attirer l’attention nous faut-il donc casser, bruler, frapper, taper sur du flic ?

Et que dire de ces politiques qui alternent, depuis 60 ans, l’intérim du pouvoir, qui ont organisé, depuis 60 ans, la richesse des riches et la misère des pauvres et qui viennent, sur les ondes, nous expliquer que le mouvement des « gilets Jaunes », des pauvres, des précaires, des sans-dents était prévisible ? Ainsi donc et sans vergogne et à l'instar des autres, Gérard L'archer, sur France inter, le 5 décembre, nous explique, sans honte, combien c'est injuste (il nous arracherait presque une larme) que les plus pauvres morflent alors qu'il fait partie d'un mouvement qui, depuis des décennies, offre ristournes, cadeaux, subventions, et autres crédits d'impôts aux patrons et aux entreprises sans jamais les conditionner à des engagements sociaux et salariaux mesurables et chiffrables. Il est définitivement insupportable d'entendre ces gens, qui sont responsables de la misère en France, venir nous faire une explication de texte du moment. La décence voudrait qu'ils fassent profil bas. Mais non, ils continuent, tous arrogants qu'ils sont, à venir commenter et nous expliquer qu'ils ont compris la détresse des gens d'en bas, tout en refusant les mea culpa, en refusant de reconnaître que ce sont leurs dogmes libéraux qui sont les causes de la misère. Insupportables, ils sont définitivement Insupportables !!!

« Personnellement, me dis mon frère, je suis toujours aussi désemparé. Après une période de rejet des GJ (Je le dis sans honte car je crois en la taxe carbone et que voir des 4x4 avec un GJ sur la plage avant me débecte) mais j'admets que sans justice sociale, cela ne pourra jamais passer), je partage pas mal d'idée avec la FI, je trouve certains discours de Mélenchon et autres parfaitement justes, ce gouvernement et cette politique "vieux monde relooké nouveau monde" me dégoute, je crois aussi que la violence sociale soft actuellement en vigueur nécessite un rapport de force si l'on veut que les choses bougent. Et pourtant je suis très mal à l'aise (pour ne pas dire plus) avec cette ambiance insurrectionnelle et la violence qui va avec, très inquiet pour mes enfants et ma famille, mon ex-famille, mes amis qui vivent à Paris, pour la démocratie (même si j'aspire à une 6ème république ) car je suis persuadé que des forces fascistes n'attendent que ce genre d'événement pour prendre le pouvoir, je crains aussi un effondrement rapide de notre économie sans possibilité d'organiser ensuite une quelconque transition écologique et plus prosaïquement je crains pour mon emploi qui fait vivre toute ma famille et qui nous permet enfin de devenir propriétaire de notre appartement (je sais, je suis sûrement petit bourgeois). Bref, je suis sûrement confus, mais vous aurez compris que je suis traversé par tout un tas d'émotions souvent contradictoires qui m'empêchent d'être serein en ces moments troublés. Suis-je le seul ou parmi vous, certains sont-ils dans les mêmes errements que moi ? »

Non, p'tit frère tu n'es pas le seul à être troublé, confus, à être traversé par des sentiments contradictoires, je le suis pleinement et totalement. Je partage 100 % de ce que tu dis, mais cela ne m’empêche pas de penser que la violence n'apporte rien, la preuve en est que, ce sur quoi le gouvernement a lâché, ce ne sont pas les choses structurelles qui font qu'il y a tant d'inégalités et tant de violences sociales dans notre pays. Ils ont juste lâché du lest, donné des os à ronger, mais rien de structurellement révolutionnaire. Après ces événements tout recommencera comme avant, le gouvernement aura bien protégé les intérêts des capitalistes et des plus riches. La violence, pour le moment ne paye pas, seule une révolution dans les urnes peut trouver une issue positive... encore faut-il avoir des personnalités qui soient à la hauteur des enjeux et ça ... ce n’est pas gagné, il n'y aura qu'un seul Mandela ... et pourtant il faudra bien que des hommes et des femmes s'y collent.

A ces mots, sur Facebook, un contact me dit « Mais enfin ! Mandela était terroriste et un militaire dont l'organisation s'appelait "Fer de lance de la nation" donc... ».

Donc quoi ? lui réponds-y-je. Mandela fut un homme qui a renoncé à la violence, qui a profondément incarné le « vivre ensemble », qui a rejeté la vengeance et la haine, qui a magnifié la réconciliation et le pardon. J'ai une profonde admiration pour Mandela qui compris que ses combats ne commenceraient à avoir des résultats qu’à partir du moment où il renoncerait à la violence, ce qu’il fit en prison.

« Mais sans la violence - poursuit mon contact Facebook - on ne se serait pas intéressé à l'Apartheid tu sais. Les papous se font massacrer en ce moment ; les Rohingyas aussi... Je ne fais pas l'apologie de la violence et j'ai milité autant que toi (notamment à Nuit debout) sur cette question. »

Vaste sujet pour lequel le média Facebook n’est pas le plus pertinent, lui réponds-t-y-je. Je citerai juste Martin Luther King, « La race humaine doit sortir des conflits en rejetant la vengeance, l’agression et l’esprit de revanche. Le moyen d’en sortir est l’amour » et Mandela « Pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé. ». J'espère en l'amour, je crois au vivre ensemble, j'aspire à la paix, tel est ma philosophie.

A ces mots, mon contact me rétorque que, pour lui aussi, telle est sa philosophie mais que pourtant, MLK, Gandhi ou Mandela seraient arrivés après des affrontements très forts. Que lui aussi « admire ces gens qui sont parmi les plus importants de l'histoire. Mais les pacifistes ont aussi collaboré pendant la guerre et les résistants ont détruit, tué parfois. »

Alors pour finir je lui dis que Gandhi disait « entre la violence et la non-violence je préfère la non-violence mais entre la violence et la lâcheté je préfère la violence ». Les situations de ces trois grands hommes, aux moments ultimes où ils ont prêché la non-violence était bien plus violente, bien plus périlleuse que celle que vivent les gilets jaunes aujourd'hui (sans nier les problèmes des GJ). Aussi justifier la violence, dans un pays où l’on est encore libre de contester, alors que d'autres ont utilisé la non-violence alors que leurs vies étaient menacées, je trouve juste cela énorme. Injustifiable. Insoutenable. Quant aux résistants je l’ai renvoyé à la phrase de Gandhi ci-dessus. La situation en France aujourd'hui n'est pas celle de 1940, n'est pas celle de l'Inde de Gandhi, n'est pas l'Amérique de MLK, n'est pas celle de l'Afrique du Sud de Mandela. Sans nier les problèmes en France.

Définitivement les violents sont les idiots utiles des puissants et pourtant. Et pourtant ... hum !!! Alors que 136 000 de Gilets Jaunes manifestaient partout en France, les marches pour le climat ont rassemblé, ce même jour, presque autant de monde et se sont déroulées dans le calme sans pour autant monopoliser l'attention médiatique et politique. Faut-il donc casser, brûler, voler, saccager, être violent pour que l'on prenne au sérieux les revendications écologiques ? Notre monde prône-t-il la prime à la casse ?

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