"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

vendredi 23 décembre 2016

L'expansion urbaine ou la folie des élus locaux révélée

La décentralisation a transféré le pouvoir de l'aménagement du territoire, de l'état vers les collectivités locales. Résultat, les élus locaux construisent, construisent et construisent toujours plus sur les terres agricoles ou forestières (espaces où il n'y a rien selon eux), qui disparaissent à raison de 100 000 ha par ans. Sans concertation globale et espérant, au mieux, attirer à eux, d’hypothétiques emplois et taxes supplémentaires, de bonne foi ou sous la pression des copains capitalistes et industriels, les élus coulent du béton dans une frénésie dévastatrice. Tous ces cols blancs, qui nous donnent des leçons de bonne gestion, de réalisme et de pragmatisme, ne sont que de dangereux inconscients qui font monter en moi, qui a les yeux ouverts, une forme d'angoisse et d'inquiétude pour l'avenir.


Le résultat de cette inconscience c’est qu’il existe, aujourd’hui, en France métropolitaine, 750 centres commerciaux et que, tous les ans, il s'en ouvre deux. Ce monde est fou. La version officielle de cette folie expansionniste, sans limite, c’est que ce serait bon pour l'emploi local. Brave intention en soi mais la fin justifie-t-elle les moyens ?

La réponse est clairement « NON » si ces moyens sont basés sur les vielles lunes du passé. Un passé où crises écologique, climatique, énergétique et métallique n’existaient pas encore et où le monde semblait sans limite, mais un passé qui a créé ces crises dans un mode fini. Or il est évident qu’en construisant toujours plus, le moyen proposé est basé là sur la consommation et le dogme de la croissance, donc sur l'émission de gaz à effet de serre donc d’impacts climatiques, sur l’épuisement des ressources et sur la destruction des terres nourricières, au détriment des agriculteurs et des consommateurs et de leur santé, au détriment des centres-villes, au détriment de la diversité ... une vision du passé portée par de gens du passé, incapables de voir le monde d'aujourd'hui, incapables de reconnaître ses nouvelles contraintes et de proposer des solutions qui prennent en compte les défis d'aujourd'hui, incapables de voir que la transition écologique est l'avenir. Incapables de penser autrement. Une fois de plus, seul l'écologiste est le réaliste, est le pragmatique, les autres étant tout sauf raisonnables.

Mais cette problématique n'est pas nouvelle, dès les années 70, la loi Royer tentait de limiter l'expansion commerciale afin de protéger les centres-villes. On aurait donc pu penser que depuis 40 ans la raison aurait eu gain de cause, mais rien n'y fit. L'expansion urbaine et commerciale n'a cessé de grignoter les paysages défigurant notre beau pays et mettant en péril notre souveraineté alimentaire (L’île-de-France ne dispose que de 3 à 5 jours d’autonomie alimentaire). Le législateur, pourtant, avait mis en place des commissions chargées d’étudier les implantations de nouveaux centre-commerciaux, mais celles-ci, constituées d'élus locaux, ne s'opposent jamais aux nouveaux projets. Ainsi donc, la seule chose que nos élus sont capables de nous proposer, c'est la fuite en avant avec toujours plus de béton, toujours plus de consommation carbonée, toujours moins de frugalité, toujours plus d'exploitation des plus faibles, toujours plus de précarité et, finalement, de moins en moins de durabilité.

A Noyelles-Godault (Nord) il y a un hyper-centre-commercial qui vide les centres villes des villes et villages alentours. Ainsi, pour répondre à cet hyper-centre-commercial, qui détruit leurs centres-villes, les villes d'alentours (Lens) n’ont rien trouvé de mieux que de répondre par.... la construction d'autres hyper-centre-commerciaux... sur les terres agricoles, bien évidement !!! Et ainsi, dans un climat de baisse de fréquentation, des bulles commerciales se créent, au détriment de tous, la création d'un emploi, vide de sens, en centre commercial entraînant la disparition de deux postes de travail, plus proches des gens et donc plus satisfaisants, en centre ville.

La bulle des centres commerciaux va-t-elle éclater comme à éclaté celle des états unis ? Seuls les élus répondent que non, alors qu'il est évident que cela n'est pas durable. Ces décideurs sont définitivement des incompétents notoires. Ces élus locaux, qui bétonnent leurs terres agricoles pour y construire d'immondes zones commerciales, sont les mêmes qui pleurent devant la désertification de leurs centres villes. Ces responsables politiques ne sont en fait que des irresponsables qui nous emmènent inexorablement vers l’effondrement. Pourtant « la dichotomie économie / écologie, l'opposition entre emploi et environnement c'est une vision du passé » a déclaré, fort justement, Corinne Lepage sur la chaîne public Sénat le 11 décembre 2016.

Devant ces constats toujours plus désespérants, très gentiment, ma sœur m'a suggéré le film « Qu'est-ce qu'on attend ? » en me disant qu'il était « à voir d'urgence car – me dit-elle - c'est un film qui fait un bien fou ». Mais à ces mots je me suis demandé pourquoi, au final, ce genre de films ne me fait pas particulièrement du bien ? J'ai été obligé de reconnaître qu'ils me renvoient trop à mon propre échec politique local, à mon incapacité à convaincre et à fédérer. Ce qui est montré dans ce film comme dans tant d'autres (Nos enfants nous accuseront, Homo toxicus, la mort est dans le près, sacrée croissance, ...), je l'ai tant de fois proposé et défendu, sur la ville des Ulis et ses environs, quand j'étais élu, sans avoir été jamais soutenu ni entendu ou pas par grand monde, qu'au final je n'ai rien fait passé. Force est de reconnaître que quand tu n'es pas majoritaire, sans le soutien du maire et du premier adjoint, tu ne peux rien faire, si ce n'est, bien faire marrer tes petits camarades, qui se targuent de réalisme et de pragmatisme tout en te traitant (au mieux) d’écolo doux rêveur. Moi je ne voulais juste faire qu'un quart de ce qui est montré dans ce film (cf la bande annonce).... mais au final nous n'avons rien fait d'écologique. Certes nous avons réalisé de belles actions sociales et culturelles, dont on peut être fier, mais rien qui aille dans le sens de la transition écologique qui aurait permis de faire des Ulis, une ville durable, une ville en transition, une ville résiliente, capable d'encaisser les crises économiques et/ou écologiques. Mais non, notre ville est encore et toujours perfusée au pétrole, dépendante des apports de nourriture (toxique) d'ailleurs alors qu'elle est entouré de champs à perte de vue, vulnérable aux froids et aux aléas climatiques... Notre ville et son vivre ensemble est encore et toujours menacée d'effondrement car aucun des défis (écologique, climatique, énergétique, métallique, ...), qui se posent à nous, n'aura été pris au sérieux. Ainsi je suis content pour les gens d'Ungersheim qui ont eu un maire lucide et éveillé au point de porter des actions véritablement écologiques, tout en me demandant, naïvement, pourquoi on n’en parle pas aux 20h ?!?! Il doit y avoir des intérêts économiques qui cherchent à ce que tout cela ne s'ébruite pas trop. Je suis content pour eux, comme je suis content pour Saint-Pierre-de-Frugie, en Dordogne, qui a su reprend vie en misant tout sur le bio, mais cela ne fait que révéler de façon criante mon propre echec et j’en suis presque humilié.

Le 5 octobre, au Sénat, Emmanuelle Cosse, ministre transfuge, a déclaré : « Nous sommes sortis de la crise du bâtiment et du logement ». Mais, entre nous, si c'est pour construire des pavillons ou des zones commerciales, encore et toujours, sur les terres agricoles et autres espaces naturels, si c'est pour construire en béton (fort émetteur de Gaz à Effet de Serre), si c'est pour ne toujours pas construire en passif, alors je ne vois pas où est le progrès qu'une personne, qui se dit écologiste, pourrait être fière de porter. Si c'est pour faire comme avant, alors je ne trouve pas que ce soit vraiment une bonne nouvelle. Ainsi donc, si l’Anthropocène caractérise l'époque de l'histoire de la Terre durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau qu'elle est devenue une « force géologique » majeure capable de marquer la lithosphère et qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l'écosystème terrestre, alors, définitivement l'anthropocène est bien une preuve de la puissance destructive de l'humanité, de notre capacité de nuisance exceptionnelle à laquelle participent ces élus aveuglés et vaniteux, ces chefs d’états corrompus, ces ministres serviles, ces décideurs inconscients, ces lobbies de l’argent et de l’industrie destructive, qui poursuivent une guerre contre la nature…

S’ils la gagnent, alors nous sommes perdus (Hubers Reeves).

Crédits photo du centre commercial déserté 
(Randall Park - North Randall, Ohio (1976 - 2009)) : Seph Lawless

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Trois films à voir pour compléter

Pour quelques hectares de plus.



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Centres commerciaux : la grande illusion - Documentaire 2015



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La terre en morceaux

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