"Le motif de base de la résistance était l'indignation. Nous vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre, l'héritage de la résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux."

Stéphane Hessel

dimanche 21 septembre 2025

Pour la République et la Paix ...

Texte lu par mes soins, pour le groupe des Écologistes des Ulis,

lors de la fête de la République et de la paix, célébrée, 

comme tous les 21 septembre.

Chères citoyennes, chers citoyens, 

Chères amies, chers amis, 

La manifestation d'extrême droite du week-end dernier, à Londres, est effrayante par son ampleur. Il ne sert à rien de le nier, définitivement le fascisme a le vent en poupe en Europe et dans le monde. Trump a brisé les derniers tabous. L'humanisme, en état de sidération, perd du terrain, au profit de la haine décomplexée et c'est catastrophique. 

Soutenir l'extrême droite c'est soutenir un groupe qui porte en lui les germes de la violence, du meurtre, du sang et des larmes. Les fascistes et leurs ami.e.s pourront toujours argumenter que c'est faux, la réalité a le cuir épais : "Aux Etats-Unis, l’extrême droite est impliquée dans 93 % des meurtres extrémistes" peut-on lire dans libération. [...] Sur 20 ans (aux USA ndt), une très large majorité des meurtriers (347 sur 371) sont liés à des organisations d’extrême droite. Pour la majorité d’entre eux (262), il s’agit de suprémacistes blancs. [...]. 

Et ainsi, n'en déplaise à la droite et son extrême et à l’ère de la post-vérité où tout est permis, l'assassin de Charlie Kirk est bien des leurs. 

Chez les écologistes on condamne fermement le fait de tuer quelqu’un et particulièrement pour ce qu’il dit. Cependant transformer cet homme raciste, sexiste, homophobe, transphobe et antisémite, en martyr de la liberté d’expression c’est juste ouvrir davantage les discours ultra réactionnaires et racistes dans l’espace public. 

Benjamin Brillaud (nota bene) dit et on partage « Je vois des comparatifs avec Martin Luther King, Kennedy, Charlie Hebdo… c’est la foire à la saucisse. Tant de « silences » médiatiques sur tant d’horreurs, et tant de bruit sur un suprémaciste qui n’attisait que la haine…c’est symptomatique de quelque chose et c’est profondément triste. » 

C’est dans ce contexte national et international régressif qu’aujourd’hui, nous célébrons la République et la Paix. Et cela n’en a que plus d’importance. Deux valeurs indissociables, deux idéaux qui nous rappellent que la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité ne peuvent pleinement s’épanouir que dans un monde libéré de la violence et du mépris de la vie. 

Notre République démocratique et humaniste est notre bien commun, notre Etat de droits, non négociable, est le gardien de nos libertés. Notre République démocratique et humaniste nous rassemble au-delà de nos différences. Elle nous oblige à protéger les plus vulnérables, à garantir à chacune et chacun sa place, sa dignité, ses droits. Mais la République ne peut être vivante que si elle s’adosse à la justice sociale et à la justice environnementale et il ne peut y avoir de justice sociale, donc de paix civile sans justice environnementale. 

La Paix, elle, n’est pas seulement l’absence de guerre. Elle est la construction quotidienne d’un monde où l’on privilégie le dialogue à la confrontation, le soin à la prédation, le partage à l’accaparement. Elle commence ici, dans notre manière de vivre ensemble, et elle s’étend jusqu’à la planète toute entière. Le pacifisme c'est travailler à annihiler toutes les causes de la guerre mais pas de refuser un conflit imposé par une puissance incontrôlée car on ne peut pas crier « à tout prix la paix ». Quel prix sommes-nous prêts à payer pour avoir la paix en cas d’agression ? 

Le pacifisme c'est travailler à annihiler toutes les causes de la guerre, or, nous le savons, notre maison commune est menacée et premièrement par la remise en cause de la science au profit des croyances. Le climat se dérègle, la biodiversité s’effondre, les inégalités s’aggravent. Les crises écologiques alimentent les conflits et déplacent des millions de personnes. C’est pourquoi être écologiste aujourd’hui, c’est être artisan de paix. Car sans respect de la nature, il n’y aura pas de justice, et sans justice, il n’y aura pas de paix. C’est tout le message du Prix Nobel de la paix de 2007, décerné au GIEC pour leurs efforts de collecte et de diffusion des connaissances sur les changements climatiques provoqués par l'homme qui, à terme, provoqueront tensions et guerres. 

En ce jour de fête, souvenons-nous que chaque geste compte. Chaque engagement local, dans une pensée globale, participe à cette grande œuvre de concorde. Chaque arbre planté, chaque énergie renouvelable produite, chaque solidarité créée entre voisins est une victoire de la République et de la Paix. 

Alors, rassemblons nos forces. Portons haut les couleurs de l’écologie, de la démocratie, et de l’humanité. La République est notre socle, la Paix est notre horizon, et l’écologie est le chemin qui relie l’une à l’autre. 

Vivce la France, vive la République, vive la Paix, et vive l’écologie !

 

samedi 20 septembre 2025

Fête de l'Huma : la réponse de Paul Watson

Mail de Paul Watson aux adhérent.e.s de Sea Sheperd France. Une réponse qui a le méritre d'être claire et honnorable. 

Hier, je ne savais pas ce qu'était un écofasciste. 

Aujourd'hui, apparemment, j'en suis un. 

Samedi dernier, j'ai parlé devant une foule conséquente lors de la conférence annuelle de la Fête de l'Humanité en France. 

Ce fut un événement passionnant, quelques milliers de personnes sympathisantes mais également environ deux cent manifestants indignés qui me hurlaient dessus et exigeaient qu'on me fasse taire , ce que j'ai trouvé plutôt ironique pour un évènement qui défend la liberté d'expression. 

Ce n'est pas de la faute des organisateurs, que j'ai trouvés plutôt ouverts et respectueux du droit de parole, et j'apprécie qu'ils m'aient invité

Les quelques centaines de perturbateurs étaient un groupe pour le moins enthousiaste, certains brandissaient le poing et me dénonçaient comme cette chose qu'ils appellent un « écofasciste. » J'ai l'habitude d'être traité de beaucoup de choses, notamment d'écoterroriste, d'extrémiste environnemental, d'activiste militant perturbateur et d'écopirate. Tous des surnoms très flatteurs et maintenant je peux en ajouter un nouveau - écofasciste. 

C'était génial. J'adore les publics hostiles et les débats animés, j’ai trouvé leurs chants « antifascistes " accrocheurs et mélodieux . 

J’ai toujours trouvé ce genre de perturbations excitantes pour ma part car elles créent une atmosphère propice à la transmission d'un message. La dernière fois que j'ai eu un public encore plus hostile, c'était il y a de nombreuses années quand j'ai débattu avec le Premier ministre de Terre-Neuve Brian Peckford devant un public de mille partisans de la chasse aux phoques, ou en 1984 quand je me suis adressé à une foule de trappeurs et de chasseurs en Colombie-Britannique du Nord en m'opposant à l'abattage de loups sponsorisé par le gouvernement. J'ai apprécié ces rencontres et je dois admettre que j'ai également apprécié la rencontre de samedi dernier. Rien de mieux que les cris fervents d'une foule pour m’inspirer et me motiver davantage. Donc j'étais très certainement inspiré pour exprimer mes positions, encore plus haut et fort, sur le biocentrisme, l'écologie profonde et les droits de la nature, ce qui, me dit-on, est de l'écofascisme. 

Et si c'est ainsi que l'écofascisme est défini, je ne m’en défendrai pas. 

Donc, en gardant le sourire et en élevant le volume de ma voix, j'ai transmis mon message sur l'importance de défendre la vie, la diversité et l'interdépendance dans les océans. 

D'après ce que j'ai compris, ces gens étaient contrariés que mes priorités soient écologiques et non politiques, que je valorise la vie des autres espèces au-dessus de l'humanité et que je considère le matérialisme humain et le comportement humain comme destructeurs pour la nature. Leur point de vue est que ma position de rectitude écologique n'est pas un point de vue politiquement acceptable. 

Tout ceci est très vrai et je ne présente aucune excuse. Je considère leur colère anthropocentrique comme une validation de mon biocentrisme. 

Nous, les humains, vivons sur cette planète grâce à des centaines de milliers d'espèces, nous sommes des passagers du Vaisseau Terre, et si nous voulons survivre, nous devons nous assurer que tous survivent. Je défends le biocentrisme, l'idée que nous ne sommes pas les maîtres et possesseurs de cette planète, que nous ne sommes pas l'espèce la plus importante au monde , et que les droits des humains ne devraient pas avoir la priorité sur les droits des autres espèces, plantes comme animaux. 

Certains considèrent apparemment mes critiques de l'anthropocentrisme comme racistes. 

Je ne crois pas qu'une personne biocentrique puisse être raciste puisque nous reconnaissons qu'il n'y a qu'une seule race, la race humaine, et que chaque humain est égal à tout autre humain et que toute vie de toutes les espèces est interdépendante. 

Cependant, nous ne sommes pas écologiquement égaux à de nombreuses autres espèces parce que beaucoup d'autres espèces sont plus précieuses que nous au maintien de la vie sur Terre. Cela signifie concrètement qu'elles n'ont pas besoin de nous, mais nous avons besoin d'elles. Nous ne pouvons pas vivre sur cette planète sans les microbes, les abeilles, les champignons, les arbres, les poissons, le phytoplancton et les baleines. Ils se porteraient en revanche très bien sans nous. 

Certains m'ont accusé d'être anti-autochtone pour m'être opposé à la chasse baleinière de la tribu Makah de l'État de Washington, oubliant commodément que mon opposition était à l'invitation de plus d'une douzaine d'Anciens de la nation Makah et que beaucoup de membres de mon équipage étaient eux mêmes autochtones. 

Ne se revendiquer ni de droite ni de gauche ni même centriste est une position incompréhensible pour certains. Ce sont des valeurs politiquement anthropocentriques, et je rejette les valeurs anthropocentriques. Donc, pour la droite, je suis dénoncé comme gauchiste et pour la gauche, je suis dénoncé comme extrémiste de droite ou cette chose intéressante qu'ils appellent un écofasciste. 

Après toute une vie passée à travailler avec et à lutter pour les droits des autochtones d'Amérique du Nord et du Sud, des Aborigènes d'Australie et des Maoris de Nouvelle-Zélande, c'était hilarant de voir un groupe d'Européens blancs privilégiés me dénoncer sur la base de désinformation et de propagande biaisée de mon histoire, une histoire dont ils ne savent de toute évidence pas grand-chose. 

Certains m'ont accusé d'être anti-immigration, ce à quoi j'ai répondu que je ne crois pas aux frontières et que mes opinions sur l'immigration sont les mêmes que celles du défunt leader du syndicat United Farmworkers, César Chávez : l'immigration illégale est utilisée par l'agrobusiness et les entreprises américaines pour maintenir les communautés latinos dans la pauvreté, une politique qui perpétue la misère et l'esclavage moderne aux États-Unis. 

Je ne suis certainement pas nationaliste et, à mon avis, l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud devraient avoir des frontières ouvertes. Un être humain devrait avoir la liberté de se déplacer sur la planète sans restriction ni persécution. 

Et bien sûr, on m’accuse d’être raciste à cause de mon amitié avec Brigitte Bardot. Pour cela, je ne présente aucune excuse. Ce que Brigitte Bardot a accompli en 1977 mit fin au massacre commercial des phoques au Canada. Parce qu'elle a parlé, parce qu'elle a utilisé sa célébrité pour faire avancer la cause, plusieurs millions de bébés phoques ont eu la vie sauve et le marché des produits en peau de phoque s’est effondré dans de nombreux pays, y compris dans toute l'Europe. Je connais très peu de gens qui ont accompli autant pour les animaux qu'elle. 

Une autre accusation est que je veux voir la population humaine réduite de huit milliards à moins d'un milliard de personnes. C'est une déformation grossière de ce que j'ai réellement dit de nombreuses fois, à savoir que si l'humanité persiste à ignorer les lois de l'écologie, de l'interdépendance et la diminution de la diversité, cela conduira à la diminution des ressources et de la capacité de charge et aura des conséquences dévastatrices sur les populations humaines qui chuteraient en deçà de 1 milliard. Je ne préconise pas une réduction forcée de la population, mais je souligne que si la croissance démographique humaine n'est pas stabilisée, cela entraînera un effondrement écologique et l'incapacité de soutenir plus de huit milliards de personnes. 

Un monde sans abeilles, sans arbres, sans herbe, sans poissons n'est pas un monde capable de soutenir tant de milliards de primates consommateurs de ressources finies. 

Énoncer des faits écologiques et exposer des réalités écologiques n'est pas anti-humain. En fait, c'est très pro-humain parce que le mouvement environnemental vise vraiment à sauver l'humanité de la folie écologique de l'humanité. 

Si mes positions politiques ne sont ni de droite ni de gauche, alors que sont-elles ? C'est très simple, mes positions politiques sont anti-guerre (peu importe la raison), anti-racisme, anti-pauvreté, anti-génocide, pro-animal, pro-plante, pro-nature, pro-enfants et pro-paix. 

Je n'ai pas besoin de me définir par les querelles incessantes et improductives entre les stupides idéologies anthropocentriques de gauche et de droite. 

Mes positions ont toujours été écologiquement correctes, c'est-à-dire conformes aux trois lois fondamentales de l'écologie - la loi de la diversité, la loi de l'interdépendance et la loi des ressources finies. 

 Aucune espèce ne peut survivre en dehors de ces impératifs écologiques. 

Mes efforts pour travailler avec les Kayapó remontent à 1989 quand j'étais aux côtés du chef Paulinho Paiakan pour m'opposer au barrage du fleuve Xingu. En 1973, j'ai servi au combat comme infirmier pendant l'occupation de Wounded Knee par l'American Indian Movement pour défendre le traité de Fort Laramie de 1868. 

Tout cela ne signifie grand-chose pour quelques centaines de blancs qui me crient "écofascisme" tout en essayant sans succès de m'empêcher de parler. Ils ont décidé que ce que je disais était inacceptable pour eux et c'est parfaitement compréhensible puisque je ne tiens pas les positions que j'exprime dans le but de plaire aux gens. Je sais que mes opinions énervent beaucoup de gens et c'est le but - forcer les gens à affronter les réalités écologiques. 

Une question qui m'a été posée était si j'avais dit que les vies de quatre cent mille phoques valaient plus que les vies de quatre chasseurs de phoques qui sont morts en essayant de tuer des bébés phoques du Groenland. J'ai dit que oui, j'avais dit ça. Pourquoi dirais-je une telle chose ? Eh bien, parce que les vies de quatre cent mille phoques valent plus que les quatre hommes qui essayaient de les tuer. Est-ce une déclaration écofasciste ? Peut-être, mais je vois ça comme une vérité écologique. La survie d'une espèce menacée est plus importante que les quelques vies d'une espèce beaucoup plus abondante. Je suis monté sur cette scène sans savoir ce qu'était un écofasciste. 

Une heure plus tard, j'en suis descendu sous les applaudissements de mille personnes et les huées de quelques centaines d'autres avec une compréhension claire que selon leurs valeurs anthropocentriques, j'étais un environnementaliste écofasciste qui aime et respecte les animaux et la nature plus que l'humanité. 

 Et à cette accusation, et si c'est leur définition, je plaide fièrement coupable. 

Capitaine Paul Watson

 

Photo : Paul Watson à la Fête de l'Huma samedi 13 septembre. - ©THIERRY LE FOUILLE/SIPA 

mardi 15 juillet 2025

Quand Bellman et Bouddha se rencontrent

Mon père, grand penseur et vulgarisateur de la complexité, il y a déjà longtemps m'a fait un très beau cadeau en m'expliquant un théorème simple et pourtant puissant : le théorème de Bellman. 

Ce théorème pose le principe que « pour optimiser un système, il faut savoir désoptimiser les sous-systèmes qui le composent ». Qu'est ce que cela veut dire ? Prenons un exemple du quotidien pour illustrer ce propos, par exemple la voiture. 

Pour faire une voiture (système) performante, un constructeur mal avisé pourrait être tenté d’optimiser chaque sous-système qui la compose comme par exemple mettre le moteur le plus puissant (sous-système 1), la carrosserie la plus légère (sous-système 2), des pneus les plus fins (sous-système 3), etc. En optimisant chaque sous-système, on pourrait penser que ce constructeur va obtenir la voiture la plus optimisée, mais en fait cela va être en réalité une mauvaise voiture parce que son moteur va trop consommer, provoquer des vibrations de carrosserie inconfortables et l’usure prématurée des soudures et des pneus. Pour faire une bonne voiture, autrement dit un bon système, le constructeur va donc désoptimiser le moteur (sous-système 1) en réduisant sa puissance, la carrosserie (sous-système 2) en la faisant plus épaisse et donc plus résistante car plus lourde, les pneus (sous-système 3) en rajoutant du caoutchouc, etc. 

Le problème est que si le constructeur désoptimise trop ces sous-systèmes il aura aussi une mauvaise voiture au résultat. 

Tout l’art de l’ingénieur, c’est de savoir où placer le curseur de la désoptimisation des sous-systèmes. 

Fort de la connaissance de ce théorème, on peut l'appliquer à à peu près tous les domaines car tout est système. Ainsi pour prendre une illustration, dans le domaine agricole, on comprend bien que si chaque consommateur français (sous système) cherche à s'optimiser en achetant des fruits et légumes à bas coût mais venant d'Espagne, l'économie française (système) va se désoptimiser en produisant disparition des agriculteurs français, augmentation du chômage et du désert français, suppression des services publics dans les campagnes, augmentation du mal être des populations habitant encore les campagnes, etc... 

Je pense qu'il en est de même pour le système terre (climat tempéré actuel, biodiversité, qualité des eaux douces et marines,...) qui se désoptimise actuellement, c'est à dire se dégrade, car un de ses sous-systèmes, le sous-système humain cherche à s'optimiser à tous les niveaux à travers une consommation exponentielle suffisamment documentée par ailleurs, des émissions incontrôlées de gaz à effet de serre, un usage déraisonné des pesticides et insecticides, la déforestation massive, la pollution des eaux et l'étalement humain. 

Tant que l'humanité, et d'abord sa partie la plus riche, n'aura pas en tête ce théorème de bellman, il y a fort à parier que la dégradation délétère de l'environnement ne fera que continuer nous entraînant collectivement vers le gouffre. 

Cette propension à vouloir s'optimiser pour chaque humain doit, me semble-t-il, répondre à une règle biologique qui veut que chaque être vivant essaye de tirer un maximum de bénéfices du biotope dans lequel il s'inscrit. Le problème est que l'humanité n'a plus de prédateur naturel pour réguler ses ardeurs. Comment se fait-il que l'être humain, qui n'est pas tout à fait un animal comme les autres dans la mesure où il est doté d'une conscience et d'une intelligence particulièrement développées, continue-t-il d'agir à un niveau collectif comme si tout allait bien et que les choses pouvaient durer ainsi éternellement ? Pourquoi n'agissons nous pas pour redresser la situation ? 

Tout d'abord peut-être parce que l'humanité refuse d'admettre et de prendre en compte les limites planétaires pourtant bien connues aujourd'hui. 

Mais aussi et surtout peut être parce qu'une grande partie de l'humanité a une vision erronée de la réalité. Et là, je ferais appel à un autre de mes grands maîtres à penser, le Bouddha, qui avait notamment bien expliqué que tout est interdépendant mais que l'être humain ne le voit pas. 

L'interdépendance est un concept fondamental qui décrit la nature interconnectée de tous les phénomènes. Selon le Bouddha, rien n'existe de manière indépendante ou isolée. Tout est relié et dépend de causes et de conditions spécifiques pour exister. Cette idée est souvent exprimée par la notion de coproduction conditionnée, qui signifie que chaque phénomène est le résultat d'une multitude de facteurs interdépendants. 

L'interdépendance implique que tout est en constante transformation et que rien n'a d'existence propre ou permanente. 

Ainsi, dans un écosystème, chaque élément dépend des autres pour survivre. Par exemple, les plantes dépendent du soleil, de l'eau et du sol pour pousser. Les animaux dépendent des plantes pour se nourrir, et les plantes dépendent des animaux pour la pollinisation et la dispersion des graines. Si un élément de cet écosystème est perturbé, cela affecte tous les autres éléments. 

L'être humain, au niveau individuel, et l'humanité, au niveau collectif, du fait de leur vision erronée de la réalité agissent comme s'ils étaient des entités séparées et indépendantes de l'écosystème terre dans lequel ils s'inscrivent. Or ce n'est pas le cas et ce faisant en détruisant l'environnement, l'humanité se condamne à terme. 

Est-ce là ce que nous voulons ? N'est il pas temps de suivre les bons conseils de Bouddha et de monsieur Bellman si nous voulons, en tant qu'espèce avoir quelques chances de perdurer sans entraîner de souffrances majeures pour elle ?

Christophe BOMBLED

Image : Erik Johansson 

jeudi 30 janvier 2025

Claude Allègre est donc mort.

Par Jean-Marc Jancovici - 2025 

Claude Allègre est donc mort. S'il n'avait été "que" scientifique, il n'est pas sur qu'il y aurait eu cet hommage (pour le moins maladroit !) de notre premier ministre sur X, mais voilà : il a aussi été ministre. Or, dans ce milieu, il est souvent de bon ton de dire du bien de vos adversaires une fois qu'ils sont morts. 

 Il est certain qu'Allègre a fait des choses bien dans sa vie. Mais il y a une chose qu'il a fini par faire très mal : parler du dossier du réchauffement climatique d'origine humaine. Et il l'a fait avec énormément d'énergie ! 

Rappelons tout d'abord que s'il a été si efficace dans cette "croisade", c'est notamment parce qu'à l'époque il était très facilement invité dans les media (pas de réseaux sociaux alors). Cela m'avait conduit à publier cette longue dissertation sur le fait que le "droit au débat", souvent mis en avant par des journalistes pour convier l'ancien ministre, était en l'espèce un argument dévoyé.

A l'époque où Allègre était très présent, je m'étais fendu de deux commentaires un peu longs sur les écrits de notre ancien ministre. Le premier "analysait" une tribune qu'il avait publiée dans Le Monde en octobre 2006, où l'auteur se posait en victime parce qu'il avait le courage de dire la vérité.

La tribune en question avait fait l'objet d'un appel en Une du journal, et la rédaction l'avait faite précéder d'un chapô dans lequel était écrite la phrase suivante : "L'unanimité actuelle sur la responsabilité de l'effet de serre dans le réchauffement de la Terre est suspecte." .

Et à l'époque il n'y avait pas que Le Monde ! De très nombreux organes de presse, écrite, radio ou télé lui ont ouvert leurs colonnes ou tendu le micro. La bonne nouvelle est que depuis la presse est devenue globalement beaucoup plus sérieuse sur la question climatique. 

Emporté par mon élan, j'avais aussi recensé son livre "Ma Vérité sur ma Planète". En me relisant, je me dis qu'à l'époque j'étais un peu plus énervé qu'aujourd'hui sur la forme 🙂. 

 Il subsiste pourtant un "mystère Allègre". En 1987, ce dernier a publié un ouvrage intitulé "12 clés pour la Géologie" (Belin). Il y écrivait : "[l’augmentation de la quantité de gaz carbonique dans l’atmosphère] est autrement plus important[e] que le danger nucléaire. La concentration en gaz carbonique augmente dans l’atmosphère, et, par ce que l’on appelle l’effet de serre, la température du globe augmente lentement. (…) Le problème est extrêmement important scientifiquement et nous devrions prendre des mesures rapidement. (…) la source du gaz carbonique est la combustion des combustibles fossiles. (…)". 

Question, que j'aurais adoré voir traitée par la presse à l'époque : pourquoi, entre 1987 et 2006, notre ancien ministre a aussi radicalement changé d'avis, alors même que la science progressait ? Une chose est certaine : il est désormais un peu tard pour lui poser la question...