Il y a des médailles d'or dont on s’honore et celles que l'on dissimule sous le tapis. Dans la seconde catégorie, on classera la médaille d'or des dividendes versés aux actionnaires.
La France y a été sacrée championne d'Europe pour la troisième année consécutive, excusez du peu.
Sur le Vieux Continent, aucun autre pays n'a réussi à atteindre les 35 milliards d'euros distribués par les groupes du CAC40 en 2016. Cela représente une hausse de 11,2% en un an, à comparer avec celle du SMIC net mensuel, qui a augmenté de 0,5% en un an, soit 5,6 € de mieux entre janvier 2015 et janvier 2016. On ajoutera que le Smic n'a connu aucun coup de pouce depuis quatre ans au nom de la « Compétitivité » des entreprises, nouveau mantra réunissant, dans un même chœur, les ténors de la droite décomplexée et les petites voix de la Gauche complexée.
Il faut croire que les sommes exorbitantes versées aux rentiers sont des bienfaits du ciel, comme les petits pains que le Christ distribua aux disciples.
La croissance de la France a été nulle aux deuxième trimestre. La production industrielle n'a toujours pas retrouvé son niveau de 2008. Le chômage ne bouge qu'à la marge. Le commerce extérieur boit la tasse. Les émissaires du Medef tendent la sébile à l’état pour obtenir de nouveaux subsides publics, en expliquant que les entreprises sont étranglées, qu'elles ne peuvent équilibrer leurs comptes et qu'il faut alléger les « charges » qui fondent pourtant le pacte social à la française. Or pendant ce temps, les sommes versées aux actionnaires alimentent un puits sans fond, et nul n'en parle.
Il est de bon ton de fustiger les « assistés » et d'assimiler les pauvres à des profiteurs sans foi ni loi. Mais jamais on ne dénonce les prébendes des actionnaires, ces assistés de la finance. Jamais on ne s'interroge sur le coût du capital qui freine l'emploi, l'investissement et la recherche. En vertu de la vulgate qui tient lieu de prêt-à-penser, les rentiers ont des privilèges comparables aux droits seigneuriaux de l'ancien régime.
En son temps, Keynes voulait « euthanasier les actionnaires ». Il disait : « Nous serions capables d’éteindre le soleil et les étoiles parce qu'ils ne rapportent aucun dividende. » Aujourd'hui, Keynes serait passible du tribunal pénal international pour crime contre l'esprit.
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